Le désert de la Tatacoa

Un désert en Colombie ?? Vous inquiétez pas, nous non plus on était pas au courant. Il ne s'agit en réalité pas vraiment d'un désert, mais d'une forêt tropicale asséchée de plus de 330 km2. Cette large étendue aride au milieu d'un pays majoritairement vert et humide doit sa réputation à plusieurs raisons. Tout d'abord, le désert de la Tatacoa attire un grand nombre de touristes chaque année, qui viennent découvrir ses paysages incroyables et ses saisissants canyons de terre rouge. Il stimule aussi géologues et paléontologues venus étudier cette zone riche en fossiles datant de plusieurs millions d'années. Il attire enfin quelques rêveurs comme moi venus s’émerveiller d'un ciel étoilé extraordinaire. La pollution lumineuse y est la plus faible du pays et sa position très proche de l'équateur offre une voûte céleste particulièrement large. Fasciné, même passionné par l'espace, j'ai qu'une envie, c'est de foncer visiter les deux observatoires présents dans le désert.

C'est donc dans l'après midi du 6 novembre qu'on arrive dans cet étrange désert Tatacoa. Par chance, on trouve du premier coup une petite cabane très rustique mais pas trop chère pour passer nos deux prochaines nuits. Après quelques heures de lecture tranquille, et la dégustation d'une grosse assiette de chèvre grillée, plat typique local, on file à l'observatoire le plus proche pour notre première soirée de reluquage céleste. Premier des deux observatoires, celui-ci est public, et le plus “professionnel” et “cadré” des deux. On arrive donc à la nuit tombée, 8h pétantes, et on s'assoit avec une vingtaine d'autres personnes sur des chaises dans le fond du jardin. Un homme commence alors la présentation, équipé de son laser ultra précis, semblable à un sabre géant tout droit sorti de Star Wars. Il nous explique d'abord comment nous repérer et nous orienter dans le ciel, puis pointe et dessine ensuite une quinzaine de constellations au dessus de nos têtes, accompagnées de petites histoires mythologiques les concernant. C'est absolument fascinant. Avant de partir, on a même la chance d'observer Saturne et Mars de très près à travers deux gros télescopes. On a trouvé la présentation très intéressante, mais un peu courte et incomplète… Heureusement, on aura une seconde chance demain soir à l'autre observatoire. Le temps de rentrer à la cabane, le ciel s'est couvert et un énorme orage éclate. C'était moins une !

Le lendemain, on part dans la matinée pour marcher un peu et découvrir les alentours. En une vingtaine de minutes à pied on rejoint d'abord le désert gris sous un soleil de plomb. Le paysage est stupéfiant, mais finalement assez monotone, et la chaleur écrasante nous convainc de rentrer. On bouquine donc tranquillement quelques heures et on ressort en fin d'après midi, quand la température est plus agréable. Cette fois-ci, on prend le chemin dans l'autre sens et on arrive en quelques minutes au désert rouge. Le soleil se couche lentement et la lumière rasante sur les canyons rouges parsemés de cactus rend le cadre encore plus merveilleux. On s'enfonce par un petit chemin dans les canyons qui serpentent, et on ressort de l'autre côté une heure plus tard. Le ciel rose s’assombrit petit à petit, et le soleil disparaît à l'horizon, laissant place à des milliers d'étoiles. On suit le chemin de sable désert où seulement quelques chèvres se baladent, et on trouve une petite table pour manger un bout. On s’enfile pour la trillionième fois une assiette de riz poulet patacon salade, et on se laisse tenter en fin de repas par un gros fromage de chèvre local accompagné de pâte de fruits. Grave erreur. Absolument tous nos sens nous mettent le doute: c'est un fromage ou une semelle de chaussure ? On ne saura jamais.

C'est presque 8h, ça tombe bien, on est à 2min du second observatoire. Celui-ci est tenu par le fantasque Javier Fernando Rua Estrepo, qui après avoir travaillé dans l'autre observatoire public pendant 17 ans, a décidé de créer le sien en 2006, un peu plus loin dans le désert. L'ambiance y est bien plus confidentielle ce soir, et on commence directement par observer quelques objets au télescopes. Saturne, Mars, les Pléiades, et même notre galaxie voisine Andromède. Je rêvais de la voir, et j'ai été gâté, puisque les conditions exceptionnelles nous ont même permis de l'observer à l'oeil nu. Située à 2,5 millions d'années lumières de la Terre, c'est d'ailleurs l'objet céleste le plus distant que nous puissions voir à l'oeil nu. Si vous attendez quelques 4 milliards d'années, vous pourrez même la voir de très près puisqu'elle entrera en collision avec notre propre galaxie, la Voie Lactée, en en créant une nouvelle, bien plus grande.  

Après une petite demi heure d'observations et de discussions, on se couche par terre dans l'herbe, et la présentation commence. Équipé de son laser, de son humour, et de ses connaissances infinies, le type nous aura tous fait rêver pendant presque 2h. Extrêmement passionnant et passionné, il nous explique d'abord les bases, et nous montre et décrit ensuite des dizaines de constellations, leurs mythes et histoires, ainsi que chacune des étoiles qui les composent, en citant à chaque fois leur nom scientifique, et arabe. Un méga autiste de l'espace. La présentation est hyper intéressante, détaillée, et fun en plus de ça. Quand elle se termine, on n’a pas tout de suite envie de partir, et on reste encore un instant couchés la tête dans les étoiles. Le temps qu'on se lève, tout le monde a disparu. On discute un moment avec les astronomes qui nous montrent encore quelques trucs au télescope, et on rentre tranquillement en suivant la constellation de l'aigle.

On part le lendemain tôt pour Bogota, des étoiles encore plein les yeux…