En termes de navigation, depuis notre arrivée sur les Îles Canaries, la roue a tourné pour une chose, c'est certain. Nous ne sommes plus autant tributaires de la météo marine dans le sens où, chaque jour, le vent souffle du nord. Il ne déroge pas à cette règle établie par les Anémoi et de cause à effet, s'est vue attribuer un célèbre nom : les Alizés. Selon la définition latine dont la racine viendrait du mot Alis Il s'agit je cite : “caractère lisse, poli et délicat de ces vents mesurés qui soufflent avec régularité, ni trop ni trop peu, plus ou moins languides ou vigoureux selon les saisons”. Voilà qui est très précis ! 😆 Donc c’est un vent constant provenant des régions intertropicales donnant lieu dans l’hémisphère nord à un souffle du nord-est vers sud-ouest. IMPEccable pour visiter cet archipel espagnol, volé (soit-dit en passant) au peuple berbère qui porte le nom de “Canarii” et qui aurait vécu dans les îles en premier.
Fatigués, nous levons l’ancre à 14h30 mardi 20 mai 2025 après avoir randonné toute la matinée sur le très beau îlot Los Lobos. C’est soit nous enquillons une nouvelle navigation dès cet après-midi, ce qui alourdit notre état flagada que le soleil et la chaleur ne manquent pas d’accentuer, soit nous restons sur place mais ajoutons une nuit pénible sur un mouillage rouleur. Quitte à être exténué, autant l’être en conséquence d’un effort physique plutôt que d’irritations nerveuses à lutter non pas contre le sommeil mais contre une chose qui nous empêche de le trouver. 😳😄 Alors allons-y ! Nous nous dirigeons d’abord vers le nord de l’île Fuerteventura pour ensuite longer la côte Est. Bordée de longues plages de sable blanc, cette île est réputée dans le milieu des sports de glisse nécessitant des vents soutenus. Cependant, on y aperçoit des constructions (essentiellement des immeubles) absolument affreuses gâchant à mon goût, la beauté de ce cadre idyllique inter-milieux. Plus tard, cette nature altérée prend une autre forme et des montagnes marrons et noires se dressent au plus près de l'eau, jusqu'à toucher l'océan. Jusque-là en arrière-plan, ici elles deviennent plus autoritaires et éloquentes face à l'animal nuisible ravageur. En déployant toutes leurs forces et leurs grandeurs, elles contrôlent l'accès à certaines natures sauvages et arides faites de vallées dénudées. Un empire volcanique en bord d'océan, une zone encore bien préservée de la domination excessive de l'Homme. Longer ce paysage qui défile, c'est comme dérouler une pellicule photos d'essais photographiques ou de prises en rafale. Le dessin varie peu, l'objet photographié (ici les montagnes) est toujours le même avec les mêmes couleurs et le même fond. Seule la forme varie jusqu’au premier virage ouvrant les portes de la délivrance. Oui délivrance, c’est bien le terme ! Effectivement, il suffit de ce seul parcours pour comprendre d’où vient le nom de l’île. Nous découvrons des effets de site impactant directement l’orientation du vent et sa force. Les effets venturi en sont un exemple. Dans cette nav entre deux, passant de molles à une vingtaines de nœuds, nous sommes alors trop toilés ou pas assez. De plus, le vent de nord-est suit le trait de côte et prend ainsi de plus en plus d’Est. Cela pourrait nous faire regretter notre choix d’être parti en début d’après-midi puisque le but était de ménager nos nerfs mais de toute façon, d’un jour à l’autre, ces phénomènes sont les mêmes et se répètent. Plus d’une fois, nous recevons soudainement, de fortes rafales pouvant monter jusqu’à 25 nœuds et nous faisant évoluer à 5/6 nœuds, avant de revenir à un rythme plus soft où de ralentir brutalement au point de tomber à 1.5 nds / 2 nds. Bien souvent, des couloirs de vent entre deux montagnes sont à l’origine de ces accélérations. Mais en étant attentif, il est plus ou moins possible de prévenir ces perturbations. Souvent le plan d’eau est un bon indicateur, il avertit, donne des renseignements précis