74. Charleville-Mézières

Publiée le 03/09/2022
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Nous avons passé la soirée et la nuit de mercredi à jeudi chez Gilles et Catherine deux espérantistes givetois. Ils avaient aussi invité Marie, une espérantiste d'Hastière, la ville belge voisine. Nous parlons d'espéranto bien sûr, en espéranto aussi, même si nous nous autorisons quelques digressions en français. Il se trouve que, comme souvent, nous avons quelques connaissances communes. La conversation ne se limite bien évidemment pas à ce seul sujet. Catherine est une amoureuse de la nature et a appris à cuisiner les plantes sauvages dont elle nous a fait un bon plat. Nous parlons aussi météo - la pluie espérée et si souvent annoncée ne tombe pas, cette fois encore - et production d'énergie : la centrale nucléaire de Chooz est à l'arrêt, comme nombre d'autres. 

Nous visitons le jardin des sauvages avant de partir ce matin, trop brièvement pour retenir toutes les informations passionnantes données par Catherine. Nous avons toutefois noté les références d'un livre qu'elle nous a conseillé. 

Gilles nous accompagne pendant quelques kilomètres pour nous montrer la route qui nous permettra d'éviter le méandre de Chooz et raccourcira ainsi l'étape longue de plus de 85 kilomètres. 

Encore une fois, l'accueil des espérantistes est chaleureux. C'est que l'espéranto n'est pas seulement une langue, c'est aussi une conception du monde et des rapports sociaux.

En nous revoici sur le fleuve, notre compagnon de tant d'années.

La féerie de la vallée de la Meuse se rappelle à nous à chaque coup de pédale. C'est ici, entre Givet et Charleville, qu'elle est la plus belle. La vallée est encaissée et étroite par endroits, plus large et ouverte à d'autres. La forêt qui la borde est souvent dense, feuillus en bas, résineux au sommet. Le massif n'est pas bien haut – c'est qu'il date de l'ère primaire, il a eu le temps de s'éroder – mais qu'on ne s'y trompe pas, il garde des pentes raides et des à-pics vertigineux. Mais nous roulons sur le chemin de halage, transformé il y a vingt ans en voie verte. Plat donc.

Les villes et les villages établis au long des méandres nous sont familiers. Givet, Chooz, Ham-sur-Meuse, les deux Vireux, Wallerand et Molhain, Montigny, Fépin et sa falaise fossilifère, Haybes – nous n'y verrons pas notre ami Michel, il est en vacances en Corse – Fumay, Revin où j'ai travaillé quelques années comme proviseur adjoint, Anchamps, Laifour et les Dames de Meuse, Monthermé où la Semois vient grossir les eaux du fleuve, le rocher des Quatre fils Aymon – Nous sommes en terre de légendes : le diable ici construit ponts et châteaux en échangedes âmes –, Bogny et Joigny, Nouzonville où trône la statue de Jean-Baptiste Clément, Aiglemont où Fortuné Henry au début du siècle dernier fonda l'Essai, une communauté anarchiste et finalement Charleville-Mézières où se sont écrites quelques pages de nos vies personnelles et professionnelles.

Nous sommes partis ailleurs, en Normandie et nous y sommes bien mais nous n'avons pas oublié les Ardennes. 

Le Massif. Toute une culture, tout un savoir-faire, tout un monde frappé par les crises qui doit se réinventer pour se construire un nouvel avenir, entre souffrance et fierté, entre le vert des forêts et le gris de ses friches industrielles. Il n'y a plus guère qu'à Bogny qu'on entend encore les coups assourdissants ou les cris stridents des machines. Ils peuplaient autrefois toute la vallée. 

Tréfimétaux, Porcher, Cellatex, Arthur Martin Electrolux et tant d'autres...

La population du département est aujourd'hui inférieure à ce qu'elle était il y a deux siècles, en diminution de 10% en une génération. Le taux de mortalité y est supérieur au taux de natalité.

Et pourtant, quelle richesse ici !

Le temps de faire un petit tour dans les rues piétonnes et, en quelques minutes à peine, nous croisons successivement Bruno, Michèle, Véronique, Maya... des amis de longtemps. Le hasard est sympa qui les met sur notre route.

