77. Péronne

Publiée le 07/09/2022
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Il aurait fallu rester plus longtemps à Guise pour s'imprégner des lieux et de leur histoire, lire les écrits de Godin pour découvrir et comprendre sa pensée et ses engagements. Il aurait fallu ester plus longtemps à Guise pour rencontrer ceux qui vivent encore au Familistère et ceux qui savent ce qui s'est joué là. Il aurait fallu rester plus longtemps à Guise pour comprendre surtout ce que l'utopie qui s'y est réalisée aurait encore à nous apprendre pour aujourd'hui. Elle semble tellement moderne.

Mais, comme toujours, on voyage, par définition, il faut repartir. Une émotion ou une rencontre, chasse l'autre ou pour mieux dire la recouvre et s'y fond. Le voyage est un magma d'émotions, de plaisirs, de rencontres, de regrets aussi : on est parti trop vite, on ne s'est pas tout dit, on n'a pas tout vu – le peut-on ? -, on aurait dû, on aurait pu... mais si l'on restait encore et encore, le voyage ne serait plus voyage.

Nous quittons donc Guise ce matin. Nous empruntons l'axe vert de Thiérache qui nous y a conduits hier. C'est une belle voie verte gravillonnée, qui circule sous le couvert, roulante et agréable, ombragée.

Puis nous quittons la vallée de l'Oise. Il s'agit de gagner celle de la Somme pour rejoindre Péronne. D'un bassin versant à l'autre, la journée se passe à monter et à descendre. De longues côtes à 4 ou 5 %, jamais insupportables mais jamais faciles cependant. La journée s'avère ainsi plus fatigante que ce que nous avions imaginé. Ces montagnes russes sont un peu « casse-pattes ».

Le paysage est magnifique. On cultive ici pommes de terre et betteraves, maïs et céréales. Il y a aussi des pâtures et des friches. A cette période les agriculteurs sont en pleine activité et les travaux n'en sont pas partout au même stade. Il en résulte une infinité de couleurs, qui varient en fonction du degré de maturité de la plante et des travaux déjà effectués dans les champs. Ici les maïs sont récoltés et la terre est blanche des feuilles et des tiges qui y restent, un épi tombé apporte ici ou là une touche de jaune. Ailleurs, il est encore sur pied et, du bas au haut de la plante, les couleurs s'étagent du brun au vert. Les sols eux-mêmes n'ont pas tous la même couleur. Franchement noirs ce matin, puis plus rouges puis éclaircis du blanc de la craie ensuite.

Les courbes des collines sont douces. Chacune a son dessin, plus raide ici, là plus voluptueuse. Outre leur propre forme, la façon dont elles s'inscrivent dans le ciel d'arrière-plan les caractérise : selon que qu'il est bleu, ou peuplé de nuages, qu'ils sont blancs ou gris, elles prennent un air bien différent. Les éléments qui viennent rompre la perspective, arbre isolé, tracteur au travail, bosquet ou village au loin ajoutent à cette symphonie. Comme on voudrait maîtriser l'art de la photo pour fixer ces merveilles. Pas si simple hélas, d'autant qu'il faut rouler. On n'a pas le temps qu'il faudrait pour choisir un angle, saisir la lumière, attendre qu'aucun élément indésiré ne soit dans le champ.

Arrivés à Péronne, nous croisons Martine, une cycliste de Vernon, normande comme nous donc et comme nous membre de Warmshowers. Elle nous offre un verre que prenons ensemble à la terrasse d'un café, l'occasion de discuter encore de (vélo)voyages.

Au fil de la journée le ciel se charge, les nuages se grisent et forment un couvercle. Vers 17 heures 30, la pluie tombe. Nous verrons si c'est un peu ou beaucoup, si c'est pour quelques instants ou pour la nuit – ce serait bien, d'autant que nous dormons encore au sec cette nuit, chez Olivier et Valérie. Valérie est la sœur d'Isabelle, notre amie du Havre, avec qui nous avions fait connaissance l'an dernier quelque part du côté de Strasbourg à l'occasion de notre tour de France à vélo. 

Il devrait encore pleuvoir demain toute la journée, selon Météo France – nous en serons un peu plus gênés mais, à Amiens, nous serons aussi à couvert, nous y avons loué un Air Bnb. Les prévisions sont encore à la pluie pour les jours suivants, ce sera plus embêtant pour nous car nous serons sous tente mais on ne peut pas toujours passer entre les gouttes, d'autant qu'ils sont nombreux ceux qui l'attendent, cette pluie.

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Ni devus resti pli longe en Guise por ĝisfunde viziti la lokon kaj ĝian historion, legi la librojn de Godin por malkovri kaj kompreni lian pensadon kaj liajn batalojn. Estus necese resti pli longe en Guise por renkonti tiujn kiuj ankoraŭ loĝas en la Familistère kaj tiuj kiuj scias kio okazis tie. Estus necese resti pli longe en Guise por kompreni antaŭ ĉio, kion la utopio, kiu tie okazis, povas ankoraŭ instrui nin por hodiaŭ. Ĝi aspektas tiel moderna.

