Perm, la dacha

Publiée le 18/07/2016
Je m'étais déjà arrêtée à Perm en janvier dernier. Marina, Directrice de l'Alliance Française et Michael, galiériste, m'attendent pour monter cette semaine le projet de résidence artistique à Perm dans une "dacha "pour l'été 2017. Une belle aventure , d'un autre ordre, commence.

Marina

Entre temps l'Alliance a déménagé dans un endroit très sympa en centre ville. Marina m'attendait à la descente du wagon. Une délicate attention. J'ai retrouvé le même hôtel, la même chambre,les mêmes réceptionnistes, toutes aussi adorables. Le parc Gorki, juste en face n'est plus sous la neige mais rempli de fleurs, d'enfants et de poussettes. On dirait un décor d'opérette.

un commanditaire qui a son idée.

Avant mon arrivée, le programme était déjà prêt. Michael, à l'initiative du projet,  veut me faire découvrir l'art contemporain  russe (c'était en fait l'objectif de mon voyage, mais j'étais restée un panne) , rencontrer des artistes de Perm avec lesquels je pourrais envisager une collaboration pour le projet (que rêver de mieux!), m'emmener en bateau sur la Kama, fleuve énorme, pour voir et comprendre la géographie du lieu puis  ,bien sûr ,nous rendre à l'endroit où le projet doit se réaliser : sa "Dacha" au bord de la Kama. Une Dacha est l'équivalent, à l'origine, de nos jardins ouvriers ; un morceau de terrain alloué, dans les années 60 aux habitants des villes pour cultiver un jardin. Le projet initial a bien évolué et les espaces attribués aux dachas sont devenus des zones periurbaines  très particulières, forme hybride entre campements de gitans et lotissements. La nature est toujours là, luxuriante, mais aussi le kitsch et les poubelles. La dacha de Michael est pourtant  encore un objet poétique au confluent de deux fleuves immenses : la "Tchoussovaïa" et la "Kama".  Il me donne carte blanche pour le jardin ma deuxième (première?) passion.

Ave Michael, détour par le musée d'art contemporain de Perm

Avec Michael, on cherche le nord. Cette oeuvre a été mal placée. L'artiste avait mesuré exactement (au mètre près!) toutes les distances qui séparent les grands musées du Centre d'Art Contemporain de Perm.  Ce Centre a été fermé suite à des  coups bas  d'ordre politique et déménagé loin du centre ville dans un bâtiment quelconque.  Avec lui, le poteau de signalisation a été déplacé et  positionné différemment, du coup,  le Centre Pompidou, se trouverait  au coeur de la Sibérie (je propose que l'on aille y planter un poteau!). A la grande époque de la  Révolution Culturelle de Perm , Michael a été  a la direction du Musee d'Art contemporain qui était  situé dans un  très beau bâtiment ancien au bord de la Kama.  Le bâtiment a été fermé et il tombe en ruines. Michael a été terriblement affecté, mais avec courage et ténacité il continue  de batailler pour l'art contemporain dans sa ville.  il a ouvert une galerie dans  une ruelle près de l'Opéra ballet.  Il avait contsitué pour le Musée une incroyable collection (digne du Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne). Elle est en ce moment exposée et il me l'a fait visiter :  j'ai  découvert les artistes russes, des années 70 à 2000. Illya Kabakov est un parmi  beaucoup d'autres :"The nest group", Dimitri Petukbov, Vitaly Komar, Andrey Monastyrsky, les nez bleus, Oleg Kurlik  ...

Michael dans la collection qu'il a constitué dans les années 2000-2010

Je ne pouvais pas trouver un guide plus enthousiaste et passionné. Ici devant son oeuvre préférée, un morceau de tissu polyuréthane "vivant". Le tissu est toujours en mouvement.

Coup de coeur 1, art conceptuel

"People's choice" de Vitaly Komar et Alexander Melamid. Evidemment cela mérite une explication. Une analyse sociologique a été faite auprès des habitants de la ville pour déterminer leurs goûts en peinture : le tableau qui les ravirait et le tableau qu'ils détesterait. D'après leurs descriptions, une artiste a réalisé les oeuvres. Evidemment, à Perm, ils adorent les paysages dans le style du mouvement ambulant et ils détestent l'art abstrait du début du XXe. Très rigolo à Saint Petersbourg, le cheval cabré avec la couverture rouge.

coup de coeur 2 art conceptuel et décoratif, je ne pense pas que les explications soient nécessaires. J'ai aimé les détails.

Des mondes parallèles

Le rocher à la confluence de la Kama et de la Tchoussovaia en amont de Perm, juste en face de la dacha,  est un lieu mythique. Des fouilles archéologiques ont permis d'identifier la présence de populations venues d'Iran et de Syrie. Une légende circule concernant Zarathoustra. Michael a tenu à ce que je m'approche physiquement de ce lieu pour être à mon tour touchée par son magnétisme! En tout cas la baignade était délicieuse.

