De Lutèce à Lutèce en passant par Paris

Publiée le 11/09/2019
Retrouver les deux Lutèce et faire un tour à Paris

Chercher Lutèce

-" Bonjour je cherche Lutèce!"

-"Lutèce? Laquelle des deux?"

-"Pourquoi il y a deux Lutèce???????"

-"Bien sur! Asseyez vous sur ce banc, près de moi, je vais vous raconter ça......."

"Il y a bien des siècles, alors que la Gaule était encore couverte de forets et que les romains n'étaient encore que des commerçants , dans une boucle de la Seine, fleuve de la déesse Sequana, vivait un peuple fier, les Kwarisi, ce qui veut dire Peuple des Carrières. Car ces hommes étaient avant tout d'incroyables tailleurs de pierres. Leur cité, Lucotecia, était située à un endroit où le fleuve faisait une boucle si large qu'on aurait dit qu'ils vivaient sur une île. En fait leur ville était située à un endroit que vous appelez maintenant Nanterre.

Les Kwarisi, Parisii pour les Romains, étaient un peuple brave et fier, qui avait rejoint les rangs des armées de Vercingétorix pour s'opposer à la conquête romaine. Ils battirent les romains devant les portes de leur cité, mais ceux ci revinrent avec de nombreux renforts.

Alors les Kwarisi les affrontèrent dans une plaine plus en amont, la plaine de Garanalla, qui devint pour vous Grenelle. Là les deux armées se battirent pendant des heures, jusqu'à la fin de tous les combattants gaulois. 

Aujourd'hui leurs os reposent sous le Champ de Mars, et la Tour Eiffel est pour leurs âmes un tumulus qui ne leur aurait pas déplut! Dommage ,aujourd’hui tant de gens passent sans le savoir sur la terre qui a bu le sang des premiers parisiens!

Mais la première Lutèce fut ainsi détruite, rasée par l'occupant, qui la reconstruisit à la romaine sur une île, une vraie, située plus haut sur le fleuve, une île entourée de marais, alimentés par les bras du fleuve et quelques rivières, un endroit facile à défendre. La deuxième Lutèce était née, et quelques siècles plus tard elle prendrait le nom du peuple qui avait fondé son ancêtre, elle deviendrait Paris, la cité des Parisii! 

Allons jeune homme, il est temps de traverser le fleuve et de plonger dans l'histoire de la cité! "

Sur l'Île

J'ai donc suivi les conseils de ce vieux fantôme, peut être Camulogène lui-même, et j'ai traversé le pont Neuf, qui comme son nom ne l'indique pas, est le plus vieux pont encore existant à Paris. Mais un jour il fut neuf, d'où son nom....

Arrivé sur l'île, je me glisse dans les rues, découvre la Place Dauphine encore endormie, puis je longe la Seine vers le centre de l'île. Je me glisse le long de la Conciergerie, qui fut tour à tour Palais et prison, je passe devant le Palais de Justice, devant lequel patientent la file des gens convoqués à une audience, et enfin je vois la porte d'entrée de la Sainte Chapelle, encore déserte à cette heure matinale, pas de car de touristes, pas de groupe bruyant et guidé, juste moi et un charmant vieux couple d'Anglais qui patientent sous les premières gouttes de pluie.

La Sainte Chapelle, construite en sept ans seulement sur l'emplacement de la petite chapelle St Nicolas du Palais, sur ordre de Saint Louis, pour y abriter des reliques ramenées des Croisades! Elle était à l'époque accolée au Palais de la Cité, palais des rois capétiens, du moins les premiers, et avec la Conciergerie un des deux vestiges de ce palais.

Elle est maintenant posée au beau milieu du Palais de Justice, et a perdu une grande partie de sa majesté d'alors. On y accède par la chapelle basse, qui servait de paroisse aux soldats et au personnel du palais. Son plafond est bas, car la hauteur sous voûte correspondait au rez de chaussée du Palais, qui lui aussi était réservé au personnel et serviteurs. Son décor peint n'en est pas moins magnifique, et des éléments extérieurs du palais y sont exposés. Dans l'abside, on peut voir la plus ancienne peinture murale de Paris représentant l’Annonciation. Sur les colones, alternance de fleurs de lys pour le roi, et de tours pour sa mère, Blanche de Castille. Un petit escalier à vis nous emmène dans la chapelle haute, la chapelle palatine et royale!

