Vivre dans une communaute indigene Awajun

Publiée le 13/06/2016
De la decouverte, du partage, de l´enseignement, des rires, des larmes, de la nourriture, de l´amour... decouvrez ma vie d´awajun

Vendredi 6 mai, debut de l aventure entre exitation, stress et inquietudes

Vendredi 6 mai, 6h, réveil général, nous bouclons nos sacs qui sont plus lourds que jamais : provisions, anti moustique en masse, bottes en caoutchouc, etc. Nous embarquons dans la première voiture pour Bagua, où Tiwi nous accueille. Retrouvailles chaleureuses, présentation d'Andres et Cleyman et émotion de Tiwi se disant que ça y est le projet va commencer. Tiwi nous informe du changement de programme, nous ne commencerons pas dans sa communauté mais à San Rafael, une autre communauté indigène Awajun où son frère (Martin) y est pasteur et étant bien reconnu et respecté, il facilitera notre intégration. On se tasse les 4 à l’arrière d'une voiture pour 3h de route, direction Imacita. A notre arrivée nous rencontrons une première autorité, Alberto qui nous accorde sa bénédiction pour mener le projet. 30 minutes de barque sur El rio marañon et nous mettons les pieds sur le sol de la communauté de San Rafael. Etendue sur plusieurs kilomètres (presque 2h de marche entre la première et la dernière maison), le village est habité par plus de 800 personnes ! San rafael est l'une des 86 communautés indigenes Awajun, toutes rattachées à la petite ville d'imacita.

On embarque pour l aventure

La communauté awajun de San Rafael

A l'origine les awajun ne vivaient pas en communauté, chaque famille possédait son terrain et était séparée de plusieurs kilomètres des autres familles. En 1951, Deteg Kayap forme les prémisses de la communauté de San Rafael. Vingt ans plus tard le premier Apu (chef de la communauté) sera désigné. Aujourd'hui San rafael est comme un petit village concentré entre le port et le stade, les autres maisons sont plus éloignées. Les chacras (terres cultivées) sont situées plus loin, chaque jour les femmes et hommes font le voyage pour récupérer de la nourriture. 

Mais que viennent faire ces "gringos"

A notre arrivée, en traversant le village nous sentons tous les regards interrogatifs, critiques et apeurés. Les enfants courent se cacher, les adultes répondent poliment à nos "hola" mais commentent en Awajun (langue maternelle). Tiwi et Martin nous présentent aux habitants croisés sur la route et bien que nous ne comprenons pas un mot aux échanges qu'ils partagent, nous ressentons des réticences. Les gens se demandent pourquoi des étrangers (des "gringos") viennent dans leur village, pourquoi la pollution d'ici nous intéresse, qu'est ce que nous voulons réellement, sommes-nous venu étudier les terres pour les prendre, sommes-nous venu chercher de l'or, qui nous envoie, qui nous paye... Certaines critiques vont même plus loin, mélange d'histoires passées et mythes, les indigènes ont peur que nous ne venions voler leurs enfants, que nous nous levions la nuit pour les prendre en photo etc. Mais le plus grand problème que nous rencontrons est soulevé par l'Apu qui nous dit que nous n'avions pas le droit d'entrer dans la communauté sans autorisation officielle de la mairie et approbation du projet. Nous avons eu tort de prendre à la légère l'avertissement donné la veille par Jose à Bagua : "attention, il vous faut une autorisation sinon ça se passera mal pour vous, il n’y a pas longtemps un Apu a tué 3 gringos car ils avaient pénétré dans ses terres sans autorisation". J'avais trouvé ça complètement délirant mais Tiwi nous raconte des cas similaires! Par chance cet Apu nous écoute et trouve notre projet intéressant et nécessaire pour sa communauté, il nous laisse donc séjourner jusqu'au rendez vous avec la mairie pour obtenir l'autorisation. Il organise une rencontre avec les habitants, nous présentons publiquement le projet : monter un programme d'éducation à l'environnement pour que les habitants cessent de jeter leurs papiers, piles, plastiques etc. dans la nature. En parallèle nous nous engageons à travailler avec la mairie afin que celle-ci vienne récupérer les poubelles de chaque communauté. Comme dans beaucoup d'autre endroit du Pérou les personnes jettent leurs poubelles n'importe où, dans les communautés les poubelles ne sont même pas mises dans des sacs, elles sont jetées comme on jète nos trognons de pommes, dans les villes des sacs poubelles pleins sont jetés dans un trou ou dans un fleuve. Malgré des débats chauds et l'énonciation des craintes de chacun face aux peaux blanches, le projet est pré-accepté. Nous expliquons le système de volontariat et dès notre installation plusieurs personnes nous apportent fruits et légumes. 

