- Vous entendez les bribes de mémoire de quelqu'un ayant vécut ici, s'étant tenu debout à votre place en ces lieux :
Enfin, vous voilà ! Le gardien de la tour vous attend. Il vient à notre rencontre pour vous faire visiter son domaine. À travers le maquis, il vous dira l'histoire de ces paysages. Voulez-vous le suivre ?
Bonjour, on m'appelle Antò. Je suis originaire du village de Fuzzà. Voilà déjà quatre siècles, que je veille sur la tour de Campumoru. Je commence à me faire vieux. J'en ai vu défiler des gens et des époques ! Mais si mon corps est usé, ma mémoire reste vive. Aussi quand je contemple les paysages d'aujourd'hui, je sais y reconnaître les traces de la vie d'autrefois. Alors, prêtez-moi votre épaule pour gravir cette colline qui ne cesse de m'enchanter et profitez de ma mémoire.
C'est vrai, le maquis a pris le dessus. Les cistes ont grignoté les cultures et les murets disparaissent sous les lentisques. Les temps changent... mais le maquis reste notre complice. C'est avec le myrte qu'est tressé l'arc de mariage: symbole d'amour, d'abondance et de félicité. Mais ici c'est le genévrier qui domine. Ses feuilles sont si douces qu'on le reconnaît les yeux fermés. Son "bois de fer" a servi à fabriquer des charpentes qui défient le temps. En hiver ses baies font le régal des merles et des grives.
Entre la pierre et les habitants de cette île, c'est une longue histoire. Une histoire jalonnée de menhirs, de bergeries, de chapelles et de tours. Choisir la roche n'est pas le plus difficile ; elle doit être dure et bien saine. Il faut surtout savoir trouver "le fil" et y enfoncer des coins de métal pour obtenir une cassure nette et profonde. Des blocs de forme régulière sont alors débités. Pour bâtir, on empile ces "quadris", avec des joints faits de petits éclats de granite ou liés par de l'argile ou un mortier de chaux.
C'est comme un lien invisible. Qui me rattache à l'arrière-pays et aux montagnes de l'Alcudine, à l'horizon. C'est que les gens d'ici sont venus de là haut. De Zicavu, de Fuzzà... À l'automne, pour la transhumance, les bergers descendaient du plateau du Cuscione avec leurs troupeaux de chèvres ou de brebis. Ils semaient des céréales et s'abritaient dans des cabanes de branchages d'arbousier ou de myrte. Car ces terres du bord de mer n'étaient pas les leurs. Elles appartenaient en entier à quelques familles de grands propriétaires : les "sgio"., ce sont ceux qui employaient les paysans sur leurs terres.
Le feuillage argenté de ces oléastres résonne encore des rires et des chants des jeunes récolteuses d'olives. Il fallait greffer les cliviers sauvages pour pouvoir les cultiver; ensuite les arbres produisaient tous les deux ans. En hiver, quand les fruits étaient mûrs, on nettoyait le sol pour faciliter le ramassage. Au moulin, les olives étaient broyées sur la meule et la première pression donnait la meilleure huile, celle pour la cuisine. Avec la dernière, l'huile d'enfer, on s'éclairait ou l'on fabriquait du savon.
Le maquis est trompeur. Mais je l'observe depuis longtemps et je peux vous dire quelle force cachent ces arbrisseaux qui couvrent les collines. Lentisques ou filaires, oléastres ou arbousiers, toujours verts, ils résistent : à la sécheresse de l'été, aux vents et à l'air marin. Ils ont besoin de temps et s'ils ne sont pas la proie des défrichements et des feux, ils peuvent alors devenir arbres. Comme ce chêne vert! Comme ce genévrier qui plonge ses racines au coeur du rocher. Sous leur ombrage s'est formée la terre noire, celle de la forêt.
Qui a bâti cette muraille de géant? Sans doute cet empilement de rochers est-il l'oeuvre de la terre et du temps... Mais ce rempart naturel me rappelle ces citadelles venues du fond des âges, que dans la région on nomme torri ou casteddi. Servaient-elles de fortification, de grenier, ou d'habitation, aux anciens habitants de notre île ? Vittorio, le pêcheur napolitain qui sait pêcher la murène en frottant le poulpe sur les rochers, m'a raconté I en avoir vu de semblables en Sardaigne et aux lles Baléares.
