Au Moyen Âge, Ajaccio n’était qu’un territoire rural appelé en italien piève (piévi en corse), c’est-à-dire un diocèse en français, un territoire placé sous l’autorité de l’Église. À cette époque, il ne s’agissait tout au plus que d’un petit village.
Il faudra attendre le XIIIᵉ siècle pour que la ville commence réellement à se développer. Cette période correspond à la victoire de la République de Gênes sur la République de Pise, deux puissances maritimes qui s’affrontaient depuis le XIᵉ siècle pour le contrôle de la Corse. La défaite décisive de Pise lors de la bataille navale de Meloria en 1284 consacre la domination génoise sur l’île.
À la suite de cette victoire, les Génois tentèrent de bâtir sur le site d’Ajaccio une place fortifiée, appelée Castel Lombardo, destinée à résister aussi bien :
aux puissances européennes rivales (notamment les Pisans vaincus),
aux incursions extérieures, comme celles des pirates sarrasins (VIIIᵉ – XIᵉ siècles),
qu’aux révoltes des seigneurs corses eux-mêmes, souvent hostiles à la domination étrangère.
Cependant, ce projet échoua en raison de la vive opposition armée des seigneurs locaux, qui y voyaient une tentative de réduire leur pouvoir et de les affaiblir. Ce n’est finalement qu’en 1492 que les Génois réussirent à fonder de manière durable la ville d’Ajaccio telle qu’on la connaît aujourd’hui, en édifiant une véritable cité fortifiée. Cette fondation marque le début de l’Ajaccio génoise, base militaire et colonie maritime destinée à asseoir leur autorité sur la Corse.
Aujourd’hui, Ajaccio est considérée par beaucoup comme la capitale de la Corse, alors qu’en réalité elle ne l’est pas. La confusion est néanmoins compréhensible pour plusieurs raisons :
Une puissance démographique : il s’agit de la ville la plus peuplée de l’île de Beauté avec plus de 75 000 habitants, ce qui en fait la première force démographique de la Corse.
Un centre administratif : depuis 1811, à l’initiative de Napoléon Ier, Ajaccio est devenue le centre administratif de la Corse, au détriment de Bastia qui l’était sous la République de Gênes. La ville accueille en effet la préfecture de Corse-du-Sud ainsi que la préfecture de région. On y trouve donc la majorité des directions régionales des services de l’État et des administrations publiques.
Un rôle politique renforcé : Ajaccio est également le siège de l’Assemblée de Corse et du Conseil exécutif de Corse, qui ont retrouvé un certain pouvoir depuis la loi de 1991 conférant à l’île un statut particulier de collectivité territoriale unique. Traditionnellement et encore officiellement, l’Assemblée siégeait à Corte, qui fut d’ailleurs la capitale de la Corse sous Pascal Paoli. Mais aujourd’hui, pour des raisons pratiques, elle se réunit à Ajaccio, faisant de cette dernière la capitale politique de la collectivité de Corse.
Un prestige historique et symbolique : Ajaccio est la ville natale de Napoléon Bonaparte. Elle est ainsi passée du surnom de « cité du Corail », en raison de la pêche au corail rouge pratiquée vers la presqu’île de la Parata, à celui de « cité impériale », en hommage à l’empereur né sur ses terres.
La réponse est juridique et constitutionnelle. La Corse étant un territoire français, elle est régie par les mêmes lois et la même Constitution que l’ensemble du pays. Or, la Constitution française ne reconnaît qu’un seul peuple — le peuple français — et un seul territoire national — la France. Un Corse est donc un Français, et sa capitale n’est autre que Paris.
Cette conception constitutionnelle a suscité des tensions, car elle apparaissait à beaucoup de Corses comme une négation de leur histoire et de leur identité. Ainsi, dans sa décision relative à la loi de 1991 portant sur le statut particulier de la collectivité territoriale de Corse, le Conseil constitutionnel a rappelé que la Constitution ne reconnaissait qu’un seul peuple, le peuple français, rendant impossible la reconnaissance officielle d’une capitale corse.
