Le Hameau des Buis - La Ferme des Enfants, Sud-Ardèche

Publiée le 08/08/2019
C'est en tant que wwoofeuse "bergère de chèvres" que je vais vivre de nombreuses aventures en Ardèche dans cette école/écohameaux créée il y a 15 ans !

Une rencontre marquante avec un couple de permaculteurs humains

J’ai envie de commencer ce récit par ma rencontre avec Yuan-Yuan :

Cette petite chinoise hyper active et déterminée m’a beaucoup plu ! Créer et amener la vie partout où elle va, telle est sa devise. Arrivée depuis un mois sur les lieux elle a déjà planté toutes sortes de légumes et de plantes comestibles autour de la yourte qu’elle occupe avec son compagnon et leur fils Daio. « Il faut bien nourrir ma famille » me lance-t-elle ! 

Elle n’a pas planté au hasard. En bonne permacultrice, elle a d’abord observé ce qui poussait sur le terrain (un tas de caillou sous les chênes). Elle a laissé des plantes comestibles déjà présentes, repéré les zones plus humides (en fonction de l’écoulement de l’eau de pluie), puis rapporté quelques centimètres d’humus de la forêt pour y faire ses plantations dans l’art de la permaculture : chaque plante avec ses alliées. Bien entendu, un coin du terrain est réservé à la nature sauvage et elle n’y interviendra pas afin de laisser toute la place aux êtres vivants locaux (plantes et animaux) et stimuler ainsi la biodiversité.

Yuan-Yuan et son compagnon Michael ne sont pas de simples jardiniers : ils font de la permaculture humaine ! Et oui, la permaculture ce n’est pas que dans le jardin, c’est une philosophie qui s’applique dans tous les domaines de la vie.

Il s’agit de créer des systèmes vivants autonomes : un jardin qui ne meurt pas sans l’intervention de l’homme, mais aussi des systèmes humains qui s’auto-alimentent, comme une école : un vrai écosystème en soi avec des élèves, des adultes pour les accompagner dans leurs apprentissages, des bénévoles, les animaux de la ferme pédagogique, des parents d’élève, etc.

Yuan-Yuan et Michael ont été appelés par Sophie et Laurent, les fondateurs de l’école du hameau appelée "La ferme des enfants", pour les aider dans une période difficile de crise et de refonte du projet. Leur mission : faire de l’école un éco-système vivant qui se soutient lui-même !

Arrivée dans un contexte compliqué

C’est dans ce contexte de crise et de remise en question que je suis arrivée à la Ferme des enfants mi-mai. Un contexte pas facile. En gros, les habitants du Hameau des Buis et la direction de l’école sont en plein divorce suite à des années de conflits larvés. Je n’entrerai pas dans les détails que j’ignorent d’ailleurs.

De mon point de vue le projet, qui était historiquement un seul projet, abrite en réalité deux projets différents avec des raisons d’être différentes et donc difficilement conciliables dans un même système de gouvernance, à savoir :

-      D’un côté la Ferme des enfants, une école hors-contrat lieu pionnier d’expérimentation de pédagogies alternatives (Montessori, école démocratique) 

-      De l’autre, le Hameau des Buis, un éco-hameau habité tant par des familles que des personnes à la retraite.

Bref le projet collectif est au point mort, ils ont décidé de ceindre le projet en deux : l’école d’un côté et le hameau de l’autre. La gouvernance partagée a explosé. Comme quoi, la gouvernance partagée c’est pas fait pour tous les projets et ça n’empêche pas les conflits. Je crois qu’un des éléments pour que ça fonctionne c’est que le projet, la vision, la stratégie, soit travaillée et émerge en collectif. 

 

Le hameau comprend également un espace de maraichage et une chèvrerie : ici on fait le fromage du pis de la chèvre jusqu’au marché. Une boulangerie s’est également installée sur les lieux récemment. Tout ceci sans produit chimique il va sans dire.

D’autre part, mon accueil est assez chaotique. Les règles ne sont pas claires, la personne qui s’occupe des bénévoles est absente, d’autres prennent le relai mais ils ne sont pas au courant de tout. Le flou organisationnel plane sur le collectif, le genre de chose que je n’aime pas du tout. Je découvre cependant le fonctionnement petit à petit, mais je mets du temps à avoir une vision d’ensemble. Le soir, les autres bénévoles mangent tard (21h). L’autre soir je les ai attendus car ils avaient préparés des crêpes pour tous. J’ai accompagné Garance à les faire cuir. Nous avons bien discuté toutes les deux, cela m’a fait du bien d’avoir un échange privilégié avec une personne, d’apprendre à la connaitre, de commencer à tisser un lien.

