SANTIAGO

Publiée le 18/03/2020
Comment se termine mon périple...

Rebondissements

Aujourd’hui aura été la journée des rebondissements. J’ai d’abord décidé de maintenir mon projet pour l’ile de Pâques. Puis mes compagnons français qui devaient s’y rendre en même temps que moi ont décidé de rentrer en France. Puis les vols pour l’Ile de Pâques ont été annulés. Gros moment de flottement. Que faire ? Prendre le risque d’être confinée ici pour une durée indéterminée ? Ou rentrer en France pour me retrouver enfermée chez moi ? J’avoue que j’ai eu un grand moment de solitude. J’ai finalement pris la décision de rentrer. Je me suis inscrite sur la liste Air France pour être rapatriée. De toutes façons à quoi bon rester dans un pays où je ne connais personne et où je risque de me retrouver confinée dans une chambre d’hôtel ? 

Voilà donc mon périple arrive à sa fin. Dommage. J’ai le sentiment qu’on m’a coupé les ailes. C’est le temps des regrets. Je me dis que j’aurais dû commencer par la Patagonie comme je l’avais prévu au départ. Bref. Le moral n’est pas au beau fixe mais je me dis qu’il y a plus grave dans la vie et que j’ai déjà eu la chance de vivre de super moments. 

Dans le minibus qui ramène à l’aéroport les quelques touristes encore présents à Atacama ce n’est pas la joie. Personne ne parle. On est tous abasourdis par tout ça. Le pire c’est qu’on a le sentiment de ne pas avoir le choix. Cette contrainte je la vis assez mal. D’autant plus que nous n’avons pas l’habitude d’être restreints dans nos déplacements. Mais il va peut-être falloir qu’on s’y fasse. L’avenir ne sera peut-être pas aussi mobile qu’on en avait l’habitude. 

Tension

L’arrivée dans l’aéroport de Calama est tendue. Beaucoup de gens portent des masques et se regardent en chien de faïence. L’ambiance est lourde. Et en même temps on sent une certaine solidarité entre les gens. On se parle plus facilement. Je crois que les gens ont besoin de partager et c’est un peu comme si on était tous dans la même galère. 

Je rencontre un couple de français qui tente de rallier le Brésil pour se confiner dans un endroit qu’ils connaissent sur une île. J’aimerais avoir un spot comme celui-là où je puisse me poser en attendant que ça passe.

Tant que je suis à l’aéroport, j’en profite pour aller au comptoir Latam et leur demander comment ça se passe pour mon vol annulé de l’Ile de Pâques demain. La fille me répond que le vol n’est à priori pas annulé. Ah bon ?? Je n’ai pas une totale confiance car toutes les infos ont l’air de dire que c’est mort. Je n’y comprends plus rien et il faut surtout que je me tienne à ma décision car le doute est le pire car ça me stresse.

C’est vraiment bizarre de vivre cette crise d’ici. Je suppose qu’en France ça doit être spécial aussi. Disons que c’est étrange d’être loin de chez soit et de ne pas trop savoir ce qui va se passer. On a un peu l’impression que le sol se dérobe sous nos pieds. En attendant, je prends toutes les précautions possibles. Je m’éloigne des gens. Je me lave les mains toutes les 15 mn. Dans l’aéroport les possibilités d’être contaminé sont plus élevés. Tous les employés portent gants, masque ou même casque. Mais rien n’est prévu pour les passagers, même si beaucoup d’entre eux portent des masques. Je trouve ça bizarre car ce serait aussi un moyen de limiter la propagation. Dans la parano général je ne pense pas que tous les moyens soient mis en place pour endiguer l’épidémie.

Je crois que c’est la première fois que le monde entier se sent concerné par une cause commune. Dommage que ce soit pour ça et pas pour des choses qui permettent de faire avancer le monde...

J’observe les gens dans le terminal. Je vois une femme avec son gamin d’environ 10 ans. Elle porte un masque mais pas lui. Sympa. Je vois des gens qui ont l’air malades mais ce n’est peut-être qu’un rhume. Hier à l’hostal deux suisses allemandes partageaient ma chambre. L’une d’elle avait un sacré rhume. Elle me disait qu’elle se sentait mal car les gens la regardaient comme si elle avait le virus. Elles avaient bougé d’Equateur au Pérou puis en Bolivie et finalement au Chili. Elles se déplacent avec 2 jours d’avance sur les fermetures de frontières avec l’impression d’être sans cesse rattrapées. 

