La Bascule, lobby citoyen en Bretagne

Publiée le 12/09/2019
À la demande de mon ami québécois Dominic, je me suis rendue avec lui au QG de La Bascule, un mouvement citoyen qui vise à catalyser la transition écologique, sociale et démocratique sur les territoires en France.

La Bascule : Kesako ?

La Bascule est un mouvement citoyen qui vise à faire « basculer » les territoires français vers un modèle de société résilient qui implique une transition démocratique, écologique et sociale. Un bien vaste objectif me direz-vous.

Ils se positionnent comme un catalyseur en se donnant notamment pour objectif de répliquer à l'échelle nationale des actions citoyennes qui ont fonctionné sur un territoire ! L'idée est d'outiller localement les citoyens qui souhaitent accélérer la transition sur leur territoire.

Je vous avoue qu'après deux jours passés ici, j’ai encore du mal à saisir toutes leurs missions et actions concrètes. En revanche je suis pleinement plongée dans leur vie quotidienne, en communauté, dans cette ancienne clinique qui leur est mise à disposition jusqu’à l’automne. 

Expérimenter une nouvelle forme de vivre ensemble

Depuis mars, une cinquantaine de personnes vit et travaille à temps sur ce projet, hébergée dans cette ancienne clinique. Si leur objectif est de créer un nouveau modèle de société, ils sont clairement en train d’expérimenter eux-mêmes une nouvelle forme de vivre ensemble ici à Pontivy. C’est de mon point de vue l’expérience la plus enrichissante que j’ai pu observer

Outre les réunions de travail, la semaine est rythmée par les repas pris ensemble trois fois par jour au réfectoire et les flash infos chaque matin et début d’après-midi qui permettent de partager très synthétiquement les infos importantes de la journée.

Comment ça s'organise au quotidien ?

Ici on fonctionne en gouvernance partagée et grâce à l’intelligence collective. Le travail est donc organisé en différents « organes » qui sont chacun souverains pour prendre des initiatives sur leur périmètre d’action défini. Les décisions sont prises au consentement (cf. l’article sur Ecoravie pour plus d’explication), les responsables sont choisis grâce à l’élection sans candidat qui permet de décider en consentement qui prendra la responsabilité d’un rôle, d’un poste ou d’une fonction grâce à un processus rigoureux (pour plus de détails cf. fiche UDN). Les réunions sont animées par des facilitateurs formés par l’Université du Nous, une référence en gouvernance partagée. 

Au quotidien, un temps commun obligatoire a lieu tous les lundi après-midi afin notamment de traiter les tensions relationnelles éventuelles grâce à différents formats d’intelligence collective. Le vendredi matin c’est deux heures de ménage pour tous en musique et dans la bonne humeur. Enfin, deux fois par semaine une pratique de réveil corporel est proposée avant la journée de travail. 

Pour vivre ensemble et faire tourner le lieu, des tâches journalières sont réparties de manière tournante sur la base du volontariat : cuisiner, vider les toilettes sèches, arroser le potager, nourrir les poules, faire la vaisselle. Un tableau est affiché et chacun vient s’inscrire pour la semaine. Cette organisation flexible permet de faire participer facilement les visiteurs et de s'adapter aux emplois du temps changeant des basculeurs.

Et pour se divertir ?

Les soirées sont libres et en général fournies en propositions, notamment de personnes extérieures de passage qui partagent leur expertise. J’ai, pour ma part, assisté à une présentation précise et chiffrée de l'association Avenir Climatique sur l’état du climat. Le lendemain nous parlions des lobbies citoyens avec un représentant de la CLIC (Citoyennes.ens Lobbyistes d'Intérêts Communs) et du le PACTE pour les transitions Citoyennes qui propose 32 propositions pour la transition (étayées de fiches techniques) à pousser auprès de nos élus. Les thèmes vont de l’alimentation bio dans les cantines, aux transports doux en passant par l’accueil des migrants. 50% des compétences décisionnaires concernant la transition sont au niveau local ce qui est plutôt encourageant pour passer à l’action !

Pour se détendre, une baignade dans la rivière ou un jogging avec les coureurs de la Bascule sont aussi possibles.

Des conditions matérielles réduites pour une motivation à bloc !

Cette jeune équipe est très motivée, bien qu’elle dispose de peu d’infrastructures et de ressources. Dans cette clinique désaffectée depuis dix ans, ils n’ont qu’un seul point d’eau par étage, pas d’évier mais des sceaux à vider, des toilettes sèches, des douches qu’il a fallu construire et de l’électricité seulement à quelques points également (escaliers, cuisine, douches). La nuit il fait donc noir dans les couloirs de cet ancien centre de santé : l’imagination pourrait vite s’emballer en films d’horreurs s’il n’y avait la convivialité et la joie des habitants pour égayer ce lieu somme toute très laid. Mais trêve de coquetterie, on n’est pas ici pour la déco. Le lieu a le mérite d’être très grand et de fournir une chambre à chacun ainsi que de nombreuses places pour les observateurs de passage. Des panneaux solaires sont installés dans la cour pour couvrir leur consommation (très limitée) et même plus.

Un potager a été planté, trop petit pour couvrir la totalité de leurs besoins, sauf en pomme de terre : une récolte d’une tonne est prévue pour la fin de l’été. 

Le lieu leur étant prêté pour 6 mois, l’investissement en énergie et en ressource pour le rendre habitable a donc été pensé en fonction du départ prévu pour fin octobre.

Qui sont les Basculeurs ?

A l’époque où je me suis rendue à Pontivy, hormis quelques trentenaires et plus, la majorité des basculeurs étaient des étudiants de 20-24 ans. Des personnes engagées et avec des idéaux, des jeunes en grand questionnement tant sur le sens que sur les impacts environnementaux des métiers qui s’offrent à eux. Des personnes qui cherchent une autre voie, qui ont envie de construire un autre avenir que le chemin tout tracé et pourtant si fragile. Certains diront que ce sont des idéalistes. Oui ils ont des idées. Mais ces idées ne sont pas plus folles (voire bien plus réalistes) que de croire que l’on pourra continuer indéfiniment à puiser impunément dans les ressources terrestres en consommant toujours plus d’énergie. Notre mode de vie n’est pas viable aujourd’hui, car il se fait aux dépens des ouvriers sous-payés en Asie et ailleurs, mais aussi aux dépens de notre écosystème que nous détruisons rapidement bien qu’il soit indispensable à la vie humaine. Il le sera encore moins demain, à nos propres dépens, quand le prix de l’énergie explosera faute de ressources et que les températures caniculaires seront la norme l’été en France. 

Alors, qui est plus crédule ? Celui qui croit que ce ne sont pas ses oignons et que sa vie ne sera pas impactée ? Ou celui qui regarde la dure réalité et agit parce qu’il croit qu’il peut changer les choses ?

Au de-là de la question de la crédulité, je vous laisse méditer sur ces questions qui concernent notre présent et notre avenir proche, ainsi que celui de l’humanité (oui ça fait mélodramatique, mais c’est la triste actualité…).

Je vous partage dans l'article qui suit mes réflexions du moment à ce sujet : pour le lire cliquez ici !

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