Au cours de notre passage dans les Ardennes, nous croiserons plus d'une vingtaine de connaissances, amis ou famille, ainsi par hasard ou parce qu'un petit coup de fil nous a permis de prendre rendez-vous pour un verre ou un repas partagé.

Nous logeons chez Isabelle et Christian ce vendredi, des amis. Ils en ont invité d'autres qui nous sont communs pour la soirée. Nous sommes huit à table.

Vendredi, quelques rendez-vous, copines et esthéticienne pour Véro. 

Christian est parti travailler à vélo et m'a prêté sa voiture pour que je puisse me rendre facilement chez mon ami André Cordier, le vélociste de Revin. Il répare mes freins, et cette fois ça marche ! Nous nous voyons moins d'une fois par an lui et moi, maintenant que nous sommes normands mais il ne me viendrait pas à l'idée de passer ici sans faire le détour de son atelier. Son rire sonore m'est un plaisir, sa compétence et sa disponibilité me sont précieuses. Il aime son métier et trouve toujours une solution à tout. 

Ce vendredi, nous dormons chez Jean-Yves et Marie-Ange, à Belval. Des amis de trente ans. C'est à quelques kilomètres d'ici. Si l'étape de jeudi était je crois la plus longue de notre voyage, celle d'aujourd'hui devrait au contraire être la plus courte. Nous ne quitterons d'ailleurs Charleville qu'en fin d'après-midi après avoir partagé un verre avec des amis sur une des terrasses de la Place Ducale. Ils devraient être une bonne dizaine d'anciens collègues que nous aurons plaisir à rencontrer.

L'arbre à souhaits.
Les carrières d'où sont extraites les pierres bleues de Givet.
La centrale nucléaire de Chooz... à l'arrêt.
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Les schistes.
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Les Quatre Fils Aymon.
André - dit Dédé -  répare mon vélo.
Les copains Place Ducale.

Merkredon, ni pasigis la vesperon kaj la nokton ĉe Gilles kaj Catherine, du esperantistoj el Givet. Ili ankaŭ invitis Marie, esperantistinon el Hastière, la najbara belga urbo. Ni parolis pri Esperanto kompreneble, ankaŭ en Esperanto, eĉ se ni permesis al ni kelkajn frazojn en la franca. Kiel ofte okazas, ni havas kelkajn komunajn amikojn. La konversacio evidente ne estas limigita nur al tiu ĉi temo. Catherine ŝatas le naturon kaj lernis kuiri sovaĝajn plantojn, kun kiuj ŝi faris al ni bonan pladon. Ni parolas ankaŭ pri la vetero - la esperita kaj tiel ofte anoncita pluvo ne falas, ĉi-foje denove - kaj pri la energiproduktado : la atomcentralo Chooz estas fermita, kiel multaj aliaj.

Ni vizitas la ĝardenon de la sovaĝaj plantoj antaŭ ol foriri vendredon matene, sed la vizito estas tro mallonga por memori ĉiujn interesajn informojn kiujn Catherine donas al ni. Tamen ni notis la referencojn de libro, kiun ŝi rekomendis al ni.

Gilles akompanas nin dum kelkaj kilometroj por montri al ni la vojon, kiu permesos al ni eviti la meandron de Chooz kaj tiel mallongigi je kelkaj kilometroj la longan etapon - pli ol 85 kilometroj.



Denove esperantistoj estas bonvenigaj kaj bonkorecaj. Esperanto ne estas nur lingvo, ĝi estas ankaŭ ideo pri la mondo kaj pri sociaj rilatoj.

Jen ni denove estas laŭ la rivero, nia amiko dum tiom da jaroj.

La magio de la Moza valo memorigas nin kun ĉiu pedalpremo. Estas ĉi tie, inter Givet kaj Charleville, ke ĝi estas plej bela. La valo estas kruta-flanka kaj mallarĝa en lokoj, pli larĝa kaj malferma en aliaj. La arbaro apud ĝi estas ofte densa, foliarboj malalte, pingloarboj ĉe la supro. La masivo ne estas tre alta - estas ĉar ĝi devenas de la primara epoko, ĝi havis tempon eluziĝi - sed ĝi konservas krutajn deklivojn kaj vertiĝajn pintojn. Ni veturas sur la tirvojo, transformita antaŭ dudek jaroj kiel bicikla vojo. Tiel plata.

