LITTERATURE

Publiée le 25/04/2018
Quelques livres évoquant le Transsibérien et les régions traversées par ce train

Tangente vers l'Est Maylis de Kerangal

Hélène est française, elle a pris la tangente fuyant la déception de sa relation avec son amant russe. Aliocha a la moitié de son âge, celui de l'incorporation dans l'armée qu'il refuse de toute son âme. Maylis de Kerangal nous raconte l'histoire de leur rencontre improbable. Rien de commun entre Hélène et Aliocha qui vont pourtant réussir à communiquer et à nous faire frémir. Nous embarquons avec eux dans le Transsibérien nous laissant porter par le romantisme de ce voyage et de leur histoire. Un magnifique et court roman rythmé par le mouvement du train et la description de ces paysages rudes et  émouvants.

 "Des gars, jeunes, pâles, le crâne rasé, en  habit de camouflage, épaules tatouées. Debouts ou allongés. La plupart coincés. Le regard tourné vers ailleurs. Et le train qui file sur les rails, irréversibles, laissant derrière eux  leur vie et la Russie"  

Maylis de Kerangal Tangente vers l'Est, roman publié en 2012 chez Gallimard, collection Verticales et ayant reçu le prix Landerneau cette même année. Elle l'a écrit après un voyage en 2010 dans le Transsibérien, voyage qui avait regroupé des écrivains dans le cadre de l'année France Russie.  

Bons baisers du Baïkal Géraldine Dunbar

Géraldine DUNBAR a également participé au voyage organisé dans le Transsibérien en 2010. Elle a écrit avec talent ce recueil de nouvelles tragi-comiques en 2014. Elles se déroulent dans la région du Baïkal dont le cœur bat depuis 25 millions d’années en pleine taïga sibérienne. Nous avons rencontré dans ce livre ermites, chasseurs et pêcheurs hauts en couleurs, aventuriers en quête d'absolu, phoques s'entretenant de littérature, un homme d’affaire désabusé ... et Baba Yaga, sorcière des contes et légendes slaves que nous espérons croiser dans nos moments de solitude! Elle résoud toutes les situations délicates!! Enfin Géraldine Dunbar décrit la Russie dans toute sa splendeur, ses extravagances et ses paradoxes. 

« Tu ne l’aimes vraiment pas, la Modernité !
- Niet… fit l’instituteur, en appuyant sur la pédale forte.
- Pourquoi ? 
- Je te l’ai dit, c’est une ogresse… Elle avale les pays les uns après les autres sur les cinq continents ! Elle est en forme, elle parcourt la terre à grands pas, enjambant les mers et les montagnes, étouffant le chant des hommes, les écrasants sous sa botte et les dévorant de ses belles dents éclatantes. Chez nous, c’est un vampire. La Russie, la femme la plus somptueuse sur terre, ne lui a pas résisté ».


Bons baisers du Baïkal, Géraldine DUNBAR éditions Transboréales 2014

Blaise Cendrars

Voyager dans le Transsibérien et ne pas avoir lu La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France de Blaise Cendrars serait une erreur. Écrit en 1913 ce poème, ou plutôt cette ballade, relate le voyage entre Moscou et Harbin (Chine) de Cendrars, adolescent, avec Jehanne. Nous espérons rêver avec Cendrars au cours de notre beau voyage...                                                                                              Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France

En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon cœur, tour à tour, brûlait comme le temple
d’Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou
Quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout.

la suite sur internet car ce poème est très très long! Et...quelques livres plus tard il plane un mystère sur ce poème: certains disent que Blaise Cendrars n'a jamais voyagé dans le Transsibérien ?! À Pierre Lazareff qui lui demandait s'il avait vraiment pris ce train il aurait répondu: " qu'est-ce que ça peut te faire puisque je vous l'ai fait prendre à tous?"...

