A la frontière nord-coréenne

Publiée le 28/11/2016
Visite de la Joint Security Area (JSA) à quelques pas de la Corée du Nord

Aujourd’hui au programme : excursion dans la zone sous tension de la frontière nord-coréenne. Pour pouvoir aller « visiter » la DMZ (zone démilitarisée), il est obligé de passer par des organismes, c’est impossible d’y accéder seul. 

Petit Rappel

la Corée du Nord est le pays le plus fermé du monde. Après la seconde guerre mondiale, la Corée redevient indépendante après la colonisation japonaise longue d’un demi-siècle. L’URSS et les Etats-Unis occupent le territoire temporairement, de la même manière qu’en Allemagne, en séparant le territoire en suivant la 38ème parallèle. Cependant les deux puissances souhaitent imposer leur idéologie, l’URSS impose Kim Il-Sung, chef de la résistance lors de l’occupation, comme leader ; les Etats-Unis mettent en place des élections. La Corée n’est pas encore divisée et il ne faut donc qu’un seul président. S’en suit une guerre qui dura 3 ans dans les années 1950, où les forces américaines et chinoises ont participé. L’armistice est signé en 1953, la Corée reste divisée le long de la 38ème parallèle. Le régime de Kim Il-Sung est vite caractérisé par son parti unique, le culte de la personnalité et un cruel manque de liberté. Cependant le peuple nord-coréen soutient entièrement le leader, car le pays est en pleine progression pendant les 20 premières années. A sa mort, son fils Kim Jong-Il, reprend le pouvoir et applique la même politique plus sévèrement. La famine dans les années 1990 a été terrible pour le pays et a décimé la population. Aujourd’hui, Kim Jong-Un est à la tête du pays. Il continue la même politique que son père et ne cesse de défier le monde avec ses essais de tirs de missile.


C’est ainsi avec un groupe de huit amis nous décidons de prendre le tour « JSA » pour Joint Security Area. Le tour commence par un observatoire nommé « Odusan unification tower », qui se situe à l’extrémité du territoire sud-coréen et donc nous pouvons observer les terres nord-coréennes. L’ambiance est tout de suite tendue, on se met à imaginer ce qui se passe au-delà, avec des personnes qui vivent encore avec les moyens du siècle dernier. 

La Corée du Nord à seulement 2100m
On peut apercevoir la Corée du Nord derrière le brouillard épais

Nous avons la chance de rencontrer une Nord-Coréenne qui a réussi à fuir le pays avec sa fille. Elle est passée par le nord en donnant de l’argent à un garde-frontière chinois, cependant la Chine est de mèche avec Kim Jong-Un, donc il est dangereux de rester en Chine et a rejoint le Vietnam puis le Laos et enfin la Thaïlande où elle a pu bénéficier d’une protection. Elle a ensuite rejoint la Corée du Sud il y a 2 ans.

Voilà les différentes questions que nous lui posons :

Que connaissait-elle du monde extérieur ? Elle vivait au nord du pays et donc il était possible d’accéder aux produits du monde extérieur sur le marché noir, les Chinois et les Russes ayant le droit de visiter la Corée du nord.

Quel était son travail ? Elle était militaire pendant 7 ans.

Quel est le salaire moyen d’un nord-coréen ? Son père qui est ouvrier gagne 5.000 wons par mois (~4€)

Comment ça marche pour le logement, les transports, les vêtements ? Le logement est gratuit mais pour déménager il faut attendre une offre du régime, après avoir fait des actes patriotiques. Il est tout de même possible d’occuper un logement abandonné. Pour les transports, tout se fait à pied ou à vélo, les véhicules sont réservés à l’armée et aux membres du gouvernement. Il est possible d’acheter tous les vêtements qu’on veut, mais il ne faut pas porter n’importe quoi.        

Quel était le prix pour sortir du pays ? Elle a payé le garde-frontière plus de $7000, somme impossible à économiser avec le salaire de misère dans le pays. Elle a donc acheté et revendu plus cher des produits sur le marché noir pendant plus de 4 ans pour atteindre cette somme.

A-t-elle des nouvelles de ses proches ? Elle n’a plus aucun contact avec la Corée du Nord, personne ne sait qu’elle est en Corée du Sud. D’ailleurs elle n’a parlé à quiconque de son projet de fuir le pays, la délation est un devoir et un geste hautement patriotique, même au sein de la famille.

Est-ce que l’amour pour le leader Kim Jong-Un est réel ? Non, il est très contesté mais personne n’en parle. Seul Kim Il-Sung était véritablement respecté par le peuple.

Voilà, les quelques réponses sur sa vie en Corée du Nord. Il y a encore tellement de choses à dire, mais vous pouvez trouver facilement des reportages sur Youtube.            
Il nous est interdit de la prendre en photo, par peur de se faire reconnaître par un espion sur internet et dans ce cas avoir des représailles sur sa famille.