Désormais place aux 8 hauts lieux visités dans cette ville :
Avant tout, je dois préciser que mon analyse est amatrice : je n'ai jamais suivi d’études d’architecture ni d’histoire de l’art. J’essaierai néanmoins de vérifier au minimum ce que je dis. Je ne décrirai que les églises que je considère personnellement comme uniques, c’est-à-dire que je n’en ai jamais vues auparavant, et je suis plutôt « vierge » des églises méditerranéennes. Ainsi, j’aurai quelques-unes à décrire au cours de ce beau voyage.
L’église Saint-Roch d’Ajaccio est une superbe église de style néoclassique, c’est-à-dire une église qui tente de renouer avec le style « antique » que l’on retrouve chez les Romains ou les Grecs dans l’Antiquité. En Méditerranée, cela se traduit par des colonnes sculptées, mais aussi par un grand fronton triangulaire servant de toit principal à l’édifice, ainsi que par des couleurs vives, souvent ocres, beiges ou orangées. On peut également relever une forme de simplicité dans les églises de style néoclassique : le principe est de revenir aux « sources », avec un édifice simple, sans trop de formes ni de détails. Les temples néoclassiques étaient souvent épurés, carrés ; ils n’étaient pas grossiers ni vilains, mais simplement simples.Maintenant, analysons l’extérieur de l’église Saint-Roch d’Ajaccio :Elle possède une façade néoclassique symétrique composée de trois travées séparées par des colonnes doriques en avant-corps. La travée centrale est dotée d’un grand portail et de deux baies rectangulaires allongés terminés en arc plein cintre ; il s’agit de la zone centrale de l’église, la nef, l’allée centrale. Les deux autres travées, plus modestes, n’ont que de petites portes surmontées de frontons triangulaires et ne possèdent pour vitraux que de petits oculus.L’étage de l’édifice est séparé du rez-de-chaussée par une corniche importante. Bien qu’il reste semblable à ce dernier, il se distingue par la présence, en son centre, d’une grande baie en plein cintre composée non seulement d’un demi-cercle supérieur parfait, mais aussi d’un demi-cercle inférieur, formant ainsi un rectangle allongé encadré par deux demi-cercles. À ses côtés, on trouve deux baies en forme de niches.La toiture de l’édifice est un fronton triangulaire, à l’image des anciens édifices antiques, et est surmontée d’une petite croix chrétienne. Sur la travée de droite, un élément vient toutefois rompre la symétrie : le clocher, placé sur la travée latérale droite est en retrait. Il est de plan carré, composé de plusieurs étages superposés avec des baies de différentes tailles et formes : au premier étage, des oculus ; ensuite, des baies en arc plein cintre, qui doivent être les baies campanaires à hauteur et à superficie de la cloche donc ; enfin, de petites lucarnes dans la toiture. Cette dernière est en forme de dôme hémisphérique, très classique, surmonté d’un lanternon et d’une autre croix, la toiture est semble il, bleue ? Est-ce de l'ardoise bleue ? Je ne m’attarde pas sur le nombre important de corniches et de moulures d’avant-corps de couleurs blanches qui ajoutent beaucoup de profondeur à l’édifice contrastant avec sa couleur orangée. Quant aux couleurs, vous remarquerez les murs ocres ou orangés et les colonnes claires. C’est la première fois que je vois des églises comme celle-ci. Habitant de France métropolitaine, je les trouve très gaies et lumineuses !Sinon, je ne connais pas les dimensions exactes de l’église, je sais simplement qu’elle est de taille moyenne. Elle possède une nef et deux bas-côtés, probablement pas d’absides à ma connaissance, et se termine en cul-de-four.