Notre maison

Nous séjournons dans une annexe de l'église qui comporte une vingtaine de lits traditionnels (monture en bois recouvert de branche de bambou). Premières nuits difficiles, douleurs dans tout le corps, mais on s'habitue. 

Dans une autre annexe, nous avons un grand espace pour cuisiner et manger. On apprend à cuisiner de façon traditionnelle : au feu de bois. On apprend également à cuisiner/manger les différents aliments produits dans les chacras de la communauté : yuca (manioc), platanos, patate douce, pamplemousse, papaye, noix de coco, canne à sucre etc. 

Notre premiere maison
Offrandes
Cuisson
Repas Awajun
Repas Awajun
Offrandes des enfants

Le sport

Le sport est très important dans la communauté, les hommes jouent au football et les femmes au volleyball.  Le niveau est impressionnant ! Tous les jours à partir de 16h30, les sportifs se retrouvent sur le terrain, une bonne partie de la communauté participe. Dès le premier jour, on est invité à jouer, pour ma part il me faudra pas mal d'entrainement pour atteindre le niveau. C'est un bon moyen pour s'intégrer rapidement, en a peine une session de sport on se rapproche de quelques personnes. Parmi elles Marleny, capitaine de l'équipe de volley, elle deviendra notre grande amie.

Rendez vous avec la mairie

Arrivés en mairie nous demandons l'autorisation d'accès qui nous est rapidement accordée car l'apu de San Rafael avait contacté le maire pour donner son consentement. On profite de notre passage pour rencontrer la chargée du développement social et un technicien des résidus solides. Ils nous présentent leur plan de maniement des ordures et recyclage fraichement réfléchi pour une mise en action cet été. Ils sont ravis de notre projet et nous nous trouvons bien complémentaires, nous les invitons à prendre des engagement précis, notamment en fixant une date pour venir récupérer les poubelles à San Rafael. 

L’intégration dans la communauté

Petit à petit les gens commencent à s’habituer à notre présence et viennent nous parler afin que nous leur expliquions mieux la raison de notre présence, ils se demandent aussi si nos proches ne nous manquent pas trop, si on est heureux ici, comment est la vie dans nos pays etc. À la sortie de l'école les enfants viennent jouer, les offrandes et partages de repas se multiplient, nous allons aider Marleny à récupérer du manioc dans sa chacra, nous apprenons quelques mots en awajun, nous allons même jusqu’à manger des suris ( grosses larves de coléoptère, les awajuns en raffolent) ! Nous passons de plus en plus de temps avec Marleny et sa famille, nous cuisinons un gâteau pour l'anniversaire de sa fille qui par émotion fond en larme et Marleny avec. Ca y est nous avons notre petite famille indigène! 

Session recolte de suri, ouverture de l aguave
Degustation de suris
Degustation de suris
Rencontre avec le pareseux

Le jour ou tout s’écroule

Jour de fête pour la communauté, fête des mères, nous sommes invités à partager un repas géant avec les habitants. Les femmes d'abord, les hommes apportent ensuite la nourriture à leur mère, femme, soeur, on ne m'oublie pas, je me retrouve rapidement avec 6 assiettes de plats différents ! Ici on n'a pas le droit de refuser, je mange jusqu’à explosion. 

