14.04.1912, c'est la date de la catastrophe maritime la plus médiatique de tous les temps. Le paquebot Titanic heurte un iceberg et sombre au large de Terre-Neuve au cours de son voyage inaugural. Bon. Aucun rapport avec notre voyage en fait. Maiiis s'pas mal pour faire le commencement d'une “intro-induction”. 🤓 Voilà pour nous 4, après 5 mois et 3 jours d'itinérance à la voile, par la seule force du vent et des houles, nous comptons toujours aucun accident à déplorer. Que des broutilles sans grande importance 🤞. Et souhaitez-nous “bon vent et bonne mer” comme le veut le dicton marin. Effectivement, il est préférable de ne pas dire “bonne chance !” à un navigateur en partance. C'est provoquer la malchance à coup sûr 😬🤐.
La navigation en ce jour du 113ème anniversaire du naufrage du Titanic s’est passée comme sur des vaguelettes pour le modeste petit équipage Yes Aï (que Marvin aime nommer “La horde du vent portant” en référence au roman La horde du contrevent. Avec un peu de recul, il est revenu sur son analyse et finalement nous a autoproclamé “La horde du contre-temps” 🤪 … 😅).Simple cruising (je vous conseille de prononcer ces mots anglais avec l'accent français, c'est plus drôle). Rien de plus normal. 40 milles, 7 heures de navigation.Bon vent bien soutenu entre 15 et 25, une mer croisée (rien d’inconnu au bataillon), des fous de bassan dans un sens, des dauphins dans l'autre, enfin voilà, journée en mer des plus banales quoi … 🤪 Ah ! Si ! Mais oui bien sûr ! J’oubliais 🙄 Tout de même ! 😅 Où avais-je la tête.. ?! 🤫Timao, notre dernière recrue bancale jouant toujours avec le temps après 6 jours dans la horde, s'expose d'une façon atypique aux éléments. Ce fut probablement un des rares oiseaux marins à emprunter un taxi bateau non motorisé pour aller d'un point A à un point B. Ce petit battant a surmonté sans difficultés la nouvelle aventure sous la haute surveillance d'une étrange créature à grosse tête avec dessus, des plumes longues et châtains.., trop bizarre !!On approche maintenant les 16h et le port d'Ohlão. La séparation avec ce petit être sans défenses arrive à grands surfs. Mais avant cela, nous constatons une erreur de commande ou une mauvaise communication avec la météo du ciel qui nous livre de la pluie de plein fouet pour le goûter. La veille, nous avons pourtant insisté et évoqué soleil sur background bleu. Nous aurions bien aimé rester sur du fruit sec interstellaire pour le 4 heures. 😜
16h30, nous venons de contacter le centre de soin qui nous envoie 2 gendarmes pour récupérer Timao et ils ne tardent pas à arriver. Nous nous rejoignons devant les quais. La dernière image que j'ai de lui : il est dans un carton. Je sais que c'est pour son bien mais cela me remplit d'émotions. J'ai l'impression de le trahir et de l'abandonner alors que je m’exécute à une tâche répondant à un plan qui sert absolument le contraire. C'est difficile de vivre consciemment dans de vieux schémas comportementaux. Des avalanches émotionnelles me submergent et je ne peux que les observer. Je n'avais pas pris la mesure de l'attachement que j'ai développé pour ce petit animal sauvage. J'aurais voulu être capable de l'aimer sans développer ce sentiment nourrissant le cycle de la souffrance et éloignant tout être d'un véritable épanouissement. L'Amour avec un grand A selon moi c'est le ressentir sans avoir peur de perdre l'objet tant apprécié ou la personne tant aimée. Bouddha n'a t-il pas dit : “Celui qui est le maître de lui-même est plus grand que celui qui est le maître du monde.” J'y travaille et je progresse mais en cette fin d'après-midi, je demeure humaine en apprenti-sage. Humaine en recherche de sagesse pour soigner de quelques failles, certaines ré-ouvertes momentanément par l'apparition inattendue d'un nouveau venu dans ma vie. Bouddha a aussi dit : “Bonne est l'action qui n'amène aucun regret dont le fruit est accueilli avec joie et sérénité”. Malgré tout, je me sens être habitée par une autre part beaucoup plus paisible et heureuse, qui valide totalement les choix que nous avons pris pour Timao. Le lendemain, cette charge émotionnelle s'en est allée voir ailleurs de l'autre côté 🎤, je peux laisser aller ce qui était et avoir confiance en ce qui sera 🤗.Rapidement, c'est-à-dire en pas plus de 15h, je suis rattrapée par une nouvelle expérience testant de nouveau mes capacités à être à même de la surmonter.C'est un gros bide ! 