Je me pose dans la salle d’embarquement d’Orly, je suis à quelques minutes de réaliser mon rêve ! Tu connais cette impression d’avoir déjà vécu un moment tellement tu l’as imaginé ? Là, c’est exactement ça sauf qu’il est putain de vrai cet instant ! Dans ma tête, j’suis en apesanteur mais dans mon bide, ça lance, ça pince, ça serre. J’ai les pensées schizophrènes et les émotions bipolaires, ça monte haut et ça descend bas. Tout ça en quelques secondes, c’est brutal ! En vérité, je prends déjà mon pied, j’me suis même grillé à sourire tout seul en regardant bêtement dans le vide. L’heure du décollage approche et l’excitation monte trop fort, je perds un peu le contrôle. J’me lève 6 fois en 2 minutes, je pisse 3 fois en 20 minutes sans que ça sorte évidemment, je commence à me gratter fort les deux avant-bras et je m’invente une grosse envie de pondre juste au moment d’embarquer… C’est net, je flippe.
19h32.
Je suis assis dans l’avion, mon envie de pondre est passée mais je n’arrive toujours pas à lâcher prise. Je résiste de ouf et je trouve même le temps d’imaginer deux ou trois délires qui me permettraient d’être facilement débarqué de l’avion et même un peu plus que ça peut-être…Je sors vite de ce trip avant de me lancer comme un possédé dans un « cap ou pas cap » sans fin. Ça m’arrive encore trop souvent d’avoir une idée de merde et de vouloir la faire vivre jusqu’au bout, juste pour voir… L’attente est trop longue, mon impatience me fait tellement gigoter dans tous les sens sur mon siège que je réussis à déranger des personnes assises deux rangées derrière moi. À ce moment, j’ai un peu trop l’impression d’être ce petit garçon qui doit attendre que tout monde soit servi pour enfin avoir l’autorisation de manger sa part de gâteau le jour de son anniversaire… Pour me sortir de là, je trouve mes écouteurs, mets une playlist en mode aléatoire et pousse à fond le son.Quelques secondes plus tard, j’entends un bruit sourd en fond et je me sens écrasé dans mon siège. « She loves you » des Beatles commence à ce moment dans mes oreilles, j’ai l’impression d’être dans un film où le son colle parfaitement à l’image durant un instant. Je viens de vivre ma première ivresse du voyage, j’ai les deux pieds en l’air et je ne sais pas où je vais… mais j’y vais pour un an.