Ermites dans la Taïga et Des nouvelles d'Agafia de Vassili Peskov  parus chez BABEL

Ces 2 livres ont été écrits par Vassili Peskov, grand reporter à Komsomol - Skaya Prada. Ermites dans la Taïga est le premier, Des nouvelles d'Agafia le second. Dans le 1er Vassili Peskov relate la découverte dans la Taïga et l'histoire d'Agafia Lykov et de sa famille. Le second est composé de l'ensemble des articles qu'il a écrit et qui sont parus dans le Komsomol-Skaya Prada, certains après la parution du premier livre. De ce fait nous avons des nouvelles, pendant plusieurs années d'Agafia, qui vit seule, tous les membres de sa famille étant peu à peu décédés, Les russes se sont passionnés pour cette histoire. L'histoire débute en 1979 lorsque des géologues découvrent des terres cultivées en survolant une zone sauvage de la Sibérie, à des centaines de km de toute vie humaine. Deux ans après ils organisent une expédition dans l'espoir de rencontrer qui cultive ces terres. Ils tombent, stupéfaits, sur les Lykov, une famille de Vieux-Croyants qui survit à cet endroit depuis 1938 dans le dénuement le plus total affrontant des hivers à -40*. Plusieurs des enfants sont nés ici et n'ont jamais rencontré d'autres êtres humains. Vassili Peskov, informé de cette découverte va peu à peu lier amitié avec les Lykov. Nous avons ainsi découvert qui sont ces Vieux -Croyants, victimes de persécutions dés 1905 et dont certains ont fui le "siècle" (notre société) pour se réfugier et vivre leur religion loin de toutes nos habitudes occidentales. Ces récits nous ont passionnées et nous avons quitté avec regrets Agafia, seule survivante de la famille. Mais ce que nous avons aimé par dessus tout c'est le profond respect dont les géologues et Vassili Peskov ont fait preuve à leur égard. Agafia est toujours vivante. Si vous voulez la rencontrer voici les coordonnées GPS: 51*27'38,50'´N , 88*25'36,50'´E. Bon courage!!!!!

"Nos offres de conserves, de thé et de pain ont été rejetées énergiquement par nos hôtes : "Ce n'est pas pour nous !" Sur un foyer de pierre disposé près de leur masure ils ont mis une marmite de pommes de terre lavées à l'eau du torrent qu'ils ont recouverte d'une plaque de pierre. Puis ils se sont mis à attendre. Avaient-ils jamais mangé du pain ? Le vieux a répondu : "J'en ai bien mangé, mais elles, non. Elles n'en ont même jamais vu."
Les filles étaient vêtues comme leur père, d'une toile à sac tissée de chanvre. (...)
La conversation marchait mal. Et la gêne n'en était pas la seule cause. Nous avions du mal à comprendre le langage des filles. Elles employaient beaucoup de mots anciens dont nous devions deviner le sens".


Ermites dans la Taïga paru en 1999 et Des nouvelles d'Agafia de Vassili Peskov  paru en 2009 chez BABEL

Les Sirènes du Transsiberien De Brest à Vladivostok Hervé BELLEC

Hervé BELLEC a répondu à une commande de son éditeur: partir sur le Transsibérien et écrire son aventure. Un peu réticent au départ il se prend rapidement au jeu et quitte sa Bretagne natale le 7 fevrier 2007.  Parti de Moscou en Transsibérien il ne fera pas d'escale jusqu'à Vladivostok. Son voyage dure 7 jours et ses seules sorties sont celles sur les quais de gare quand la durée de l'arrêt le lui permet. Ce livre est plein d'humour et de tendresse. Il livre ses pensées sans pudeur et décrit la vie dans ce train mythique (d'ailleurs il écrit que ce train est devenu mythique grâce à Cendrars et à la Petite Jéhanne de France). D'emblée ce livre qui se lit comme un roman est une mine d'informations pour les voyageuses que nous seront en octobre 2018. Mais dans un second temps il devient vite passionnant car Hervé BELLEC enrichit son récit de pages d'histoire de la Russie et d'anecdotes souvent "croustillantes". Nous y avons appris que Vodka signifie Petite eau (ça Claudette le savait, alors que je lui disais avoir lu que l'alcool est interdit dans le train elle m'a vaillamment répondu "sauf la vodka, pour les russes c'est de l'eau";.. ça promet!) que le Baïkal est surnommé "l’œil bleu de la Russie" et qu'il est le plus grand réservoir d'eau douce au monde, que le fleuve Amour ne porte pas ce nom en référence à ce beau sentiment mais est la traduction d'un mot bouriate qui signifie "boueux" (dommage)!!! Hervé BELLEC fait également référence aux grands personnages russes, écrivains, musiciens, personnages historiques: Gogol, Boris Godounov, Tchekov, Maïakowski, Prokoviev, Eisenstein, Eltsine, Poutine etc, ils sont tous là rendant le lecture de ce livre passionnante. Monsieur BELLEC nous avons voyagé avec vous et sommes vraiment navrées que vous ayez été malade pendant votre voyage, mais je vous le dis: votre fièvre vous a rendu d'autant plus attachant et nous sommes d'accord avec vous: Yula n'a vraiment pas été sympa de ne pas vous réveiller pour vous dire au revoir! Et nous n'oublierons pas d'emporter des fraises Tagada et des échantillons Beauty Success!