Là la différence est brutale, plus de voûte basse et de piliers, mais une voûte étoilée aussi haute que le ciel, des vitraux tout autour éclaire d'une lumière irréelle l'immense reliquaire dans lequel le roi Louis IX, allias St Louis ( pas si Saint que ça puisqu'il fit brûler des juifs sur la place de grève, aujourd'hui place de l'Hotel de Ville, et leur imposa le port d'un morceau d'étoffe jaune! Tiens ça ne vous rappelle rien? Ben oui, ce vieil enfoiré d'Adolf n'avait rien inventé, notre bon roi St Louis y avait déjà pensé!!!!) 

Mais revenons à la chapelle, les vitraux sont hauts de 15 m et larges de 4, en tout plus de 600m2 de verrières! Plus de mille scènes des anciens et nouveau testament y sont représentées, et toujours le portrait du roi se glisse entre les apôtres, près du Christ, déjà l'époque de la promo !!!! 

Mais le plus incroyable dans cette chapelle, c'est son architecture, aucun arc boutant, elle ne tient debout que grâce à un système ingénieux de chaînes et de barres de fer qui ceinturent l'édifice à travers les murs et les vitraux! Une prouesse pour l'époque, qui lui confère cette légèreté et ce coté aérien! Ici c'était le royaume de la lumière, où le roi en grande tenue venait régulièrement s'agenouiller devant les reliques chèrement acquises, la couronne d'épines et un fragment de la croix.

Sur la porte principale, des bas reliefs reprenant des épisodes de la Bible, et y mêlant savamment des portraits du roi......

Vers le Palais

Avant de rejoindre la Conciergerie, dernier vestige du Palais de la Cité des Rois, je fais un saut au Palis de Justice, qui renferme lui aussi quelques beaux vestiges de ce premier palais royal de Paris. Hélas, pour cause de Vigipirate renforcé, peu d'endroits sont accessibles, et je devrais me contenter de la Salle des Pas Perdus.

J'y trouverais cependant une pépite, aux pieds de la statue de l'avocat Berryer, sous le pied du personnage représentant le Droit, une tortue! Que fait elle ici? Elle symbolise discrètement la lenteur de la Justice, qui n'est donc en rien une nouveauté!!

Je file ensuite vers la Conciergerie voisine, premier palais construit en 987 , et utilisé jusqu'en 1328, avant que les rois ne s'installent dans la très ancienne forteresse du Louvre ( ce sera le sujet d'une autre balade!) .

De l'extérieur on remarque les autre tours, la Tour de l'Horloge au coin du quai, qui abrite la toute première horloge publique de France! Son cadran et son mécanisme sont d'origine, XIVe siècle, et fonctionnent toujours! La Tour de César, élevée sur les fondations d'une tour romaine, la Tour d'Argent, qui n'a rien à voir avec un restaurant célèbre mais tout à voir avec l'argent, puisqu'on y conservait le Trésor Royal. Et enfin plus loin, la Tour Bonbec. Rien à voir non plus avec des bonbons, on l'appelait ainsi parce qu'on y soumettait les prisonniers à la torture pour les faire parler et.......leur faire ouvrir le bec!!!!!

En entrant, on se retrouve dans la salle des gens d'armes, la plus grande salle gothique actuellement en Europe, de magnifiques ogives croisées, à l'époque les murs étaient peints et de grands feux brulaient dans les cheminées en hiver. De grandes baies, aujourd'hui murées, en assuraient l'éclairage. Cette salle servait également de réfectoire au personnel du Palais.

