A la frontière

Publiée le 14/11/2021

C'est la neuvième ferme que je visite et aujourd'hui je suis rentrée convaincue que ce projet était une vraie bonne idée pour " Entrer en Armenie" . Jusque là, je doutais.

Personne ne pouvait me dire comment me rendre à Kamkhut. Sur le GPS, une borne, mais pas de nom. L'affaire restait mystérieuse. En fait les noms des villages ont changé depuis l'éclatement de l'URSS et il est des lieux qui n'existent pas sur la carte, et pour cause. J'ai malgré tout réussi à me dépêtrer en defaisant noeud après noeud. Bien m'en a pris. Le fil tiré m'a permis de me rendre à la frontière avec la Turquie, là où l'armée russe, toujours sur le qui vive, est prête à tirer au moindre mouvement suspect. Les terres de Buniat Sargsyan se situent dans le no man's land entre la frontière arménienne et la frontière turque. Chaque jour son père passe la porte cadenassée et bien surveillée par les militaires pour aller faire paître son troupeau de 250 brebis. La porte qu'il a passée le matin, il la repasse chaque soir dans les mêmes conditions.

Les bergers du Caucase

Buniat est venu me chercher au village le plus proche, destination ultime de la marchroutka, avec un gros 4x4 rouge flambant neuf. Je ne vous dirai pas comment on en est arrivé là, ce serait un peu long et fastidieux. Il a tenu à me présenter des mon arrivée 3 de ses 5 bergers du Caucase qu'il chérit. Celui ci est un vrai nounours. Il m'a fait la fête et leche la figure. Si j'avais su...

Celui là je ne l'ai pas approché

Lorsqu'il aboie, il gronde comme un volcan près a déverser sa lave.

J'ai compris en fin d'après midi, avec video et photos a l'appui, cet attachement à ces bêtes splendides, impressionnantes et terrifiantes. Ces bergers du Caucase sont des guerriers qui partent vaillamment au combat. Et des combats il y en a. Ce territoire interdit aux hommes est un terrain de jeu idéal pour les loups, des ours, les lynx...

Ça c'était.en juillet

Le vaillant guerrier s'en est sorti avec une blessure à la gorge

(la. vaillante ?)

La porte

Voir les brebis pose problème Je ne suis pas autorisée à franchir la porte

Nous longeons les barbelés pour aller au plus près du troupeau

Que nous n'apercevrons que de loin

Au retour nous faisons coucou aux "blanches"

Ces élégantes demoiselles considérées comme trop fragiles sont enfermées et ne battront la campagne qu' au printemps. Dans toutes les fermes visitées c'est le même régime à une exception près (ces élégantes les arméniens les appelle les "blanches")

Une vie de mouton

Dans un coin, prostré, le bélier blessé au combat après avoir affronte plus fort que lui. Il se relève tout doucement. Les coups de beliers et leurs terribles chocs frontaux, parfois ça pardonne. L'agneau arménien d'un jour attend le retour de sa mère en belant comme un perdu au milieu des blanches qui l'ignorent..

Pas de souci pour l'hiver

Le foin est magnifique, il sent bon. Aux alentours de la ferme, ni tracteur, ni faucheuse, ni herse, ni charrue... Buniat fait faire le travail par ceux qui en ont. Lorsque je lui ai dit qu'en France, il n' était pas rare que des agriculteurs surendettés après investissements mettent fin à leurs jours, il n'en revient pas. Un arménien, d'après lui, prendrait son baluchon et planterait tout là.

Retour à la maison

Armine, la maman, nous attendait avec le café arménien. Cela, faisait presque deux heures qu'Armine et le café nous attendaient. Le poêle ronflait alimente aux briquettes de bouses séchées. Aucune odeur, une jolie braise et la chaleur était délicieuse.

Le repas aussi était prévu

Du coup on m'a donné le choix de l'option. Je mourais de faim. J'ai donc préféré la salle à manger pour revenir sur le café et les douceurs après. Je sais qu'un arménien aurait décidé l'inverse, mais on l'a joué à la française. J'ai beaucoup aimé les feuilles de vigne farcies (dolmas) accompagnées de sarrasin. Pendant le repas nous avons parlé à bâtons rompus avec Buniat. Géopolitique évidemment. Il a fait la guerre au Karabakh. Il en est revenu et il y retournera si nécessaire.

Nous avons bavardé avec Armine en attendant le retour des moutons. Il n'était pas question de débarrasser la table ni de faire la vaisselle. Nous avons évidemment remonté l'histoire. La ferme de 300 hectares c'est Buniat qui l'a achetée sur un coup de coeur il y a environ 8 ans. Lors de son service militaire, il a été en poste à la frontière. Il a alors repéré cet endroit plus ou moins entretenu par les anciens propriétaires. Son père travaillait à l'époque comme maçon en Russie, 6 mois de l'année pour faire vivre la famille et lui, avait terminé des études de pharmacie. Ils se sont lancés. La maman n'était pas chaude, et puis elle y a pris goût. Je crois qu'elle prend plaisir à dorloter ses hommes dont elle est très fière.

Le retour des moutons

A un moment donné, Arrmine m'a prévenue que la voiture arrivait, et que les moutons allaient rentrer.. La voiture c'était celle des militaires chargés d'ouvrir la porte. Évidemment je n'ai pas traîné pour aller les rejoindre. J'ai filmé aussi jusqu'à ce que l'homme en trellis de camouflage me fasse des grands signes que j'ai vite compris. . C'est interdit.,mais ils n'a pas saisi la caméra. Le film je l'ai et les grands signes avec.

C'était le coucher du soleil

Enfin façon de parler. C'était le moment où la terre s'incline et lui fait sa révérence. en lui montrant son derrière pour nous entraîner dans la nuit. C'est toujours un moment très émouvant au pied du Caucase.

Agarsi

Agarsi, le père, garde les moutons tous les jours. Il a l'œil, il faut anticiper tous les dangers comme on l'a vu et observer le comportement des brebis qui peuvent être blessées ou malades. Les soins ? c'est son fils l'apothicaire qui gere. Lorsque j'ai demandé au berger s'il avait un grand parapluie pour les intempéries (j'ai quelques clichés en tête) il m'a répondu en riant que le vent est trop fort pour ce genre d'accessoire. A son tour, il m'a posé une drôle de question :"Est-ce que nos brebis noires ont des oreilles ?"

Les brebis sans oreilles

Effectivement, certaines brebis arméniennes n'ont pas d'oreille de naissance. Je ne l'avais pas remarqué.

C'est à eux trois qu'ils mènent la ferme

Ils sont heureux et généreux. Ils savent recevoir, même une française un peu cinglée qui débarque à l' improviste. Le gros 4x4 rouge m'a ramenée à la maison. J'avais beaucoup marché, parlé russe toute la journée, bu pas mal de café et je n'étais pas fatiguée.

Étape précédente

Un jour comme les autres

Étape suivante

Dzorashen

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3 commentaires

christine

Coucou,
Je suis toujours passionnément et cette journée entre grands espaces et surveillance militaire riche d' enseignement pour moi. Bravo pour ta faculté d ' adaptation ! Christine

il y a 2 ans

MMHB07

Coucou,lu pour la deuxième fois avec attention, , et admiration!
Ton récit et les photos me touchent vraiment, , certainement la vie de paysans
Merci pour nous faire découvrir la vie "ailleurs" , ,et la Générosité partagée de tous ceux que tu rencontres.
MARIE

Toutes

il y a 2 ans

jurassic

Maman aime beaucoup et moi aussi bien sûr. « Tu peux l’imprimer? qu’elle m’a dit » bisou

il y a 2 ans