Au 16 siècle, l'insécurité règne sur les mers et les rivages de la Corse : la piraterie barbaresque sévit et les terres littorales sont désertées. La république de Gênes décide de bâtir un réseau d'une centaine de tours de surveillance et de défense le long des côtes et les populations sont mises à contribution pour financer leur construction. En 1586, une année de travaux suffit pour édifier la tour et son enceinte. Cette petite place-forte est la plus massive des tours littorales de l'île.
Défendre le chantier Dès qu'ils voyaient une tour s'édifier, les turcs attaquaient. Les exemples étaient nombreux : Porto Pollo, Cargèse ou à Lacciolo dans les Agriate où Maestro Angelo Aicardo fut pris et qu'on ne revit jamais. On prépare la défense : levées de terre et talus protègent cette fortification légère défendue par la troupe et des pièces d'artillerie, venues de Bonifacio à bord d'une caravelle.
Rachats de captifs : Juste après la razzia, les navires barbaresques viennent mouiller devant certaines plages bien connues comme Campomoro ou Capitello près d'Ajaccio. C'est là que des émissaires corses tentent de négocier le rachat de captifs avant que ceux-ci ne soient emmenés en esclavage de l'autre côté des mers. Bien peu seront rachetés en définitive.
Descente barbaresque : En cette fin du 16e siècle, l'insécurité règne sur les mers et les rivages de la Corse: la guerre de course barbaresque sévit et les terres littorales sont désertées. La Corse se situe à la jonction des deux Empires méditerranéens, turc et espagnol. C'est sur cette frontière mouvante, entre Méditerranée occidentale et centrale, que se déroule l'essentiel de l'affrontement.
Sac de Sartène : Le 24 mai 1583, Hassan Veneziano, Roi d’Alger, débarque à Tavaria à la tête d’une trentaine de navires dont dix-huit galères. Avec mille cinq cents hommes, il marche sur Sartène qu’il atteint à l’aube. La ville est prise, en partie incendiée, et cinq cents hommes, femmes et enfants sont emmenés en captivité. Le traumatisme est tel que l’on décide de bâtir plusieurs tours dont celle de Campomoro.
Effondrement : La construction va bon train. Pourtant en novembre, un morceau de la tour s’effondre. Il faut dire qu’il pleut depuis des semaines et que les bâtisseurs se plaignent de la qualité de la chaux. La période est marquée par de terribles tempêtes et d’importantes chutes de neige liées à “au plus rude hiver qu’il ait été donné de connaître depuis de nombreuses années” aux dires de Carlo Spinola.
Place forte : Il n’a fallu qu’une année pour bâtir la tour et son enceinte. Mais Campomoro n’est pas une simple tour de surveillance, comme la plupart de celles qui ceinturent les côtes de l’île. Giorgio Centurione, Commissaire extraordinaire en Corse en 1604, considère qu’elle est une des rares places défendables de l’île avec Calvi et Bonifacio.
A l’aventure : En octobre 1585, deux turcs restés à terre lors d’une précédente razzia volent la gondole. Cette embarcation servait au ravitaillement du chantier en vivres et en eau ainsi qu’au transport du courrier jusqu’à Ajaccio. Les bâtisseurs de la tour sont tenus d’envoyer des rapports réguliers au gouverneur de Bastia : les missives sont alors confiées « à l’aventure » à des bateaux de passage pour prendre en chasse ces filous.
Corsaires ou forbans ? Ils n’étaient pas des pirates, mais des corsaires combattant au nom d’une foi, certes ennemie de la Chrétienté, et la course, distincte de la piraterie, respectait un certain nombre d’accords internationaux…
Il convient de souligner la différence essentielle, entre le pirate « sans foi ni loi » appelé plutôt forban en Méditerranée, et le corsaire qui, au Maghreb, n’existe précisément qu’en vertu de la foi et en respectant la loi. La course repose, en effet, sur deux principes fondamentaux : Elle est une des formes militaires de la guerre pratiquée par le Maghreb contre les États chrétiens, ce qui lui confère une dimension à la fois légitime et religieuse ; elle s'exerce dans un cadre défini par un État assez fort pour en édicter les règles et en contrôler l’application.