"A cette heure où le jour commençait à poindre, la neige prenait des reflets d’un rose si délicat que j’avais l’impression de traverser l’anti-chambre du pays des Merveilles. Peu importe la réalité et l’approche qu’on se fait de cette réalité, je peux affirmer que le spectacle qu’il m’a été donné de voir ce matin du 9 février était l’un des plus émouvants auquel j’ai assisté de ma vie. La Sibérie se donnait entièrement à moi, sans fard et sans pudeur, tremblante et nue. Mon Dieu qu’elle était belle".


Les sirènes du Transsibérien: en poche chez Pocket depuis septembre 2017.

Dans les forêts de Sibérie Sylvain Tesson

Nous avons tellement aimé ce livre que nous voudrions le recopier ici entièrement pour le partager avec vous! Il est le récit quotidien de 6 mois de réclusion solitaire et volontaire en 2010 de Sylvain Tesson sur les rives du Baïkal. Tour à tour poétique, philosophique, écologique, humoristique mais aussi amer et désespéré. Ce livre nous a tellement passionnée que nous nous sommes surprises à rêver de faire cette expérience d'ermitage  en Sibérie! Nous serons là-bas en octobre 2018 nous ne verrons donc pas le lac gelé mais Monsieur Tesson nous avons compris: quand on quitte le Baïkal on n'a qu'une envie: y revenir. Nous avons également lu que vous déconseillez d'emporter avec nous des livres qui concerne l'endroit où nous voyageons ainsi peut-être allons nous nous référer à votre propre liste et y rajouter quelques classiques. Le Rouge et le noir ou Madame Bovary ou pourquoi pas le père Goriot! il sera probablement plaisant de voyager avec Julien, Emma ou Eugène!  

"C'est le soir, il est 9h, je suis devant la fenêtre. Une lune timide cherche une âme sœur mais le ciel est vide. Moi qui sautais au cou de chaque seconde pour lui faire rendre gorge et en extraire le suc, j'apprends la contemplation. Le meilleur moyen pour se convertir au calme monastique est de s'y trouver contraint. S'asseoir devant la fenêtre le thé à la main, laisser infuser les heures, offrir au paysage de décliner ses nuances, ne plus penser à rien et soudain saisir l'idée qui passe, la jeter sur le carnet de notes. Usage de la fenêtre : inviter la beauté à entrer et laisser l'inspiration sortir."

" Rien ne vaut la solitude. Pour être heureux il me manque quelqu'un à qui l'expliquer".

Dans les forêts de Sibérie Sylvain Tesson Gallimard

                                                                                                                                                                   

Le canapé rouge Michèle LESBRE

Le canapé rouge est celui sur lequel Clémence, une vieille dame fantasque à la mémoire fragile passe ses journées. Anne, sa jeune voisine, lui rend visite et Clémence lui raconte sa vie, ses amours, ses passions. Anne lui fait la lecture puis, un jour part sur les rives du Baïkal dans le Transsibérien à la recherche de Gyl, l'homme qu'elle a aimé. Anne se retrouve face à elle-même et forcée à l'introspection. Ce voyage la libère peu à peu de ses peines, de ses désespoirs et de ses amours perdus.