Par un escalier ( nouveau, le vieil escalier médiéval est aujourd'hui muré et il n'en reste qu'une trace) on gagne les cuisines et leurs quatre immenses cheminées. Leur place un peu excentrée s'explique d'une part par la peur des incendies, d'autre par par la proximité du quai de seine, où les fournisseurs venaient accoster pour livrer leurs marchandises.

Plus loin la salle des gardes, un couloir, aujourd'hui fermé, servait de dortoir aux prisonniers pauvres, qui pouvaient y dormir sur de la paille. Les plus riches louaient une cellule avec un lit avant leur procès.

On accède ensuite à la partie qui servit de prison à la révolution, reconstitution de cachots, exposition de livre d'écrou, où étaient notés les noms des prisonniers, quand on entrait ici, on était sur de ne ressortir qu'en deux morceaux bien séparés! 

Au sous sol, là où se trouvait la cellule de Marie Antoinette, la chapelle expiatoire, édifiée sur ordre de son beau frère Louis XVIII, lors de la Restauration. Un autel de marbre est posé là où était sa paillasse.

On sort ensuite par la cour des femmes, encore cernée par les fenêtres à barreaux des cellules, cet endroit n'a pas changé depuis la Révolution, c'est ici que les femmes emprisonnées passaient le peu de temps qu'il leur restait à vivre.


je m'égare

En sortant de la Conciergerie, je franchis de nouveau la Seine pour atterir dans le Quartier Latin, là mes pas me mènent vers l'Hotel De Cluny, construit par des moines au XIIe siècle, sur les ruines des thermes gallo romains. Deux univers co existent ici, le monde païen et le monde chrétien.

Mais le musée étant en travaux, seules deux salles sont ouvertes, celle des thermes tout d'abord, impressionnant frigidarium, d'une hauteur incroyable, un fragment de mosaïque reste sur un des murs, et avec de l'imagination on imagine ce lieu il y a deux mille ans, fréquenté par une foule d'hommes parlant un mélange de latin et de gaulois, parlant politique, amour et business!!

Le Pilier des Nautes, don de la puissante corporation des patrons de péniches de l'époque, trône en plusieurs morceaux au milieu de la salle. La suite des thermes étant en travaux, impossible d'y aller, je me contenterais de voir par la fenêtre la trace des fours à bois, qui sont aujourd'hui ensevelis sous le Boulevard Saint Michel, ces fours servaient à chauffer l'eau des bains et étaient alimentés en permanence par une armée d'esclaves.

La deuxième salle expose des trésors de l'art médiéval, des ivoires, des objets en or, des tapisseries, réalisés entre le VIIe et le XIIe siècles. Impressionnants aussi de finesse et de richesse.

Ma visite de la journée tire à sa fin, cela fait des heures que je me plonge dans la vie du Lutèce Paris, il est temps de revenir au présent.

Je remonte tranquillement par les petites rues du Quartier Latin, rue de la Harpe, rue de la Huchette, je croise des grappes de touristes, agglutinés autour de leur guide bouée de sauvetage, j'entends parler dix langues différentes en quelques minutes, tandis que des camelots Sri Lankais s'interpellent dans leur langue, et que deux ou trois mendiants tournent autour des touristes en lançant des Hello et autres Guten Tag. Les néfastes foods bousculent les bistrots parisiens, et je me dis qu'il y a des siècles tout était pareil!

On entendait certainement parler bien des langues étrangères ici même, du Breton, du Provençal, du Germain, du Latin et du Franc, seuls les noms changent, mais on est toujours l'étranger de quelqu'un! Et des camelots, mendiants et tire bourses devaient bien entendu traîner leurs braies dans les ruelles de Lutèce. Non, à part la technologie que les hommes utilisent, rien n'a changé!

2 commentaires

Wally

Ton blog nous fait voyager littéralement à travers le temps et l’espace parisien. C’est magnifique.

  • il y a 5 ans

oliv58

Merci cher ami. ?

  • il y a 5 ans
17 Voyages | 140 Étapes
Paris, France
15e jour (11/09/2019)
Étape du voyage
Début du voyage : 28/08/2019
Liste des étapes

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