Sed, ankoraŭ, ni vojaĝas, laŭdifine, ni do devas foriri. Nova emocio aŭ renkonto forpelas la alian aŭ, pli bone dirite, kovras ĝin kaj miksiĝas en ĝi. Vojaĝado estas magmo de emocioj, plezuroj, renkontoj, de bedaŭroj ankaŭ : ni foriris tro rapide, ni ne ĉion rakontis unu al la alia, ni ne vidis ĉion — ĉu eblas ? -, ni devus, ni povus... sed se ni restus ankoraŭ kaj ankoraŭ, la vojaĝo ne plu estus vojaĝo.

Do ni forlasas Guise ĉi-matene. Ni prenas la "verdan akson de Thiérache", kiu kondukis nin tie hieraŭ. Ĝi estas bela gruzita verda vojo, kiu kuras sub kovrilo, rapida kaj agrabla, ombrita.

Poste, ni forlasas la Oise-valon. Temas pri iri al tiun de Somme por atingi Péronne. De unu akvodislimo al alia, la tago estas pasigita supren kaj malsupren. Longaj grimpadoj je 4 aŭ 5%, neniam neeblaj sed neniam facilaj tamen. La tago estas pli laciga ol ni imagis. 

La pejzaĝo estas mirinda. Ĉi tie oni kultivas terpomojn kaj betojn, maizon kaj cerealojn. Estas ankaŭ paŝtejoj kaj dezertejoj. En ĉi tiu tempo la terkulturistoj multe laboras kaj la laboro ne estas ĉie en la sama stadio. La rezulto estas senfineco da koloroj, kiuj varias laŭ la grado de matureco de la planto kaj la laboro jam farita sur la kampoj. Ĉi tie oni rikoltas la maizon kaj la tero estas blanka pro la folioj kaj tigoj kiuj restas tie, falinta spiko ĉi-tie kaj tie alportas tuŝon de flavo. Aliloke, ĝi ankoraŭ staras kaj, de la piedo ĝis la supro de la planto, la koloroj varias de bruna ĝis verda. La grundoj eĉ ne ĉiuj havas la saman koloron. Tute nigra ĉi-matene, poste pli ruĝa poste pli heligita de la blanka kreto.

La kurboj de la montetoj estas mildaj. Ĉiu havas sian formon, pli rigida ĉi tie, pli volupta tie. Plie, la maniero kiel ili kongruas en la fona ĉielo karakterizas ilin : depende de ĉu ĝi estas blua, aŭ loĝata de nuboj, ĉu ili estas blankaj aŭ grizaj, ili alprenas tre malsaman aspekton. La elementoj kiuj rompas la perspektivon, izolita arbo, traktoro en laboro, arbareto aŭ vilaĝo en la malproksimo aldonas al ĉi tiu simfonio. Kiel oni ŝatus regi la arton de fotarto por fiksi ĉi tiujn mirindaĵojn. Bedaŭrinde, ne eblas, precipe ĉar mi devas plubicikli. Mi ne havas la tempon elekti angulon, kapti la lumon, atendi ĝis neniu nedezirata elemento estas en la pafo.

Alveninte en Péronne, ni renkontas Martine, biciklantinon el Vernon, normandan kiel ni kaj kiel ni membron de Warmshowers. Ŝi proponas al ni trinkaĵon, kiun ni kune trinkas sur la teraso de kafejo. Ni diskutas kompreneble pri (biciklaj) vojaĝoj.

Dum la tago progresas, la ĉielo fariĝas nuba, la nuboj griziĝas kaj formas kovrilon. Ĉirkaŭ je 17:30, la pluvo falas. Ni vidos, ĉu estas iom aŭ multe, ĉu por kelkaj momentoj aŭ por la nokto – tio estus bone, precipe ĉar ni ankoraŭ dormas sub tegmento ĉi-nokte, ĉe Olivier kaj Valérie. Valérie estas fratino de Isabelle, nia amikino el Havro, kiun ni renkontis pasintjare ie apud Strasburgo dum nia bicikla turneo ĉirkaŭ Francio.

Ankoraŭ devus pluvi morgaŭ la tutan tagon, laŭ Météo France – ni estos iom pli embarasita pro tio sed, en Amiens, ni ankaŭ ne tendumos, ni luis Air Bnb tie. La antaŭvidoj ankoraŭ estas por pluvo por la sekvaj tagoj, pli ĝenos nin ĉar ni tendumos sed ni ne povas ĉiam pasi inter la gutoj. Cetere ĉar multaj atendas ĉi tiu pluvo .

2 commentaires

igreken

Mi de longe volas viziti la firmaon de Godin. Antaù kelkaj jaroj, kolegino de Anne-Marie tre interese prelegis prie en Caen.

  • il y a 2 ans

ClaudineMichel

C'est un beau livre de voyage que tu peux publier , Bertrand .
La photo d'aurevoir de la maman de Véronique est très belle et émouvante.

  • il y a 2 ans
3 Voyages | 233 Étapes
Rue du Collège, Péronne, France
102e jour (07/09/2022)
Liste des étapes

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