La puissance Turque : Trois siècles d’efforts répétés et de longues luttes sont à l’origine de la grandeur turque. Ceux que l’on appelle les Turcs viennent d’Asie centrale. Leur premier empire est détruit en 1292 par les Mongols de Gengis Khan, appelé dès lors les Coumans ou Kiptchak. Puis une de leurs tribus, dite des Ottomans, se déplace vers l’Ouest, se rend progressivement maître d’une grande partie de l’Asie mineure et pénètre dans les Balkans. Le monde balkanique est divisé : Byzantins, Serbes, Bulgares, Albanais, Vénitiens, Génois se combattent. Orthodoxes et latins sont aux prises.
Les Turcs bousculent un monde extrêmement fragilisé par un système social dur pour l’homme : « la conquête, fin des grands propriétaires, maîtres absolus sur leurs terres et, à certains points de vue, la libération des pauvres diables ». En Chypre, en Sicile ou en Corse, on rencontre des « pauvres diables » prêts à se faire corsaires, plutôt que de rester sous la coupe des Seigneurs ou de mourir de faim. Partout les Turcs coupent les routes patiemment créées par les puissances commerciales du nord de l’Italie.
L’empire Byzantin se réduit à Constantinople, qui est finalement prise en 1453. La Syrie, puis l’Égypte sont soumises en 1517 et les Ottomans finissent d’occuper la moitié orientale de la Méditerranée, réduisent la Morée, débouchent sur l’Adriatique, conquièrent la Bosnie et l’Herzégovine. Ils prennent même pied en 1480 en Italie, s’installant un temps à Otrante dans les Pouilles. L’Occident s’affole. Le pape et Venise lancent les bases des alliances futures.
Pourtant cet empire en expansion occupe désormais ses limites maximales. Il se heurte à l’Est comme à l’Ouest à « des rivaux dignes de lui » : la monarchie perse et l’empire de Charles Quint. Qui de ce fait, c’est à la jointure des deux empires méditerranéens, c’est-à-dire en Espagne, frontière mouvante entre Méditerranée occidentale et centrale, que se déroulera l’essentiel de l’affrontement.
Les régences barbaresques : Alger et Tunis deviennent des cités vassales de l’empire ottoman. Les États barbaresques du Maghreb (les Régences Barbaresques) se sont renforcés avec l’arrivée des Morisques chassés d’Espagne de 1492 à 1609, par Isabelle de Castille et Ferdinand le Catholique : ils constituent une excellente main-d’œuvre pour le contrôle de la Méditerranée occidentale et également le développement de la course barbaresque, forme supplétive de la grande guerre, particulièrement exacerbée de 1580 à 1650. Cette course n’est pas faite que par des musulmans, l’exemple le plus célèbre de la chrétienté étant celui de l’Ordre de Malte.
Les bâtisseurs : Domenico Pelo, ingénieur napolitain, va présider à la construction de la tour de Campomoro. Quelle était sa fonction exacte, sa spécialisation ? Était-il architecte, ingénieur, cartographe ? Il est pratiquement impossible de répondre à cette question pour lui comme pour pratiquement tous ses contemporains. Il a visité la Corse de chantier en chantier, en visite de commissaire, dessinant des plans ou des élévations d’édifices comme la tour de la Giraglia ou celle de Calvano, mais aussi un plan de la fortification de Bastia, et cette grande carte de la Corse, dont font état les commissaires sindicatori lors d’une de leurs visites, et que nous n’avons pas retrouvée. Il est sans doute dans un temps ou tout reste flou, , un peu tout cela à la fois, comme Giorgio Cantone, le maître d’œuvre de la tour que l'on qualifiera ailleurs de menuisier, il faut comprendre qu'à l'époque, les qualificatifs d'architectes sont réservés à une noblesse qui suit une formation pluridisciplinaire, ainsi souvent, les architectes ne sont pas qu'architecte, mais aussi maître d'œuvre, ingénieur et j'en passe..
Carlo Spinola, officier génois a participé à la guerre de Sampiero en 1564 en venant de Tassorolo. C’est un homme sûr en tous cas. Il est nommé commissaire à la fabrication de la tour de Campomoro et suivra sa fabrication du début à la fin.