J’espère que nous n’aurons jamais à revivre ça. Cette situation est très angoissante. Après, j’essaie de relativiser en me disant que la crise va être enrayée et que ce n’est qu’une question de semaines. D’ici peu tout cela ne sera qu’un mauvais souvenir. Mais j’ai quand même le sentiment que le moral n’est pas au plus haut pour tout le monde. Le confinement n’est pas une chose facile à vivre pour ceux qui y sont contraints en Europe. Et pour les voyageurs la situation est ambigüe. Certains pays comme le Danemark ont clairement demandé à leurs ressortissants de rentrer au pays. Pour nous c’est plus flou. L’ambassade dit que nous pouvons nous inscrire sur la liste Air France pour être rapatriés mais ce n’est pas obligatoire. Le Chili n’est pas encore considéré dans une situation préoccupante qui nécessite un rapatriement. Et puis on lit des tas d’infos contradictoires. Je crois que tout le monde est perdu. Je pense qu’on a bien tous compris la nécessité de ne plus se déplacer mais encore faut-il trouver un endroit où se poser, ici ou chez nous. 

Nous avons embarqué et j’ai l’impression d’avoir fait un pas en avant, rien que le fait de pouvoir rallier Santiago. J’ai vu la plupart des gens avec des masques ou des foulards pour se protéger. En revanche, personne ne porte de gants (à part les employés de l’aéroport). Les gens se touchent et touchent à tous les objets et ne respectent aucune distance avec les autres. Autant dire qu’ils n’ont pas bien compris le principe de la contamination par le touché qui, à mon avis, est bien plus élevée que celle par la respiration. Dans l’avion s’est encore plus flagrant. Des passagers viennent à peine de débarquer de cet avion que nous montons dedans. Evidemment il n’a pas été désinfecté. Ce qui signifie que chaque ceinture de sécurité, chaque siège, chaque compartiment à bagages a été touché des dizaines de fois dans la journée. Alors les masques, ça me fait bien rigoler. Si vraiment on était en présence d’un virus hyper dangereux, on serait tous morts. Je m’évertue à essayer de ne rien toucher et à ne pas me toucher le visage. Peine perdue. C’est tellement un réflexe de se toucher le visage que je n’y arrive pas. Ils ne serviront rien à boire ni à manger par mesure d’hygiène. Heureusement j’avais prévu le coup et je m’étais préparé des sandwichs à l’hostal. J’ai hâte d’arriver à Santiago maintenant. Demain sera un autre jour et j’y verrai peut-être plus clair. Ou pas. Pour l’instant à chaque jour suffit sa peine. On verra aussi ce qu’il se passe du côté des rapatriements. En fait c’est cette incertitude qui est dure à vivre. On rentre mais quand et comment ?

Arrivée à Santiago

Dès mon arrivée je me mets en contact avec Tom et Nasta qui sont déjà ici. Ils ont trouvé un vol pour Paris pour lundi prochain. Ils me conseillent de voir directement à l’aéroport mais Air France est fermé. Ils n’ouvrent que demain à 9h. Ce soir je dors dans une guesthouse et demain je les rejoins après avoir trouvé un vol de retour. 

Je trouve un black taxi qui m’emmène. Il est jeune et très sympa. Il pense que le gouvernement a sauté sur l’occasion du coronavirus pour étouffer les contestations actuelles. C’est une belle opportunité pour eux... On papote pas mal. Du coup je lui donne rendez-vous demain matin pour retourner à l’aéroport. On passera faire quelques courses sur le trajet car les supermarchés de Santiago sont dévalisés : plus de pâtes, plus de riz, plus de PQ. La connerie humaine c’est comme le coronavirus, pas de frontières...

La dame de la guesthouse m’accueille chaleureusement. Ca fait du bien parce que franchement la journée a été hard moralement. Elle est hyper gentille. J’ai une jolie chambre, sans doute la plus jolie et propre que j’ai eu depuis le début de mon voyage. Elle loge dans une jolie maison avec sa mère, ses enfants et ses trois chats :) Elle est équateurienne (??), bref elle vient d’Equateur. J’ai l’impression d’avoir rejoint le monde civilisé ici. Je me suis tellement habituée aux hostals, aux dortoirs, aux salles de bain faites de bric et de broc. Franchement j’ai vu des installations complètement lunaires avec le disjoncteur de l’eau chaude dans la douche, les tuyaux qui tiennent avec du scotch, les robinets direct dans le ciment... Sérieusement les mecs qui font les salles d’eau des hostals ils ne sont pas plus plombiers que moi. Mais là, j’ai une vraie SDB mais vraiment normale. J'ai pas vu ça depuis la France je crois. Je ne vais pas rester longtemps mais ça fait du bien quand même.


Vous reprendrez bien un Ferrero ?