La urboj kaj vilaĝoj laŭ la meandroj estas konataj al ni. Givet, Chooz, Ham-sur-Meuse, la du Vireux, Wallerand kaj Molhain, Montigny, Fépin kaj ties fosilifera klifo, Haybes – ni ne vidos tie nian amikon Michel, li ferias en Korsiko – Fumay, Revin kie mi mi laboris kelkajn jarojn kiel viclernejestro, Anchamps, Laifour kaj la Dames de Meuse, Monthermé kie la rivero Semois donas siajn akvojn al Mozo, la roko de la Quatre fils Aymon - Ni estas en lando de legendoj : la diablo konstruas pontoj kaj kasteloj ĉi tie por tiuj kiuj donas al li iliajn animoj –, Bogny kaj Joigny, Nouzonville kie la statuo de Jean-Baptiste Clément sidas, Aiglemont kie Fortuné Henry komence de la pasinta jarcento fondis la Eseon, anarkiisma komunumo kaj fine Charleville-Mézières kie estis verkitaj malmultajn paĝojn de niaj personaj kaj profesiaj vivoj.

Ni iris aliloken, al Normandio kaj ni estas feliĉaj tie, sed ni ne forgesis Ardenojn.

La masivo. Tuta kulturo, tuta scipovo, tuta mondo trafita de krizoj, kiu devas reinventi sin por konstrui novan estontecon, inter sufero kaj fiero, inter la verdo de la arbaroj kaj la grizo de siaj industriaj dezertejoj. Nur en Bogny vi ankoraŭ aŭdas la surdigajn frapojn aŭ la akrajn kriojn de la maŝinoj. Ili iam estis en la tuta valo.

Tréfimétaux, Porcher, Cellatex, Arthur Martin Electrolux kaj multaj aliaj...

La loĝantaro de la departemento estas hodiaŭ pli malalta ol antaŭ du jarcentoj, malpli ol 10% en unu generacio. La mortokvanto estas pli malalta ol la naskokvanto.

Kaj tamen, kia riĉeco ĉi tie!

Ni alvenas ĝustatempe por mallonga promenado en la piediraj stratoj kaj, en nur kelkaj minutoj, ni sinsekve renkontas Bruno, Michèle, Véronique, Maya... delongajn amikojn. La ŝanco estas agrabla, kiu metas ilin sur nian vojon.

Dum nia restado en Ardenoj, ni renkontos pli ol dudek konatojn, amikojn aŭ familianojn, ĉu hazarde ĉu ĉar rapida telefonvoko permesis al organizi rendevuon por trinkaĵo aŭ komuna manĝo.

Ni loĝas ĉe Isabelle kaj Christian ĉi-vendredon, amikoj. Ili invitis aliajn, kiuj estas komunaj al ni por la vespero. Ni estas ok ĉe la tablo.

Vendredo, kelkaj rendevuoj, amikinoj, frizisto, belistino por Véro.

Christian iris al laboro per biciklo kaj pruntedonis al mi sian aŭton, por ke mi pli facile iru al mia amiko André Cordier, la bicikloreparisto de Revin. Li riparas miajn bremsojn, kaj ĉi-foje ĝi funkcias ! Ni vidas unu la alian malpli ol unu fojon jare, li kaj mi, ĉar ni nun loĝas en Normandio, sed mi ne preterpasus Revin sen devojiĝi al lia vendejo. Lia resona ridado estas plezuro por mi, lia kompetenteco kaj lia disponebleco estas altvaloraj por mi. Li ŝatas sian laboron kaj ĉiam trovas solvon al ĉio.

Ĉi-vendredon, ni dormas ĉe Jean-Yves kaj Marie-Ange, en Belval. Ili estas de tridekjaraj niaj amikoj. Ili loĝas nur kelkajn kilometrojn de ĉi tie. Se la jaŭda etapo estis, mi kredas, la plej longa de nia vojaĝo, la hodiaŭa etapo devus maale esti la plej mallonga. Ni ne forlasos Charleville antaŭ la fino de la posttagmezo, post kiam ni estos trinkitajn kun amikoj sur unu el la terasoj de Placo Ducale.

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3 Voyages | 233 Étapes
6 Rue Etienne Lancereau, Charleville-Mézières, France
96e jour (01/09/2022)
Liste des étapes

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