Magnifique livre, troublant, sensuel et poétique. J'ai aimé y retrouver Olympe de Gouges et Anna Prucnal . J'ai entendu tout au long de cette lecture l'air de Souliko (la chanson préférée de Staline, rien n'est parfait! ) et des Collines de Mandchourie. Ce livre parle du deuil de l'amour...

"Il y a des rencontres avec des gens qui nous sont même complétement inconnus, auxquels nous commençons à nous intéresser au premier regard, comme d'un seul coup, soudain, avant d'avoir dit le premier mot..."

"Je savais que le véritable voyage se fait au retour,  il inonde les jours d'après au point de donner cette sensation prolongée d'égarement d'un temps à un autre, d'un espace à un autre. Les images se superposent, secrète alchimie, profondeur de champ où nos ombres semblent plus vraies que nous-mêmes. Là est la vérité du voyage. Le plus difficile, alors, est d'avoir à se lever sans nulle part où aller..."

Le canapé rouge Michèle LESBRE Gallimard paru en 2009.

Une si lente absence Moscou-Pékin Éric FAYE et Xavier VOIROL

Récit d’un voyage en Transsibérien de Moscou à Pékin. Éric FAYE l’écrit, Xavier VOIROL l’illustre avec de magnifiques photos. Celles-ci sont empreintes de tristesse ou de nostalgie, témoins du temps qui passe dans ce pays aux prises avec son histoire tourmentée, elles laissent aller notre imagination par le flou permanent que Xavier VOIROL affiche nous donnant par moment l’impression qu’il a photographié un rêve, nous lisons en elle la lenteur du trajet et elles donnent à ce voyage l’illusion de la solitude. Et c’est bien ce qu’Éric FAYE écrit : ce voyage est une découverte aussi de notre vie intérieure et s’il provoque forcément des rencontres, il semble que ce soit d’abord la rencontre avec nous-même qui prédomine. L’écriture est très belle et contrastée, parfois poétique, parfois dans la réalité très crue des aléas de l’organisation du voyage, par moment Éric FAYE ne cache pas son agacement, en particulier lorsqu'il subit les formalités aux traversées des frontières avec la Mongolie et la Chine.. Ce livre n’a fait que provoquer un peu plus mon impatience d'embarquer dans le Transsibérien.

« Je me sentais irréellement léger. Et d’être léger, le voyageur voit son esprit s’ouvrir grand à tout ce qui l’entoure. Ouvert à cent pour cent le voyageur s’oublie. C’est la bienheureuse éclipse du moi. Certains voyages vous changent, d’autres non. Celui qui revient d’une traversée ferroviaire des steppes n’est pas celui qui est parti ».

« Qui avait répandu du lait sur le quai du départ ? c’est ainsi qu’en Mongolie, on éloigne le mauvais œil et protège un train ».

Une si lente absence Moscou-Pékin Éric FAYE Xavier VOIROL Editions Le Bec en l’Air


Corto Maltese en Sibérie Hugo Pratt

La bande dessinée d'Hugo Pratt, avec son célèbre personnage Corto Maltese ( charmant et sympathique mais avec quand même la gâchette un peu facile et un caractère pas toujours très agréable!) se déroule entre 1918 et 1920, pendant la révolution russe. Le contexte politique est complexe: la révolution communiste est en marche mais les Blancs résistent, interviennent également des chefs de guerre chinois, mongols et japonais. Pour faire court un train chargé d'or du Tsar traverse la Sibérie sur la ligne du Transsiberien, cet or est destiné à reconquérir le pouvoir en finançant l'armée blanche, évidemment cet or attire les convoitises. Cette bande dessinée est très riche sur le plan historique et pour bien la saisir il convient de se documenter un minimum! Certains des personnages russes ont réellement existé et Nino, l'officier russe a les traits de Nino Ferrer, ami d'Hugo Pratt ?Corto Maltese se lance à la chasse au trésor.  

Corto Maltese en Sibérie par Hugo Pratt éditions Casterman. 

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