Nous reprenons le bus pour nous diriger vers le restaurant, il y a des barbelés tout au long de la route et pas un bâtiment sauf des tourelles. Après le déjeuner nous nous rendons à la JSA, où plusieurs contrôles de sécurité sont nécessaires. Nous traversons tout d’abord le pont de l’unification, où notre bus zigzague entre les barrages. Nous arrivons au camp Bonifas, un camp géré par l’ONU et où nos passeports sont vérifiés minutieusement avant de pouvoir y entrer. Nous avons droit à une petite présentation de la JSA et nous avons appris que la JSA était autrefois un endroit où les Nord-Coréens et les Sud-Coréens pouvaient communiquer, la zone n’était pas encore divisée en deux parties égales. Mais suite à quelques accidents, où des personnes ont été tuées de part et d’autre, la zone est devenue très réglementé et chaque personne doit rester dans son camp. Pour pouvoir poser un pied à la JSA, il faut qu’on signe un contrat qui stipule entre autre qu’il ne faut absolument pas « fraterniser » avec l’ennemi, cela implique parler, faire des gestes ou pointer du doigt ; de plus étant « dans une situation imprévisible, l’ONU, les Etats-Unis d’Amérique et la République de Corée ne peuvent garantir la sécurité des visiteurs et ne peuvent être tenus pour responsables dans le cas d’un acte ennemi hostile » : la couleur est annoncée.             

Puis nous prenons un autre bus, cette fois-ci nous devons laisser toutes nos affaires (mais l’appareil photo est accepté) pour être escorté par l’ONU. Nous  traversons la DMZ longue de quatre kilomètres. L’ambiance est pesante, il n’y a rien autour mise à part des arbres complètement défeuillés. Le ciel est gris, ce qui renforce cette atmosphère. Je ne peux pas prendre de photos pour le moment car c'est tout simplement interdit et que nous sommes surveillés.

Après cinq minutes de route, nous pouvons apercevoir au loin le drapeau nord-coréen qui flotte à 160 mètres de haut. Nous arrivons devant un bâtiment flambant neuf, nous devons nous mettre en ligne et nous recevons les dernières directives de la part du soldat américain : pas de geste déplacé, on suit les ordres à la lettre et on ne peut prendre des photos qu’en direction de la Corée du Nord.

On monte des escaliers et nous voilà sur une place où au fond il y a un bâtiment qui doit dater des années 1980, c’est la Corée du Nord. Au milieu trois bâtiments bleus qui sont les salles de négociations. Nous pouvons voir très clairement la frontière des deux Corée qui coupe chaque bâtiment en deux. Du côté sud-coréen il y a trois soldats, statiques, qui ont le regard en direction du nord.

Alors que je m’attends à la même disposition du côté nord-coréen (comme on peut le voir sur des photos sur internet), il n’en est rien. Il n’y a aucun soldat, sauf un au loin, immobile lui aussi. 

Face à la Corée du Nord
Avec un Nord-coréen au loin

Le lieu me semble très calme, peut-être à cause du lieu à la fois symbolique et dangereux. Mais après quelques minutes, je peux entendre au loin des hauts parleurs qui diffusent des chansons de propagande nord-coréennes. Lors du moment des photos, je suis étonné de voir une certaine agitation, la guide nous pousse même à prendre une photo de groupe, ce qui me semble être une sorte de provocation. Puis nous allons dans une salle de négociation, alors que je m’avance pour laisser tout le monde entrer, soudainement je remarque que j’ai mis mes deux pieds du côté de la Corée du Nord. Bon je ne ressens rien en moi, mais quand même, ce n’est pas commun ! A l’intérieur on peut se prendre en photo avec des soldats de la République de Corée, ils sont tellement immobiles que je dis qu’on pourrait les exposer au musée Grévin.

Là on nous explique comment fonctionne la salle lors des négociations, la table centrale appartient à l’ONU et il est impossible pour chacun de traverser la ligne médiane lorsque les deux partis sont présents. Pendant les heures de visites, il y a soit que des soldats sud-coréens et américains, soit que des soldats nord-coréens et chinois. Parce qu’il est possible pour les Chinois et les Russes de venir visiter la JSA mais en venant par le nord. 

Un soldat posté dans la salle à la frontière

Nous ne sommes pas restés très longtemps dans la salle mais c’était suffisant. C’était déjà l’heure de rentrer sur Séoul. La journée était très intéressante et d’un goût particulier. La Corée du Nord est un sujet passionnant et j’en ai encore appris un peu plus sur la relation entre le Sud et le Nord.
Il faut savoir que les Nord-Coréens et les Sud-Coréens se considèrent encore comme frères, seul la politique les a séparés. Il y a une véritable volonté de réunification et que l’ennemi historique n’est pas son voisin du nord ou du sud, mais le Japon.  

Lors de la réunification, un train est prévu pour relier Séoul, Pyongyang et Paris
Un soldat américain pour nous guider (et surveiller...)
Un mur composé de dessins faits par des Coréens souhaitant la réunification
Une photo de groupe dans une situation gênante
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