 

Je mets bien 8 jours à faire mon trou, ce qui me parait une éternité à moi, personne très sociable. En effet, je suis la seule wwoofeuse et je travaille seule avec les chèvres. Il y a bien d’autres bénévoles qui travaillent à l’école mais on se croise seulement. Je constate que le fait de ne pas travailler ensemble ralentit nettement le temps d’apprivoisement et de création de lien, en comparaison à ce que j’ai pu vivre précédemment dans les Hautes-Alpes. Mais bon, ça finit par se faire et je rencontre beaucoup de monde : on sera une vingtaine à mon pot de départ !

Mon expérience de bergère

Mais revenons au début de l’histoire : mon rôle de wwoofeuse consiste à promener le petit troupeau de 13 chèvres et 10 chevreaux afin qu’ils puissent paître dans la belle forêt de chênes du bois de Païolive. 

Les mésaventures du début

Bergère, ça fait rêver les plus romantiques d’entre nous (moi comprise)… Ma première ballade en compagnie du chevrier avait en effet des airs de Marion des sources. Le troupeau paisible se promenait devant la vue magnifique sur les falaises qui surplombent la rivière. Alors que je m’asseyais dans l’herbe, un chevreau venait se faire câliner dans mes bras.

Le deuxième jour il en fut autrement. Il y a des matins, heureusement qu’on ne sait pas ce qui va nous arriver, sinon on ne se lèverait jamais…

Ce matin-là je pars en ballade avec la chevrière. Afin d’entrainer le troupeau nous partons en trottinant sur le chemin. A peine 5 minutes plus tard alors que nous traversons un petit vallon, je me retrouve à escalader un rocher pour remonter sur l’autre versant, et là, le bouc qui se trouvait juste devant moi, se retourne et profite de sa position en surplomb pour me pousser avec ses cornes. Surprise, puis paniquée, je tombe en arrière. Le bouc continue à me donner des coups. La chevrière arrive et l’attrape par la corne, lui soulève une patte arrière et le plaque au sol. Puis elle le frappe de sa main sur les fesses et la tête en criant que c’est elle la cheffe. C’est ce qu’on appelle « mater le bouc ». Choquée par l’attaque de ce dernier, je le suis une seconde fois par cette démonstration de force. La domestication implique bien entendu la domination de l’animale, au cas où je l’avais oublié.

Cela dit je ne suis apparemment pas la première à me faire charger par ce bouc manifestement très à l’aise avec les humains. En effet il a été élevé par les enfants de l’école et continue à croire que nous sommes ses camarades de jeu. Sauf que nous, on n’a pas de cornes et surtout pas du tout envie de jouer avec un bouc…

Le chevrier vient ramasser le bouc et je termine la ballade avec Lisa la chevrière. Mais j’en ai pour la journée à encaisser le choc émotionnel : c’est la première fois de ma vie que je me fais attaquer par un animal. Même s’il n’avait pas l’intention de me tuer, c’est tout de même une sensation très saisissante de se faire attaquer physiquement ! Je m’en sors avec un énorme bleu sur la cuisse, ça aurait pu être pire.

La suite des aventures chevrières

C’est avec une toute autre vision des choses que j’entame donc ma mission de bergère, seule. Je n’emmène pas le bouc avec moi, je ne me sens pas capable de le mater si nécessaire. Les chèvres m’en font déjà voir de toutes les couleurs, pas la peine d’en rajouter. 

En général pour partir le matin, pas de souci, elles sont plutôt contentes de quitter leur enclot. Une fois arrivées dans la forêt, je les laisser brouter et je suis le troupeau là où il m’emmène, c’est à dire dans les broussailles, en dehors des sentiers battus. Il faut un bon sens de l’orientation car, après ces 3 heures de ballades tranquilles, c’est mon job de les ramener à la maison.

L’orientation ne me pose pas problème, c’est plutôt l’autorité… Prendre la tête du troupeau c’est pas évident. Les chèvres me rient littéralement au nez et partent dans l’autre sens… Je m’énerve et je trébuche, je tombe. Elles me passent devant l’air de dire : « pfff quelle débutante… ».

Les jours passent et j’ai plutôt l’impression que ce sont elles qui me promènent. Rapidement, je lâche mes attentes autoritaires et j’apprends à observer le troupeau : je profite d’un mouvement de groupe pour l’amplifier et prendre la tête.

Ou alors je découvre la technique des sauts de puces : je me place à quelques dizaines de mètres du troupeau, dans la direction choisie, je m’assieds et j’attends. Au bout de 5-10minutes les chèvres m’ont rejoint tranquillement en broutant. Je me déplace à nouveau et ainsi de suite. Il faut prendre son temps…

Ce qui m’énerve c’est qu’au retour je n’arrive jamais à leur faire prendre le sentier que l’on prend à l’aller, elles vont systématiquement sur la colline et dans les vallons plein de ronces : c’est une tannée de les suivre. Un jour elles descendent même dans la falaise, je me sens bien incapable de les suivre !