J ai dormi comme une masse. Quand le réveil a sonné j’étais dans un autre monde. Retour à la réalité. Mon taxi est à l heure. On a juste un peu de mal à sortir de la résidence où j ai dormi. C’est un endroit sécurisé et la dame chez qui je dors est partie bosser. C’est sa mère qui gère mais la pauvre elle ne sait pas trop comment on fait. On s’en sort quand même et je passe au supermarché faire trois courses car en ville il n’y a plus rien. 

A l’aéroport il y a pas mal de personnes en errance. Des touristes qui dorment par terre en attendant un éventuel vol retour. 

Les comptoirs Air France qui devaient être ouverts ce matin sont fermés car le vol a été annulé. Ça commence bien... Je cherche le bureau Air France. Une gentille dame est déjà en train de renseigner quelques touristes anglais qui cherchent à rentrer chez eux. Elle me dit que les personnes qui ont déjà un billet sont prioritaires. Ok ! Mais l’ambassade nous dit de venir vous voir. Je sais me répond-elle mais les vols sont pleins et on n’a pas de vol humanitaire pour le moment. Et les français ne sont ps prioritaires. Pour nous aujourd’hui il y a seulement des personnes qui essayent de rentrer chez elles. Elle a raison. Tout le monde est dans le même bateau. Mais bravo le gouvernement français parce que là ils ne font pas grand chose à part demander à air france de gérer à leur place. 

Donc en gros il faut acheter un billet et ensuite si le vol est annulé se presenter sur un autre vol comme passager prioritaire. Ou alors venir chaque jour en essayant de monter dans un avion en achetant le billet sur place s’il y a de la place car il y a des no shows (les chiliens qui ne peuvent plus sortir du pays par exemple). Bref en gros faut déjà acheter un billet sur internet. Exactement le contraire des consignes de l’ambassade qui dit de ne surtout pas acheter sur internet car les vols annoncés sont en général annulés. Faut faire le tri dans les infos. Mais je fais plus confiance à la nana d’air france qui est sur place et qui voit comment les choses se passent. 

Je rejoins Tom et Nasta en ville et je m’en occupe. Contente de les retrouver. Eux aussi sont contents de me voir; On ne sait pas trop si on doit se faire la bise. Dans le doute on s’abstient. Ils ont loué un appart dans le centre. Il y a un canapé pour moi. On fait un gros débrief et je me mets tout de suite au boulot. Il faut que je trouve un billet sur un vol Air France. Mais tous les vols sont pleins. Les seuls vols dispos sont avec escales et comme on ne sait pas si les autres compagnies maintiennent les vols c’est risqué. De plus les vols sont hyper chers, genre 3000 euros minimum et en plus le site d’Air France plante tout le temps. Du coup impossible de bloquer un vol. On décide d’aller déjeuner dehors. Après on se balade un peu et on rentre. 

On va pas mal sur les groupes Facebook de français qui sont en voyage en Amérique du sud. La situation devient très tendue partout. Au Pérou et en Argentine c'est le pire. Les gens se font virer des hôtels. Et les ambassades ne font rien. C’est vraiment hallucinant. Demain je tente ma chance à l'aéroport directement. Si ça ne marche pas j’essaie de rejoindre Sao Paulo, cela parait plus simple de là-bas.

Il y a aussi beaucoup de français isolés qui ne savent plus quoi faire. Les ambassades sont toutes fermées. Ce n’est pas de moi mais : à part faire des réceptions pour bouffer des Ferrero, les ambassades ne servent à rien. Et on en a la preuve.

1 commentaire

Gilles et Anick

GillesetAnick

Bonjour Cécile ,
Nous publions également actuellement sur blog trotting ( mais en privé et avec du retard sur notre voyage réel ). Nous sommes abonnés au publications sur le Chili et l' Argentine. Nous en sommes à 7 mois de voyage sur 8 prévus initialement et nous sommes actuellement en Argentine a Salta. Nous voulions simplement vous dire que nous avons bien apprécié de vous lire car nous vivons quasi les mêmes péripéties que vous et vous l'avez très bien exprimé. En Argentine c'est aussi le chaos pour les voyageurs. Nous souhaitons maintenant rentrer vu que tout ferme et que la vie ici est en suspens. Cependant il ne faut rien regretter, c'est une situation exceptionnelle et cela revèle aussi des choses intéressantes et on vit aussi des expériences humaines particulières. Comme vous le dites bien on ne sait pas si on voyagera de la même façon dans le futur et c'est incroyable de voir le consensus mondial qu'il peut y avoir autour de ce problème, pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'environnement ou les grandes causes humanitaires.
Bref bravo et bon retour en France :)
Gilles et Annick

  • il y a 4 ans