🤣🙀🙈Une équipe de Marinos nous demande prestement de débarrasser le plancher ce dernier pourtant adapté à la carrure de Yes Aï et à nos standards de vie. L'histoire se répète, que devons apprendre dans cette histoire ? Plein de choses je pense… L'un des hommes est bodybuildé et porte un tatouage original au niveau de la jonction du visage et du cou … Nous pouvons lire “FUCK” en gros caractères (gras et majuscule). C'est ce même homme d'une quarantaine d'années qui rit jaune et ne parvient pas à cacher son aigreur. Il se montre le plus démonstratif et virulent, il accapare toute mon attention par son agitation et son autoritarisme avec nous autres, étranger en transit et sa propre équipe. Disant vouloir nous aider, je trouve alors ses méthodes très violentes et très perturbantes. Pas sans mal, nous réussissons à leur faire entendre qu’à la voile, nous ne pouvons pas sortir et rentrer comme bon nous semble sans considérer l'état de la mer et du vent. Ce matin, les conditions ne sont pas réunies pour quitter le port ainsi, sur un commun accord avec l’équipe pourvue d'un “frappant” sens de l'accueil, nous délogeons notre maison et la transportons jusqu'au sympathique mouillage, plus loin en amont de la Ria Formosa. Merci L'équipe, sans votre intervention, il se pourrait que l'on soit resté quelques jours ici, dans ce port à l'ambiance si légère, offrant une vue imprenable sur les terrasses de cafés voisins. Ahhh miiince quel dommaage 😁Notre point d'ancrage est pas trop mal situé pour satisfaire tous nos besoins. La plage à proximité nous donne progressivement accès à la terre car il nous faut d'abord traverser des marais-salants laissés à l'abandon. Je suis replongée dans quelques souvenirs du temps où je vivais à Guérande dans le 44. Cet environnement me rappelle tout particulièrement les joyeux mois où j'étais administratrice et guide à la maison des paludiers à Saillé. Aujourd'hui, je suis une touriste accompagnée de 2 énergumènes 😜, une manière tout aussi séduisante de déambuler entre les différents bassins sur les ponts et les ladures. Aussi, je pense à Timao se trouvant non loin de là à 10 min à pied seulement de notre plage d'accostage. Nous aurions aimé passer le voir. Malheureusement, le centre RIAS - Centro de Recuperação e Investigação de Animais Selvagens n'est pas ouvert à la visite 😢😇. Je pense à lui et me dis que peut-être un jour viendra où ce vaillant goéland élira domicile ici-même dans cet havre de paix parmi les aigrettes, les spatules blanches et l'équidé voisin des lieux. En direction des quartiers résidentiels, sur un chemin de traverse, nous tombons effectivement nez à nez avec un vieille âne bien entendu attaché par la patte avant droite 🤨. La corde lui cisaille la peau et la chaire, comme la précédente avait dû le faire à en voir la cicatrice sur celle de gauche 😖. Un homme de passage, lui offre de l'eau et nous explique que cette pauvre bête traine ici depuis un bon bout de temps et qu'il n'a jamais vu le propriétaire… OK 😠. Les affaires reprennent, la team rescute Yes Aï est sur le coup ! Le lendemain matin, nous revenons avec un couteau et le libèrons l'âne de son objet de torture. Il se lèche la plaie mais n'a pas franchement l'air de comprendre et de réaliser qu'il est désormais un libre baudet ! Pour ne l'avoir certainement jamais été, il découvrira plus tard, la saveur de la liberté lorsqu'il fera 3, 4, 5 pas de plus qu'à l'accoutumé. Quand son déplacement machinal le mènera pour la première fois de sa vie vers le mouvement ample et décontracté. Va viel âne. Va goûter les herbes grasses disponibles dans les champs autour ; quitte ton chemin étriqué qui ne t'apporte que de grossiers fourrages et trouve toi une jolie ânesse. Ne te retourne pas et ne reviens jamais!! 🙏🙌 Bon en l’occurrence, c'est nous qui partons les premiers 😄 mais à notre retour, il n'était plus là le bourricot 😁
Il ne faudra pas longtemps pour que l'on obtienne de ses nouvelles… Jeudi 17 avril, nous terminons une belle promenade autour et dans le parc naturel de la Ria Formosa. L'entrée, normalement payante, cette zone est entourée d'un grillage. Or, une trouée a été percée et la brèche a été laissé telle quelle 💁♀️ C'est en trouvant notre piste d'évasion permettant de ne pas à avoir à rebrousser chemin pour regagner notre bateau, tout en évitant de passer devant le bâtiment d'accueil (pas folles les guêpes ! 