L’intérieur de l’église est caractérisé par une grande simplicité et une décoration limitée, bien que je l’aie trouvé personnellement très jolie ! La nef est couverte d’une voûte en berceau, typique du style néoclassique, les bas-côtés sont séparés par des arcades reposant sur des piliers typique d'un plan basilical, mais il n’y a pas de transept ni de chœur distinct. L’absence de transept et de chœur suggère que l’église ne possède pas d’absides traditionnelles, comme mentionné précédemment. Le sol est couvert de dalles en damier noir et blanc.
Comme vous l’aurez remarqué, la Cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption d’Ajaccio ne paye pas de mine de l’extérieur. Elle est très sobre, avec une architecture simple : Lignes droites, pilastres cannelés, transition entre les travées secondaires et la travée principale par une courbe concave, un retrait vers l’intérieur légèrement arrondi à l'image d'un croissant de lune, surmonté de pots-à-feu décoratifs, et d’une petite croix au-dessus du fronton, une monotonie sans jeux de couleurs, et aucun vitrail, si ce n’est un en demi-cercle très simpliste ! La seule décoration visible, le M de la vierge Marie à moitié effacé, patronne de la cathédrale, avec ça, Nous aurions toutes les raisons de croire que cette église ne contient rien de bien impressionnant pour le voyageur contemplatif, et pourtant… si l’extérieur pourrait laisser penser à un style néoclassique, attendez de voir l’intérieur ! Il inscrit d’emblée cette église dans le style baroque : il explose de mille et une couleurs et vaut vraiment le détour. Je dirais que c’est l’une des plus belles églises de l’île de beauté !
De plus, cette église possède une forte dimension historique : il s’agit d’une cathédrale, c’est-à-dire le siège d’un diocèse, où réside l’évêque. Celui-ci est le supérieur hiérarchique de tous les prêtres du territoire et assure la direction spirituelle de la circonscription religieuse. En quelque sorte, cette cathédrale est la "big boss" Ajaccienne !
Par ailleurs, Napoléon y fut baptisé dans un baptistère en marbre blanc. Non loin de là, une plaque de marbre rose, fixée sur le premier pilier en entrant à gauche, rappelle les dernières volontés de l’empereur mourant : "Si l’on proscrit de Paris mon cadavre comme on a proscrit ma personne, je souhaite qu’on m’inhume auprès de mes ancêtres dans la cathédrale d’Ajaccio, en Corse."
La Corse a connu le style baroque à partir du XVIIᵉ siècle, surtout sous influence italienne, principalement la République de Gênes, mais l’île n’avait pas toujours les ressources pour créer des décors sculptés ou métalliques coûteux comme en Italie continentale.
Cette église n’est-elle pas splendide ? Le sol est en damier noir et blanc, et le plafond à caissons est orné de panneaux peints, décorés de motifs géométriques que je ne saurais identifier. Elle abrite un bel orgue de tribune sculptée, ainsi qu’un chœur et un maître-autel baroques, dotés de colonnes torsadées et d’un tabernacle. Derrière, se dresse une imposante peinture d’autel. On aperçoit également une coupole sur pendentifs, située au niveau du transept, peinte et décorée, qui ouvre la nef à la lumière. Dans les ailes secondaires, on distingue trois chapelles latérales, chacune dédiée à des saints secondaires : signe que cette cathédrale n’était pas seulement un haut lieu de culte catholique traditionnel voué à Jésus-Christ, mais qu’elle permettait aussi de rendre hommage, lors de rites privés, à des métiers ou des personnes particulières à travers leurs saints protecteurs.
On retrouve aussi la chaire à prêcher, qui permettait au prêtre d’enseigner l’assemblée, ainsi que de nombreux lustres en cristal, de véritables lustres, à la différence d’autres effets peints en trompe-l’œil, et plusieurs statues.