Ayant beaucoup de personnes réunies pour l'occasion et plein de nouvelles personnes que nous ne connaissons pas, l'Apu propose de prendre un temps pour parler du projet. On se présente, on présente le projet, Cleyman fait un discours tellement beau que nous obtenons l'approbation générale !  Une grande réussite, Tiwi est aux anges et nous aussi. Mais alors que le carnet de signatures circule dans l'assemblée, l'Apu fait l'erreur de parler de l'association. En effet nous souhaitons créer une association afin de pouvoir mieux se structurer, une association qui mènera à bien le projet dans toutes les communautés. A san rafael nous souhaitions créer un comité qui dirige les actions menées à san Rafael. Mais voila que les mots ony été échangés et en entendant le mot "association" de nombreuses personnes souhaitent la présidence et souhaitent que les membres soient uniquement des gens de San Rafael. Andres, dans son rôle d'avocat, prend partie pour Tiwi soulignant les raisons pour lesquelles il doit être président ( initiateur du projet, lien direct avec les volontaires, bonne réputation dans les autres communautés, ancien Apu de sa communauté etc). Mais voila que l'assemblée s'enflamme et pour l'opposition de 2 personnes, le projet est rejeté... Nous qui avions mis tant de coeur dans ce projet, nous qui pensions pouvoir changer un peu le monde, nous voila complètement désillusionnés. Impossible de retenir les larmes lorsque je me retrouve chez Marleny, nous voila tous plongés dans une tristesse profonde. Nous rentrons faire nos sacs pour un départ le lendemain matin. La nouvelle circulant très vite, les amis sont rentrés à toute allure des chacras pour venir partager notre peine. Au matin le directeur de l'école, Ismael, vient nous parler nous implorant d'excuser sa communauté et qu'il va faire son possible pour les faire changer d'avis. Il nous dit que dès la première heure de nombreuses personnes sont venues chez lui pour lui dire qu’elles souhaitaient que nous restions. Mais les décisions prises en assemblée doivent être respectées, nous quittons alors le village. Ismael ne peut retenir ses larmes, il est tellement peiné que sa communauté rejète perpétuellement les projets qui sont faits pour l'aider. Nous montons dans la barque, nos amis sont venus nous dire au revoir, les enfants courent au sommet de la montagne pour nous saluer le plus longtemps possible. Les larmes coulent le long de mes joues, je ressens un déchirement, une tristesse profonde de ne pas avoir pu mener à bien ce grand projet et le sentiment de quitter ma maison, ma famille... Ah, nous sommes le 13 mai, pour une demi année sur la route j'aurais bien voulu quelque chose d'un peu plus gai. 

Les actions à San Rafael

Le travail se divise en 5 grandes actions : l'éducation des enfants (classe à chaque groupe), l'éducation des adultes (au travers de réunions collectives), la construction d'un conteneur de poubelles compartimenté et de poubelles collectives installées à différents endroits de la communauté (terrain de foot, maison communale, église et infirmerie), définition d'un jour de nettoyage général et la recherche  d'entreprises qui seraient intéressées pour racheter les déchets. En parallèle nous travaillons avec la mairie pour effectuer la récupération des poubelles non recyclables. 

Le retour

Nous nous installons chez Martin à Imacita afin de réfléchir calmement à tout ça. A notre arrivée, on croise une personne qui était ce week end à San Rafael, il a suivi les débats et est très intéressé pour que nous menions le projet dans sa communauté. Ces propos nous remotivent, Martin nous indique que deux autres communautés sont intéressées aussi. Nous décidons donc de profiter de ce retour en ville pour commencer à créer l'association. Nous passons également en mairie pour obtenir une autorisation d'accès à l'ensemble des communautés awajun. Le maire est très intéressé par ce qu'on mène et propose que nous fixions une date pour que nous partagions nos savoirs avec certains membres de la mairie. On sort ravis et remotivés pour poursuivre ce projet. Et la mon téléphone sonne, Ismael à l'autre bout de la ligne me dit, qu'après deux longues réunions, ils ont réussi à faire accepter le projet à San Rafel. Ils nous attendent le plus tôt possible pour que nous puissions rencontrer le comité qui vient d'être créé. Explosion de joie, on rentre à la maison ! :)

Marleny, Ismael et Vanessa (soeur de Marleny et femmes d'Ismael) viennent nous chercher en bateau, quels plaisirs de savoir comment ils se sont battus pour nous. La nouvelle de notre retour ayant circulée vite, enfants et adultes viennent nous saluer.

Nous réunissons le comité qui prend son rôle très au sérieux, nous définissons l'objectif du comité, le rôle des volontaires et le plan d'actions. Les membres du comité expriment qu'ils souhaitent que nous ayons notre propre maison, ils nous ont trouvé une maison vide. Dès le lendemain ils se mettent tous à l'oeuvre pour renforcer les murs de la maison et nous construire des lits. Les enfants nous apportent fruits et légumes. Nous voilà définitivement installés prêts à mener les actions.