🤪) que nous entendons un âne braire 🤔. La populaire vocalise Hiiii Hannn se fait entendre 2, 3 fois lorsque. Tout à coup, dans notre champ de vision apparaît un âne droit, à la tête haute, pointant notre position. Cela ne fait aucun doute, c’est bien lui ! Le coquin ne s'est pas trouvé seulement une ânesse de compagnie mais 3 chevaux ou juments 🐴. Puisque les ânes ont des sens très développés et puisqu'il semble en effet soutenir le regard en notre direction, je pense que ce filou a été le premier à nous reconnaître. Souhait-il alors se manifester pour nous faire savoir sa présence ici ? Je le reconnais par une démarcation sur son poil à l'arrière de son dos. La végétation qui nous séparent les uns des autres ne nous permet pas de le rejoindre. Nous le saluons de là où nous sommes avec une joie immense, heureux de le retrouver en groupe, au côté et acceptés par d'autres équidés. Pourvu que les hommes ou les femmes “responsables” de ces chevaux daignent tout autant accueillir sa présence 🤞.Au sud du Portugal, nous commençons à toucher du doigt l'objet de notre convoitise, ce pourquoi nous avons entrepris ce voyage. Ça n'est pas l'unique raison mais celle-ci à pris une place primordiale dans notre quête depuis que nous avons eu à vivre des mois d'automne et d'hiver difficiles : atteindre les Îles Canaries ou de Madère 😍.
1 semaine avant un possible départ, le flux de vent s'oriente plus idéalement vers le Maroc. Finalement pourquoi pas ? Jusqu'à ce que le jugement dernier tombe, nous profitons d'Ohlão. Au bout d'un certain temps, de petites habitudes s'installent avec probablement un excès de confiance puisqu'un événement chagrinant vient bousculer tous nos repères. Vendredi 18 avril, Sevy a disparu. Laissé sur la plage comme chaque fois que nous venons à terre, ce matin il n'est plus là à nous attendre pour nous reconduire au bateau. Grosse douche froide. Pendant le vol, nous étions en train de nous balader lentement dans les marais-salants avant de se plonger une bonne demi-heure dans une séance de yoga. Cela, à 300m de là où se trouvait notre kayak 🙄. Nous sommes d'abord abattu, écœurés, désemparés. Nous voilà comme 2 gros bêtas, avec pour seules affaires, nos tapis de yoga dans un sac étanche. Peu utile à présent et de surcroît encombrant dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. Sans eau, sans argent, sans téléphone, nous ne sommes même pas chaussés puisque le projet initial était de rester dans le coin tout au plus 1 heure avant de retourner à bord. Pour couronner le tout et provisionner plus encore le buffet froid , le ciel se charge de nuages et nous sert une pluie battante pendant une dizaine de minutes. Nous ne sommes bien sûr pas assez “couverts” (couverts/ buffet 😁.. 🙄 bref 😅) et devons trouver une solution tout en grelottant de froid. Ce kayak n'est pas seulement un objet de loisir, il est surtout notre moyen de transport indispensable à notre mode de vie. Nos prises de contacts nous ramènent au chantier naval jusqu'à côté de notre zone de mouillage. 2 hommes travaillant sur leur bateau mis à sec sur bers donc en hauteur à 3 mètres environ au-dessus du sol, nous dit avoir vu 2 autres passer avec un kayak jaune et noir. Ils auraient pris une direction, exactement la même que celle que nous devons prendre pour aller faire nos courses. Nous nous y rendons et nous nous adressons maintenant à un homme tenant un entrepôt. À l'entrée de son hangars, de jeunes enfants se tiennent là, allongés les uns à côté des autres. L'homme à qui nous parlons nous explique que ces enfants peuvent être à l'origine du vol qui pourrait en fait être un “emprunt”. C’est déjà arrivé nous dit-il, qu'ils se servent d'embarcation pour jouer et plus tard, remettent l'objet à son emplacement. Nous retrouvons un peu d'espoir et entrevoyons une chance de retrouver notre kayak. Quand bien même les hommes du chantier nous ont dit avoir vu des silhouettes d'adultes et non celles d'enfants... Apparemment, ils font partie d'une grande famille de gitans vivants tous sur un terrain en friche caché par de la végétation, de l'autre côté de la route derrière un grillage. Gitans = voleurs ? Non, non… Nous ne souhaitons pas accuser sans preuve et tomber dans les clichés ! 2 jours passent et le kayak reste encore introuvable. Nous avons déposé une plainte à la gendarmerie mais les gendarmes se sont montrés peu optimistes sur les chances de remettre la main dessus. Heureusement, 2 jeunes allemands, voisins de mouillages nous sont venus en aide afin que l'on regagne notre bateau. Depuis, nous faisons nos allers retours entre la mer et la terre avec le seul moyen de locomotion qu'il nous reste : le paddle gonflable. À 3 sur ce petit support de 9 pieds, le poids fait qu’il sort à peine de l'eau. 😅. Là où nous sortons gagnants de cette histoire, c'est que nous sommes devenus experts en matière d'équilibre. Qu'il pleuve, qu'il vente, sur mer houleuse et yeux fermés (pour parer aux éclaboussures) rien ne nous fait tomber !
