A la recherche de nos chevaux à Salta

Publiée le 15/04/2022
Passage de la frontière argentine, installation temporaire à Salta, recherche de 3 chevaux

Ce mardi 5 avril, nous voyageons en bus vers Salta, en Argentine, où nous nous mettrons à la recherche de nos chevaux. Notre passage en Argentine se fait par voie terrestre, au poste frontalier de Villazón. Mais le taxi nous a tout de même laissé le choix: "rio o puente?", sachant que le passage de frontière par la rivière est la manière illégale de traverser,  Mais apparemment tout a fait admise selon un ami policier de Canducho... On s'attendait à un poste similaire à celui qu'on avait vu au Pérou. Quelle n'a pas été notre surprise en voyant que l'ensemble des contrôles de migration se faisait au niveau d'un petit Algeco où 3 des 5 guichets étaient fermés ! On nous demande plus de 5 documents différents : entre certificats de tests, d'assurance, etc., il est loin le temps d'avant le Covid, où seul un passeport suffisait. Passage de frontière Villazón-La Quiaca qui durera presque 2h, mais finalement sans encombre, malgré une petite frayeur sur une réflexion de l'agent de police au sujet du vieux visa nicaraguayen de Barbara... 

Aucun taxi de l'autre côté de la frontière, nous finissons par aller en chercher un nous-mêmes. Il nous mène à la terminal de bus où nous sommes alpagués par un rabatteur qui nous vend les billets jusqu'à Salta. Avec la compagnie "El rapido" nous sommes garantis d'un trajet "directo y sin parada" (direct et sans arrêt) en seulement 7h qu'il dit...! 10h plus tard, après 2 contrôles de gendarmerie, un changement de bus, 3 déchargements-rechargements des valises en soute, nous arrivons enfin à Salta. Les compagnies "la Flecha" et "la Veloz" portent peut être mieux leur nom ! 

Néanmoins, le trajet de jour vaut le coup. A travers la vitre nous scrutons les décors qui se transforment à mesure que nous filons vers le sud. La puna aride de La Quiaca, parsemée de ses touffes sèches, et traversée de fleuve rocailleux asséchés, laisse place à des reliefs de plus en plus colorés. Les cactus géants de Jujuy sont les témoins de la dureté de ce climat. Mais ils ne sont pas seulement appréciés pour leur majestuosité, ils auraient aussi servi de leurre à l'armée royale en marche vers Jujuy en 1812 : revêtus de chapeaux et de ponchos rouges par les troupes révolutionnaires du Général Belgrano, les cactus se seraient transformés, sous les yeux des royalistes en une innombrable armée de gauchos. De Humahuaca à San Salvador de Jujuy, les couches sédimentaires accidentées de la Cordillère se superposent dans des camaïeux de tons rouges et ocres, dont l'œil ne se lasse pas. Ces paysages sépia se recouvrent d'arbustes de plus en plus hauts et sont plus loin remplacés par de verdoyantes vallées, encadrées de yungas dissimulant derrière eux les pics enneigés de la cordillère. Nous nous rassurons à la vue des pâturages gourmands qui longent la route et des fleuves désormais parcourus de minces filets d'eau. Nous pourrons trouver, du moins dans la vallée de Salta, un microclimat salvateur pour notre chevauchée et ne serons pas contraints de quémander breuvage et fourrage dans les villages.

La team La Galère...
La beauté des montagnes du Noroeste argentino
Jujuy

Salta la Linda nous fait un très agréable effet dès le premier jour. Nous la visitons sous un soleil radieux et découvrons avec intérêt son histoire. Nous retrouvons ici l'ambiance à la fois andine et espagnole. Andine, car auparavant peuplée par les Diaguitas, le territoire a été conquis par les Incas, et fut intégré à la partie sud-est de leur immense empire  le Tawantisuyu. Témoins de cet héritage culturel très fort: les chemins incas encore présents et les momies de trois enfants, sacrifiés selon les rites incas, retrouvées presque intactes à la cime du volcan Llullaillaco, à plus de 6000 m d'altitude. Située entre les cordillères orientale et occidentale, la vallée de Salta, jouit à 1200 m d'altitude, d'un microclimat fort agréable. Les villages des vallées alentours, comme la vallée Calchaqui ou de Cafayate nous rappellent que nous sommes bien toujours au milieu des Andes, à quelques pas des sommets enneigés. L'héritage espagnol quant à lui,  est visible au travers de ses places carrées,  ses rues pavées, ses vendeurs de churros, et ses espèces de serviettes inutiles en papier de cigarette qui sont sur toutes les tables des restaurants.  A leur arrivée, les colons espagnols ont trouvé l'emplacement idéal pour relier Lima, capitale du Vice-Royaume du Pérou à Buenos Aires et son Rio de la Plata, porte ouverte sur l'Atlantique. C'est ainsi que fut fondée en 1582, Salta, par Hernando de Lerma. Ses bâtisses et ses rues sont l'héritage encore visible de ce passé colonial. Forte de ses populations gauchas, à l'esprit libre et indépendant, Salta fut une base de départ pour les guerres du Haut-Pérou, l'actuelle Bolivie  et l'un des bastions de la révolution, en particulier des généraux Belgrano et Güemes, érigés en héros de l'indépendance. Aujourd'hui il règne à Salta un mélange de cultures andine, gaucha et coloniale, et une atmosphère de simplicité, de sérénité. C'est peut-être la raison de l'amicalité si palpable de ses habitants. 