À propos justement des trompe-l’œil : les observateurs attentifs auront remarqué que certaines textures paraissent étranges, comme si le métal semblait trop lisse, pas assez réfléchissant, trop uniforme, dépourvu de la brillance naturelle de sa surface. En réalité, en Corse, la plupart des églises recourent à des peintures murales ou à du papier peint pour imiter le marbre, les dorures ou les sculptures, plutôt que d’utiliser de véritables ornements en métal, en stuc ou en marbre, faute de ressources. On parle alors de décorations en trompe-l’œil, et cette cathédrale en est un des meilleurs exemples. Ce procédé permettait d’obtenir un effet riche et coloré tout en restant économique. Il ne faut pas oublier que la Corse, très croyante, était aussi un territoire pauvre, enfin, tout est relatif, ce qui est sûr, c'est qu'elle ne pouvait pas s’offrir les mêmes commodités luxueuses que les grands édifices du continent.
Au XVe siècle, la République de Gênes confia l’administration et la pacification de la Corse à l’Office de Saint Georges, qui choisit en 1492 le site d’Ajaccio pour y bâtir une citadelle. Édifiée sur la « Punta della Leccia », entourée par la mer sur trois côtés, elle offrait une position défensive idéale ainsi qu’un mouillage adapté aux navires de fort tonnage, les gros bateaux !
La première fortification, encore d’allure médiévale, comprenait une tour carrée, des baraques et des fossés. Occupée brièvement par les Français en 1553, la citadelle fut ensuite renforcée par l’ingénieur Giovan Giacomo Paleari Fratino, qui la sépara de la ville et l’intégra au système de défense côtière constitué des fameuses tours génoises contre les incursions turques.
La citadelle fut également le théâtre d’événements marquants, comme les troubles de la Pâques sanglante de 1792. Le 8 avril, une simple partie de quilles dégénère à Ajaccio et tourne à l’émeute. Les gardes nationaux, une milice révolutionnaire française commandée en partie par le jeune Napoléon Bonaparte, alors lieutenant-colonel, interviennent mais se heurtent à la population : un officier est tué et la tension monte. Le lendemain, des gardes retranchés tirent depuis la tour Saint-Georges sur des habitants sortant de la messe, faisant cinq victimes. Napoléon encourage ses hommes à tenir leurs positions en invoquant à tort un ordre de Paoli, ce qui alimente la méfiance à son égard. Finalement, le colonel Maillard, à la tête des troupes régulières, parvient à rétablir le calme.
Cette affaire laisse une rancune durable : Napoléon est accusé d’avoir été le principal instigateur de ces violences. Pourtant, il n’est jamais sanctionné, malgré sa possible responsabilité. Son statut de fils de notable et son appartenance à l’élite militaire française l’ont sans doute protégé. Toutefois, il convient de rappeler que ses principaux accusateurs étaient la famille des ''Pozzo di Borgo'', puissants rivaux de la famille Bonaparte. Leur influence se manifeste encore aujourd’hui à travers le château de la Punta, dominant Ajaccio et son golfe, symbole éclatant de leur puissance passée. Défenseurs fervents de la foi catholique et des idéaux de Pascal Paoli pour une Corse indépendante, ils s’opposaient frontalement à Napoléon, jeune officier corse partisan des acquis révolutionnaires, agnostique vis-à-vis de la religion et partisan du maintien de la tutelle française sur l’île. Dans ce contexte, Napoléon devenait une cible toute désignée : son positionnement politique, ses ambitions et son statut en faisaient un personnage suspect aux yeux des notables corses, qui pouvaient être mus aussi bien par la jalousie que par le sentiment d’une véritable trahison de sa patrie d’origine.