ou des au minimum des indices sur l’état du vent. Si par conséquent, quelques mètres plus loin devant son apparence change, c’est qu’il se passe quelque chose de louche de façon très localisée. Pour parer à cela, le mieux est de faire “lofer” le bateau. Le manœuvrer de manière à le rapprocher de l'axe du vent. Alors nous lofons, lofons et lofons encore, jusqu’à très léger faseyement des voiles pour éviter les “départs au lofe”. Un départ au lofe est la perte de maîtrise du bateau qui remonte subitement au vent. Par conséquent et en clair comme on le dit dans le jargon marin : C’est ce qui s'appelle se faire arracher ! 😅 Autre solution quand cette dernière a été trop exploitée : choquer la grand voile. Car si enchaînement de lofes il y a, les falaises et la plage tu te prendras ! 😬🤣 En fin de parcours, ce garnement de vent nous nargue et passe ouest, c'est-à-dire en plein dans le nez. Puis nord-est, puis de nouveau ouest, puis est. Le foc ne sait plus où donner de la tête et à vrai dire, nous non plus… 😆 Nous en avons marre et commençons à perdre patience quand enfin, tout revient au calme, nous avançons sur un air tout doux de 10/15 nœuds sans changements imprévisibles. À ce même moment, les montagnes deviennent d’admirables falaises nous faisant passer d’un état d’agacement à un état d’émerveillement. En quelques minutes, la traversée s’est métamorphosée, passant d’une allure sportivement à un rythme de croisière jusqu’à mouiller l’ancre en synchronicité avec le coucher de soleil 🌄🌅 Il est 20h30, nous sommes frigorifiés (après avoir passé la journée dans un grille-pain ♨️) et rincés. L'ancre à pic bien ancrée, nos yeux bien cernés, allez hop c'est à notre tour de piquer du nez 😴.La première nuit nous dormons de nouveau dans un manège, Yes Aï évite comme il peut mais la houle entre facilement dans la baie et le fait tanguer autant qu'au mouillage précédent. En prime, le fond sableux épouse quelques roches volcaniques que la ligne de mouillage cherche à bichonner ou peut-être à décaper. Quelque que soit son intention, elle nous nique nos nuits ressourçantes avec des fonds sonores rocs et caverneux.
Notre ingéniosité et adaptabilité sont une fois de plus mises à l'épreuve. En journée, la solution est très simple et très satisfaisante : la passer entièrement à terre. Rien de contrariant pour nous qui sommes curieux de s'aventurer dans le petit village perché Las Playitas qui nous a laissé très bonne impression le soir de notre arrivée.
Ou dans les montagnes qui l'étreinte fièrement sans lui laisser la moindre possibilité de s'enfuir ou de déborder d’un millimètre à la ronde.
Les collations quant à elles, nous les transportons à terre jusqu'à la terrasse d'un restaurant fermé. Apparemment ici, ça ne choque personne, les passants au contraire nous saluent qu'ils soient touristes ou “Playitaistes”. Nous ne pouvons mieux taper dans le bon choix de table puisqu'elle nous offre une vue imprenable et directe sur le seul voilier au mouillage 😋. La mer chaude à 20°C et le sable noire de la playa de Pajarito, estimé à 15°C, marquent l’unique séparation entre nous et lui. Une séparation dont nous profitons pleinement jour après jour avec 2 à 6 baignades et de langoureuses marches pieds nus. Les 4 pattes elles, se débrident et courent inlassablement les 1km de surface synonyme de joie et de liberté.
Nous trouvons ici absolument tout ce dont nous avons besoin sans être dérangé ou rappelé à l'ordre par qui que ce soit. Objectif atteint donc ! ✔
Nous disposons d'une cale pour y déposer le kayak sans crainte de se le faire carotte ; en sortie de plage sur le Paseo maritimo, une douche illimitée qui ne requiert aucun calculs et libèrent les martyrs économes qui ont pris possession de nous 😅 ; des commerces de proximité pour les courses d'appoint et le must du must : des terrains de jeux pour des randonneurs dont les gambettes réclament sérieusement de l'activité physique de pleine nature 🤗.