Cathédrale de Salta
Salta depuis le cerro San Bernardo
Terrasses de la Plaza del 9 de junio
L'une des nombreuses selleries de Salta
Une kitscheria
Salta plutôt relax

Canducho nous rejoint jeudi matin et nous retrouvons ses contacts dans l'après midi. Nous ne nous attendions pas à tomber sur trois jeunes gauchos, coiffés de leurs boinas-des sortes de bérets- et alpargatas aux pieds. Ces chaussures plates ressemblent étrangement à des espadrilles et l'allure Basque de ces gauchos est troublante.

Nous grimpons à bord de leur camionnette et allons visiter le premier cheval de leur liste. Trop vieux selon Canducho : nous ne nous attardons pas. Déterminer à simple vue l'âge d'un cheval n'est pas chose si aisée, l'œil avisé de Canducho en la matière nous est précieuse. Nous apprenons à notre tour en oscultant les dents.

A l'arrivée chez le second propriétaire, nous repérons dans le corral un petit cheval curieux, corpulent et visiblement en bonne santé. Nous espérons secrètement qu'il soit à vendre. Il se laisse tranquillement approcher par les gauchos et sort du corral en compagnie d'un petit bai. Les deux chevaux sont calmes, sains, leurs pieds en bon état, leur âge idéal-8 et 9 ans. Limon, le plus en chair, est déjà surnommé Pottolo (enrobé en basque). Quant au bai, c'est une jument, cela mettra un peu de mixité dans la troupe ! Nous les montons quelques instants et sommes plutôt convaincus. Pas le temps de les amener au dehors, mais nous faisons confiance à nos intermédiaires et ne doutons pas a priori du bon caractère des chevaux qui, tout comme nous, auront de toute facon leur temps d'intégration et d'adaptation à l'équipe. 


Limon semble nous attendre
Auscultation des chevaux
La vente n'est pas conclue mais notre dévolu est jeté
Sangria et parrilla à la Casona

Il nous reste encore à trouver un troisième cheval. Nous sommes introduits à un petit alezan attaché à un arbre. Assez jeune, il réagit au doigt et à l'œil et semble avoir un pas un peu rapide. Barbara doute un peu de ses aplombs, et sa ferrure et mauvaise, mais elle sera refaite et rectifiée. Qu'à cela ne tienne, il est tout de même bien portant et il se mettra au diapason une fois intégré à l'équipe. A l'inverse de  Barbara qui côtoie les chevaux depuis son enfance, il est à rappeler qu'Alexandre ne connait absolument rien en chevaux et/ou équitation. Mais tout comme pour l'achat d'une voiture, il sait parfaitement feindre sa non-expertise en croisant les bras et acqiessant de la tête l'air sérieux. Nous confirmons l'achat et concluons la journée dans un restaurant traditionnel autour de sangria et d'une généreuse parillada. C'est bien le pays de la viande et elle est sincèrement excellente. Le dernier cheval rencontré est du coup surnommé Tchin-Tchin. Au surlendemain, les gauchos nous informent que Tchin-Tchin ne possède pas tous ses papiers, ce sera donc compliqué pour nous de justifier d'être en sa possession en cas de contrôle ou de vente. Facu nous emmene donc voir d'autres chevaux et nous penchons pour un petit cheval gris qui ne paye pas de mine mais a joué toute une saison de pato, le nom local du horse-ball, un sport qui consiste à lancer un ballon (anciennement un canard) dans un panier, comme 90% des sports collectifs, mais à cheval, donc autrement plus compliqué ! Il s'appelle Casi Loco, ce qui signifie "presque fou", car il possède le tatouage numero 21, et que la superstition ici porte sur le numéro 22. Contrairement à ce que son nom indique, il nous semble plutôt calme et bien dressé, et surtout en forme et entraîné ! Et cerise sur le gâteau, il est en règle avec la loi, un chic cheval quoi. 

Casi Loco
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