Les poubelles
Classe
Classe
Classe
Classe
Lancement du grand ramassage d ordures
Ramassage d ordures
Netoyage de la communaute
Regroupement des ordures
Sortie des ordures de la communaute, premier voyage

Vivre dans une communauté indigène

C'est plaisant de ne plus sentir les regards racistes et la peur lorsque l'on se promène dans la communauté. Grace aux classes tous les enfants nous connaissent et nous appellent par nos prénoms. Les adultes commencent à bien nous connaitre aussi. J'essaie de m'intégrer le plus possible à la vie de la communauté. Le jeudi, chaque quinzaine, les communautés awajun se déplacent jusqu'au port pour vendre platanos et banane. Je pars aider une tante de Marleny, après 1h de marche et une traversée en bateau nous arrivons à sa chacra où nous récoltons et portons les platanos jusqu'au bateau. Nous récupérons également manioc et platanos pour notre consommation. Nous chargeons nos canastas (Paniers indigènes qui se portent dans le dos, maintenus par la tête) remplis à ras bord  et pesant plus de trente kilos chacun, et c’est ainsi que nous faisons le chemin inverse. A notre arrivée au village j'amuse pas mal les habitants qui n'ont jamais vu une gringo charger de la nourriture dans une canasta. Je rentre explosée, de la boue jusqu'au genou, trempée de sueur et avec des douleurs de partout ! C'est incroyable, souvent les femmes portent des cargaisons beaucoup plus lourdes et si elles ont un enfant en bas âge, elle le porte devant ! Et ainsi elles marchent des kilomètres ! 

Plusieurs personnes s’arrêtent devant notre maison pour parler avec nous, certaines ont plein de questions sur le monde : comment vit-on dans nos pays? Que mangeons nous ? d'où viennent les peuples d'Amérique du sud? Quelles sont les dates de la libération des femmes dans le monde ? Etc. 

Cleyman et Andres ayant épuisé leurs réserves financières, nous pensons à vendre de la nourritures pour se payer au moins le voyage du retour. Marleny est bien équipée en matériel de cuisine, je déniche une bonne poêle et en avant pour une session crêpes. Yanina ( la fille de Marleny) se transforme en vraie petite vendeuse. En un rien de temps les stocks de crêpes se transforment en sol (monnaie péruvienne! :) 

Nous apprenons à vivre sans électricité, parfois on triche un peu, on utilise le panneau solaire de Marleny pour charger les batteries, nous prenons goût aux douches extérieures sous les étoiles, le manioc devient indispensable à chacun de nos repas, les enfants viennent chaque jour dessiner et jouer dans notre maison, certaines personnes ne parlant que awajun tentent de communiquer aussi, on ne se comprend pas mais on est bien ensemble... Je commence à m'attacher à ma vie d'awajun. 

construction de nots lits
Griselda et Lugui, nos enfants d adoption
les petits champion du ramassage
Notre maison
Apres l effort le reconfort
Griselda
Session jonglage
le terrain de foot
A la ceuillette
Ma petite Griselda au retour de l ecole
Sortie avec Yanina et Adeline en guide
Cabane Awajun
Le fleuve maranon
Barque awajun
Adeline
Yanina
Mama, la mamie de marleny
Mama, marleny, papi et yanina
Smiiiile
Ismael, papi, vanessa, yanina, marleny, cleyman et andres
Raphael, l artisans du village en tenue traditionnelle
Awajun Transformationnnnn
decouverte des traditions

Une separation difficile

Voila un mois que nous sommes dans la communauté. Nous allons devoir reprendre la route. Nous commençons à répandre la nouvelle de notre départ. Les enfants nous demandent pourquoi nous les abandonnons, les adultes nous demandent de rester, on propose de nous donner plusieurs chacras et de nous construire une maison pour qu'on puisse vivre ici, on est touché et même si une partie de moi souhaiterait rester vivre ici, une autre partie veut explorer le sud. 

Nous voila sur le départ, un départ très douloureux avec beaucoup de larmes. Je me suis beaucoup attachée à Marleny, Vanessa, Ismael, aux membres du comité et aux enfants. Quel plaisir de voir constamment ces gens heureux, les enfants passer leur journée à rire et jouer des heures avec un simple bout de bâton, les gens manger leur propre recolte...

Apres de longues embrassades difficiles nous montons à bord de notre barque qui nous éloigne doucement de nos amis.

Un dernier regard sur ce paysage merveilleux et nous levons le pouce direction Cusco, à 2180 km ! Motivé, motivé!

Depart
3 commentaires

PatrickBMA

Magnifique récit de tous point de vues, l'action et la narration, super on ne demande qu'a en relire, félicitations et pleins de bisous

  • il y a 8 ans
François

RonronEtYoyo

Quelle étape !!

  • il y a 8 ans

SimonDieudonne

Content que cette belle expérience ait pu germer et vous apporter des rencontres et du partage.

  • il y a 8 ans