Un autre jour, je pars en tête de troupeau, comme tous les matins, j’arrive sur le parking 10min plus tard et je me retourne : seulement 3 chèvres m’ont suivi, j’ai perdu le reste du troupeau ! Et merde !! Les chevriers ne répondent pas au téléphone. Je fais finalement demi-tour, au soulagement des 3 biquettes qui sont apparemment inquiètes de retrouver leurs copines. L’une d’elle se sent de surcroit plus compétente que moi dans cette tâche (et elle a bien raison !), elle me dépasse et prend la tête de notre petit groupe. À la voix elle retrouve rapidement les copines qui s’étaient arrêtées brouter dans le vallon précédent… Je range mon estime mal placée et je me dis qu’elles en savent bien plus que moi sur le métier de berger et qu’elles ont du en voir passer des dizaines des wwoofeurs débutants comme moi… Bref, au final ça me fait pas mal d’histoires à raconter et puis je finis toujours par les ramener. Chaque journée a ses rebondissements et je m’endors plutôt bien le soir !

Mais où est-ce que je dors d’ailleurs ?

Je suis hébergée dans la Caraterre : une caravane isolée avec de la terre et une pièce à vivre en plus : c’est grand et calme en pleine nature, au dessus des falaises, au bout du hameau. Je suis tranquille ici, ça me plait. 

Après une arrivée compliquée, je me fais petit à petit à cette nouvelle vie : je fais de belles rencontres et le coin est magnifique, au milieu de forêts de chênes, avec des falaises au-dessus d’une jolie rivière.

Quant à mon souhait d’observer la gouvernance partagée, il est d’abord déçu aux vues du contexte de crise. Puis je finis par assister à deux ou trois réunions tant du côté école que du côté hameau, plutôt intéressantes. Je découvre également la permaculture humaine grâce au livre « Permaculture humaine, des clés pour vivre la Transition » de Bernard Alonso et Cécile Guiochon (Editions écosociété) et à des échanges avec Yuan-Yuan et Michael. Je réalise grâce à eux ma fleur permacole : un outil qui représente les différents aspects de ma vie et ce que je souhaite y cultiver !


La vie côté Hameau des Buis

Tous les mardi et vendredi c’est jour de marché au Hameau des buis. A partir de 16h, à la sortie de l’école, quelques stands s’installent : il y a la boulangerie, le fromage de chèvre, les légumes du hameau mais aussi quelques producteurs du coin et souvent un stand de gâteaux tenu par des enfants. C’est un moment de sociabilité où on prend le temps de discuter, de prendre un verre et de faire ses courses !

Des rencontres prometteuses (la suite dans un prochain article !)

Sur place je rencontre Xavier, Sévak, Anna et Aymeric, des jeunes vingtenaires qui ont lancé l’association Hameaux Legers. Celle-ci a pour but d’accompagner des personnes et collectifs qui souhaitent s’installer en écohameaux sur de l’habitat léger (yourte, tiny house, maison nomade…). C’est un projet passionnant et je vous en dirai plus dans un article dédié ! En attendant vous pouvez les découvrir sur leur site ou leur page facebook :

https://www.hameaux-legers.org 

https://www.facebook.com/HameauxLegers/ 

Je découvre également la Commune Imaginée de Païolove. C’est un projet tout aussi passionnant qui a été initiée grâce à l’association La Suite du Monde. Faisant le constat que notre système actuel n’est pas soutenable, destructeur et probablement proche de sa fin, La Suite du Monde a pour but de créer dès aujourd’hui un autre système plus viable et résilient face aux crises qui s’en viennent (crises énergétique, climatique, financière, etc.).

Pour cela elle « acquiert puis libère des terres agricoles et biens immobiliers afin d’y développer des projets liés à l’habitat, la production agricole, l'énergie, l'organisation communaliste, l’événementiel, l’éducation, ou toute activité permettant davantage d’autonomie. Elle multiplie les activités de recherche, d'expérimentation et de conseil afin de rendre multipliables ces Communes Imaginées, connectées entre-elles. »

Ce sont des citoyens qui se regroupent pour créer une Commune Imaginée sur leur territoire et La Suite du Monde les outille et les accompagne, notamment sur l’achat de terrains. Un collectif s’est justement créé ici en Sud-Ardèche, à l’initiative de Xavier et Sévak (oui ils sont hyper actifs) et j’assiste à une réunion de la Commune Imaginée de Païolive, du nom du bois de chêne du coin, qui est d’ailleurs un espace protégé. 

Une bonne centaine de personnes sont intéressées par le projet et une quinzaine souhaite s’impliquer activement à la création du lieu. Ils sont d’ailleurs à la recherche d’un terrain qui pourra accueillir leurs activités.

La réunion est organisée et facilitée d’une main de maître par les deux compères cités ci-dessus. Je suis impressionnée par leur méthodo et leur efficacité. Ça donne envie de travailler avec eux... 

Et ça va arriver plus vite que je ne le pensais :  histoire à suivre !

Pour en savoir plus : 

https://www.lasuitedumonde.com

https://www.facebook.com/Paiolive

 

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