Notre séjour en Ria de Formosa se termine par conséquent sans nouvelles de Sevy. Pour éloigner les mauvais souvenirs et raviver nos cœurs meurtris par l’acte déshonorant le genre humain, nous nous sommes déplacés vers un autre mouillage. Il se situe du côté de la lagune sur les rives nord de la ravissante et atypique île de Culatra. Elle s'étend sur environ 6 kilomètres de long pour 0,1 à 0,9 kilomètre de large et n'est abimée par aucune route et aucun véhicule. En revanche, elle est entrelacée d’un bout à l'autre de chemins pédestres sableux. C'est drôle de voir ce sable habiter tous les recoins des zones habitées. Chaque palier de maison donne sur une plage privée de 5 à 10m². Lorsque d'habitude, les agents communaux apportent du sable de l'estran pour revêtir quelques espaces de récréation, ceux de cette île sont dispensés de cette tâche puisque de toute façon, l’école est directement construite sur une dune 😄. J'imagine qu'un air de vacances planent continuellement depuis la première pierre posée ici. J'imagine aussi que les coups de balais cognent dans tous les angles du matin au soir de manière ininterrompue 😅. La population est principalement composée de pêcheurs que nous voyons travailler jusqu'à tard le soir à la fois durement et placidement dans leurs cahutes impeccablement rangées les unes à côté des autres. Nous prenons place en terrasse à côté des habitués du café restaurant, royalement orienté toute la journée vers la lumière naturelle. Ces habitués dont les traits et la peau trahissent une abondante exposition au soleil s'abreuvent chaque soir de 2, 3 bières après une grande journée sollicitant l'effort physique. J'aime passer du temps à observer la nature en y mettant un réel engagement physique et spirituel. Néanmoins, j'aime aussi la voir s'exprimer au travers l'homme investi dans sa tâche. On entends souvent dire que l'humain se sert de la nature mais ironiquement je constate plus souvent le contraire : la nature se sert de nous dans l'ordre naturelle des choses 💁♀️
Presque chaque jour, nous nous baignons en tenue d'Adam et Èves depuis le bateau ou depuis le rivage et flânons sur les longues plages de sable tout en ramassant des coquilles d'oursins. Parfois nous restons en ermite là où nous avons élu domicile. D'autre fois, nous nous engageons dans une marche plus longue, passons non loin d’une cigogne blanche dont l'envergure n’impressionne guère les tadornes de Belon. Ils semblent au contraire suivre sa majesté au côté de 2 ou 3 chevaliers gambette et 1 ou 2 courlis repérés par mon objectif Lumix. Marchant depuis 1h30, nous n'avons pas vu venir derrière un monticule de sables, le village. Ou plus à proprement parler, nous ne nous sommes pas vues atteindre si vite le village. La surprise est d'autant plus grande que cette vision ne me rebute pas. En cohérence avec notre mode de vie réduit désormais à un bateau et un paddle, il offre une modestie et une simplicité de vie plutôt rare en Europe.
Mercredi 23 avril, nous disons adieu pour un temps à notre continent. Nous partons pour 2 jours et demi en mer, motivés par un désir d'être saisi par un plus grand dépaysement. Motivés également par de nombreux signes nous poussant vers ce pays. Destination Morocco ! 🤗😍