Serguei

Serguei est ouvrier dans une usine de Perm. Il a construit seul un magnifique Katamaran . Il a tout fait, jusqu'aux outils pour fabriquer les différentes pièces. C'est un ami  de Michael, il nous a emmené en repérage sur le fleuve immense/

Deux fleuves énormes se réunissent; la Kama et la Tchoussovaia en amont de Perm
Baignade au confluent;  un lieu hautement symbolique

Rencontre avec un artiste

Son atelier est situé, avec d'autres ateliers de peintres, en haut d'une tour construite dans les années 80. C'est un labyrinthe au milieu des toiles. Beaucoup d'oeuvres de toutes sortes, de toutes époques. Beaucoup de  travaux qont graphiques et picturaux, d'autres oscillent entre peinture et scupture. J'aime beaucoup. En ce moment,  Slava associe l'informatique et les arts graphiques pour superposer des images qui deviennent  formellement très complexes. Nous devrions travailler ensemble. Nous avons bu du thé et grignoté quelques sucreries sur la table basse dans la caverne d'Ali Baba perchée  au dessus de Perm.

Slava. Sur le mur, un travail récent :  une série de motifs  composée comme une image "photoshop"

La dacha

Ce n'est que 3 jours après mon arrivée que nous nous sommes rendus à la dacha pour une reconnaissance. Violetta, la femme de Michael nous attendait. Nous avions apporté quelques provisions pour un "pique nique". Michael a fait griller des poissons, Violetta a ramassé les légumes dans le jardin et moi j'avais apporté du caviar de Vladivosok.

le pique-nique, dans les bouteilles c'est du kvas.

Au delà des palissades qui entourent les dachas, des grands prés, des bois et un étang; L'herbe n'est jamais  fauchée et aucun animal ne vient y pacager. La végétation est luxuriante.En allant ramasser des champignons, il y a quelques surprises. 

Ivan, un peintre nous a rejoints
Un remake de "Partie de campagne"  de Renoir
Anita

Anita est mon guide, mon interprète, ma secrétaire, mon assistante, ma maman.... Marina lui a confié "l'artiste", le temps de son séjour. C'est un vrai chantier. Il faut dire qu'elle a la carrure. Sibérienne, elle est née dans une de ces villes surgies de nul part et dont la seule logique d'implantation est le pétrole. Elle se rapelle ses jeux d'enfants sur les énormes citernes, son paysage au quotidien. Les moustiques? Ce n'est pas un problème: il suffit de ne pas gratter. J'essaye de suivre le conseil qui me paraît plein de bon sens. Lorsque je lui parle des écrits de Svletana Alexievitch ("La fin de l'homme rouge"), elle sourit "Oui, vous en Europe cela vous touche, mais nous,nous ne sommes  pas vraiment intéressés, on a tous vécu ça, c'est notre histoire, alors..." Elle est professeur à l'Université, son français est excellent et elle est très rigoureuse sur l'emploi du mot juste. Elle s'est plongée dans le champ lexical de la botanique pour le projet. l'image pour l'ouverture de la page est celle d'une baie  que je n'ai jamais vue en France. C'est de la famille du pommier "Irga" en russe.

La  campagne réserve des surprises très russes !

En haut de la colline,  la carcasse d'un hôpital entièrement neuf dans les années 90 . Il n'a jamais été utilisé. On comprend que rien n'a été perdu et que tout a été recyclé : portes, fenêtres, carrelages... sans doute pas très loin!

Des artistes sont déjà intervenus, il ne reste plus qu'à poursuivre!
Retour à la dacha

Toutes les dachas sont regroupées dans un périmètre clôturé par une palissade, comme dans Astérix. A l'intérieur, un vrai labyrinthe. Chaque propriétaire a calé sa maison comme il a pu sur une parcelle parfois minuscule. Je suis étonnée :  aucune barrière entre les jardins, seulement des petits chemins qui partent un peu dans tous les sens et sur lesquels on circule sans crainte de déranger les propriétaires qui jouent aux cartes, boivent le thé ou font simplement une petite sieste, profitant de la chaleur de l'été qui est court à Perm. Les limites entre vie publique et vie privée s'éffacent.

Une drôle de surprise!

Le jardin que je croyais à l'abandon est parfaitement entretenu par Violetta qui y passe ses journées. La carte blanche  est en fait un carton rouge ; je n'imagine pas intervenir dans un espace déjà occupé. Vais-je trouver une solution ou abandonner le projet? Vous le saurez au prochain épisode.

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