L’utilité de la citadelle d’Ajaccio est avant tout militaire. Il s’agit d’un bâtiment défensif construit comme centre de commandement, destiné à prévenir et repousser d’éventuels assauts ennemis, mais aussi à stocker des ressources sensibles telles que la poudre à canon, les armes ou même du grain pour l’approvisionnement des soldats. Elle pouvait accueillir une garnison en réserve, des ''réservistes'' prêts à intervenir en cas d’attaque. Au-delà de cette fonction militaire, la citadelle avait également une valeur administrative puisqu’elle représentait la présence permanente de l’armée dans la ville, presque comme une ambassade militaire. Cela la distingue d’un fortin, petite structure militaire isolée, et d’un fort, qui en est une version plus développée capable de fonctionner de manière autonome mais qui n'est pas forcément rattaché à une ville.
Sur la photo, on distingue les remparts bastionnés hauts d’une dizaine de mètres environ, construits en pierre de taille et de moellon, probablement du calcaire vu leur blancheur, ainsi que le chemin de ronde emprunté autrefois par les gardes. On aperçoit aussi une échauguette, ce petit poste de guet en encorbellement placé à l’angle du bastion, qui permettait de surveiller les abords à l’abri des intempéries et de tirer par une meurtrière en restant protégé, un avantage essentiel en cas de siège. Plus bas, on devine le fossé aujourd’hui en partie comblé et envahi par la végétation. Les murs apparaissent épais et inclinés et le terrain a été remodelé grâce à des talus artificiels qui surélevaient la citadelle par rapport à son environnement, procédé caractéristique de l’architecture défensive de l’époque. Plus loin encore, on distingue ce qui pourrait être la maison du commandant ou un bâtiment de réserve, aujourd’hui dissimulé par la végétation et inaccessible, tout comme de nombreuses parties de la citadelle, qu’il s’agisse des souterrains ou des hauteurs.
Contrairement aux citadelles de Calvi ou Bonifacio, celle d’Ajaccio n’a pas été pleinement réhabilitée. Aujourd’hui, seule une petite partie est ouverte au public, avec un restaurant et quelques commerces accolés aux remparts, sans grand intérêt. Des photographies montrent cependant qu’autrefois, certains visiteurs pouvaient accéder aux souterrains ou pénétrer à l’intérieur de l’enceinte, preuve que la citadelle fut par le passé accessible, cependant à en croire les avis, ils jugeaient l’endroit insalubre et impropre à la visite. Pourtant, le potentiel touristique demeure considérable, car une citadelle située au cœur d’Ajaccio, ville très fréquentée par des visiteurs qui ne souhaitent pas toujours parcourir l’intérieur des terres, offrirait une attraction de premier plan, même s'il faudrait des travaux colossaux.
La citadelle d’Ajaccio adopte une forme polygonale irrégulière qui pourrait être comparée à une étoile difforme, et encore, il s'agit uniquement de mon avis qui s'approche plus de la fumisterie. Elle n’est ni carrée, ni rectangulaire, ni symétriquement étoilée comme certaines fortifications continentales voire celle de Calvi. On y trouve environ cinq bastions principaux disposés en saillie et reliés par des courtines droites de longueur inégale, les angles saillants permettant de pratiquer des tirs croisés qui couvrent chaque courtine et éliminent les zones mortes. La construction épouse le relief naturel du littoral, ce qui explique ses nombreux côtés, plus d’une vingtaine, et ses contours atypiques. On devine une architecture pragmatique, réalisée avec les moyens limités, ce qui n’empêche pas son efficacité. Cette citadelle est simpliste, construite avant les grands travaux de Vauban aux XVIIe siècle. Celui-ci donnera aux places fortes une géométrie beaucoup plus élaborée et une organisation défensive perfectionnée. Ajaccio témoigne donc d’un état antérieur, représentant les prémices de l’art de la fortification moderne en Corse par les Italiens.
Au cours de mon voyage, je visiterai une pléthore de lieux de repos et de mémoire liés aux défunts, que ce soit volontairement, comme le cimetière marin de Bonifacio, connu nationalement, ou de manière involontaire, lors de randonnées en campagne où les chapelles funéraires bordant les routes sont omniprésentes. Cela m’amène à vous partager une infime partie de ma réflexion personnelle sur les rites liés à l'inhumation.