Jeudi 22 mai justement, nous partons tôt dans la matinée pour une randonnée de 4h (en comptant la pause collation 🙃). Nous crapahutons sous un écrasant soleil sur les fameuses montagnes séparant le village Las Playitas de la ville voisine Gran Tarajal. Les sentiers ne sont pas balisés mais le profil désertique de tous les versants est un atout privilégié pour facilement se repérer. Aucun chemin ne semble avoir été aménagé. Après avoir aperçu au loin 3 chèvres 🐐 et leur berger 🧔, j'en déduis que ce sont ces petites pattes habillent qui ont en premières, piétinées ces façades escarpées et ces lignes de crête. Sans que ce soit leurs intentions (ou pas !?), elles ont joué un rôle de traceuses et ont donné naissance à de petits sentiers maintenant empruntés par quelques marcheurs aventureux. Aventureux c'est bien le terme car à en voir le parcours, il est préférable d'être en possession de TOUS ces moyens : étroit et dérapant sur bords de précipices 👀.Nous atteignons dans un premier temps le Vista Sacorrida nous offrant, et un large point de vue sur Las Playitas et sur notre bateau mouilleur en solitaire Yes Aï. Le voir ici comme sur chaque nouveau lieu de mouillage nous fait nous rendre compte de tout le chemin parcouru pour en arriver là…😅Dans cette même journée, nous trouvons assez de motivation pour préparer et remplir 2 tupperwares d’une salade fraîche faite maison, 2 gros sacs étanches embarqués sur le kayak avec tout ce dont nous avons besoin pour bivouaquer ⛺🤗. Une tente, un tapis de yoga faisant office de matelas (Marvin préfèrera être à même le sol à quelques regrets près … 😂), les sacs de couchages etc etc etc, et notre chien de garde qui prendra son rôle très au sérieux toute la nuit durant. Pour s'alléger un peu plus, nous choisirons un gros galet plat à disposition sur la playa de Los Probes comme gamelle pour Cahuète. Elle n'y verra aucune différence à celle utilisé à bord 💁♀️. Un chien sauvage une fois dans sa vie, courant les lapins ou courant les rues, gardera toujours une part en lui de sauvagerie ce qui peut être aidant dans certaines circonstances. 👌🤣
Seuls sur notre campement, nous apprécions grandement le cadre bien entendu mais surtout le calme ambiant. Un sol complètement stable et le bruit du silence invitent bien mieux à la relaxation que la vie sur un bateau. Pour s'assurer que l'on se rend bien compte de cette différence, Éole est intervenu en début de nuit afin de faire faseiller notre tente. Le son produit ressemble beaucoup à celui des voiles livrées à elle-même. “Marvin ! Affale la grand-voile, qu'est-ce que t'attends ??!” Hormis ce petit épisode cauchemardesque mais vite réglé en retirant la 2ème peau de la tente, la nuit fut bonne, douce et agréable. Le sol était certes, un peu dur mais on ne peut pas tout avoir. Le beurre, l'argent du beurre, la crèmerie et le cul de la crémière ! 🤭Le lendemain, vendredi 23 mai, nous filons à moins de 5 milles de là au port voisin de Gran Tarajal où nous entendons nous protéger d'un vent un peu plus soutenu.
Une courte escale pas cher du tout (gratuit!) puisqu’un gars du port assurant l'enregistrement des papiers nous confirme que le bureau est fermé et ce pour tout le week-end. J'en déduis qu'il n'est pas autorisé à nous encaisser ou alors, que pour si peu c'est-à-dire 1 nuit, il nous fait grâce de celle-ci. On ne va pas cracher dessus ! Juste le temps de faire de multiples tâches ménagères, de bosser sur le blog et de visiter un peu les lieux et hop ! C’est reparti dès le lendemain matin, au revoir voisin allemand expatrié charentais, on se revoit à Porto Santo ??