Tout d'abord, le cimetière marin d'Ajaccio a été bâti en 1830 par Jérôme Maglioli, architecte de métier, qui le conçoit par obligation. En effet, avant 1820 et quelques années, les défunts étaient inhumés selon des coutumes anciennes sous les dalles des églises ou dans leurs abords immédiats. Cependant, ce genre de pratiques causait occasionnellement des épidémies et soulevait de grandes problématiques d’hygiène. De plus, vis-à-vis de l’urbanisation, cela constituait un véritable casse-tête : lors des travaux, les ouvriers pouvaient à tout moment tomber sur un cadavre enfoui, représentant un danger évident pour la salubrité et la santé publique de la commune. Il fallait donc réglementer tout cela, car les us et coutumes ne suffisaient plus face à l’expansion de la population et, inévitablement, à l’accroissement du nombre de défunts. Ainsi, dès 1804, sous le Premier Empire, Napoléon Ier obligea les communes à créer des cimetières en dehors des murs de la ville. Mais les communes rechignèrent, jusqu’à ce qu’il devienne plus coercitif en infligeant des sanctions à celles qui ne se plieraient pas à ces nouvelles normes d’hygiène.
Les sépultures vont alors devenir de véritables marqueurs sociaux, illustrant la réussite des familles patriciennes plus encore qu’auparavant. Car avant, si certaines familles disposaient déjà de tombeaux funéraires familiaux sur des terrains privés, le long des routes ou à proximité des villages, la majorité du petit peuple, et même des personnes aisées, n’en avaient pas et étaient enterrés, comme dit précédemment, avec la masse près des églises. Mais depuis l’obligation napoléonienne de créer des cimetières publics et d’y faire enterrer tout le monde, les édifices funéraires vont se populariser. Un phénomène d’offre et de demande émerge, et naturellement, une grande partie du peuple corse aisé de l’époque, les petits bourgeois, qui auparavant n’étaient pas contraints de se construire un tombeau familial, vont être poussés à le faire, même dans sa forme la plus simple, car cela engageait leur réputation personnelle. Même si les tombeaux n’étaient pas obligatoires, il devenait nécessaire d’être enterré dans un cimetière, près des tombes d’autrui. Alors, si les Corses pouvaient avoir leur tombe personnelle, c’était toujours un mieux.
Ainsi, dans ce cimetière, on retrouve de très jolies caveaux alignées, Ce ne sont pas de simples tombes comme en France, mais de véritables petites pièces où sont inhumées les cendres d’un individu, voire de toute sa famille. Comprenez qu’en France aussi, chaque cimetière possède ses caveaux familiaux, des tombes plus imposantes. Mais en Corse, dans les cimetières marins et, de manière générale, le long des routes, le grand caveau est la règle et la petite tombe l’exception. En réalité, ce n’est sans doute pas vrai partout, mais cela l’est au moins dans ces grands cimetières marins historiques., généralement en marbre blanc ou en roches claires, comme le calcaire. On y voit aussi beaucoup de mosaïques et de céramiques, et souvent une vue sur la Méditerranée. Cependant, contrairement à l’idée populaire liée à leur nom, les cimetières marins ne sont pas exclusivement destinés à des marins ayant subi des naufrages ou d’autres sinistres naturels. En réalité, il s’agit en majorité de citoyens ajacciens terrestres, et même, souvent, de bourgeois qui, pour la plupart, n’avaient jamais pris la mer dans la peau d’un simple marin.
À l'horizon, la jonction entre le ciel et la terre, la montagne et la mer, s'offrant comme une invitation à l'exploration, comme ci la Corse toute entière disait à l'étranger solitaire : Je t'ouvre la porte de ma maison, vas-tu demeurer sur le perron ? Vas-tu rester à Ajaccio ? Seul un fou prétendrait connaître un pays dont il n'a parcouru qu'un seul hameau...
Extrait du journal d'un montagnard #