Pasquale (fils de maestro Giovanni) Pozzo di Borgo, notaire chancelier, est alors l’un des principaux personnages de l’île. Il a été notamment chargé, dans le cadre de la constitution d’une notabilité dans le Sud de l’île (élection des Nobles VI), de dresser une liste de personnes pouvant participer à ladite élection et a lui-même été nommé orateur du Delà-des-Monts (la Corse du Sud). Il reçoit pendant la construction de Campomoro un traitement équivalent à celui des maîtres maçons.
Giorgio Cantone fait partie de la « maestranza » de la tour. Il a déjà participé à différents travaux : à Ajaccio, en février 1584, il a proposé un plan pour la construction de la chapelle de la citadelle et dans le même temps pour l’édification du Pont du Golo, un des grands projets de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. Après avoir élaboré le plan de la tour de Campomoro à l’été 1585, il s’éclipsera un temps pour se rendre à Bonifacio où il présentera un projet pour restructurer un des édifices publics de la cité, et peu après à Ajaccio, puis reviendra finir le chantier de Campomoro.
Les ouvriers : La liste fait aussi apparaître une vingtaine d’ouvriers (travagliadori), de gâcheurs de chaux (impastatori) et de terrassiers (rompitori) et 16 femmes (donne travaglianti), des insulaires (pour celles que nous connaissons de Vico, Bocognano, Zevaco, Peri, Poggiale) généralement chargées du transport des objets lourds. Tous sont payés au mois.
Le matériel embarqué : Le matériel embarqué au cours des premiers voyages est divers. Des armes : hallebardes (labarde), arquebuses (archigubi), un baril de poudre, des boulets de canon, des balles de plomb, de la mèche, deux canons de bronze (smerigli), tout d’abord. Puis des outils gros : des tenailles, une masse, une enclume (ancudine di ferro) et des petits (conni, aggiole), de grosses pioches usagées (zape larghe vechie), de gros pics (picconi), des serpes (rostaglie), des masses. Des sacs et des sachets comme dans les entreprises de construction. De la nourriture, sous la forme de biscuits et de vin, le reste devant être trouvé sur place, ce qui se révélera, au cours d’un hiver désastreux, presque impossible. Au fond, tout ce qui sert au cours d’un séjour loin de tout. Des matériaux enfin, surtout des briques (mattoni) pour la fabrication de la citerne mais aussi d’un four.
Nous apercevons beaucoup de tours, bâties de distance en distance, sur les bords de la mer. On nous dit qu’elles avaient été construites pour mettre des fanaux, afin d’avertir les habitants que des corsaires descendent auprès des côtes, ou pour empêcher la descente de ces pirates, ou pour se retirer loin dans les terres profondes en ayant le temps de réunir famille et effets personnels. La Corse est presque pleine de ces tours dans tout son circuit, à commencer, depuis celui qui est à la pointe du Cap-Corse jusqu’à Porto Figari, vers Bonifacio.
La Corse, dès le début du XVIe siècle et jusque dans la deuxième décennie du XVIIe siècle, s’est dotée d’un système de protection de son littoral, constitué d’un réseau de défenses, des fortins, d’un réseau d’une centaine de tours. Le réseau remplace l’armement d’une flotte de bâtiments de guerre, condition coûteuse et peu efficace.
Doria le commissaire en Corse, 1533 : ''L'an passé, les Corses ont armé des fustes pour la défense contre les infidèles et le Magnifique Office de Saint Georges a fourni l'argent nécessaire. Il est notoire que cet armement n'a été d'aucun profit et si j'avais été à Gênes lors des délibérations, j'aurai fait connaître mon sentiment et démontré l'inutilité de ces dépenses. Il serait plus utile de construire des tours aux meilleurs endroits, le long de la mer. Elles serviraient de vigie et de protection aux fustes et même aux paysans qui travaillent sur les plages et risquent d'être capturés pendant leur sommeil.''
Ainsi, faute de pouvoir fermer la mer, on s’enferme. La Corse, comme l’Italie voisine, comme la plus grande partie de la Méditerranée alors, se hérisse de fortifications. En 1571, la création d’un Magistrato particolare laisse à penser que Gênes s’engage dans une voie plus dirigiste. Mais le bilan que l’on peut dresser de son action lors de sa disparition, moins de dix ans plus tard, est très nuancé. C’est finalement sous la direction de l’Office de Corse, qui la remplace en 1580 et au plus fort de la course turque, que seront construites la plus grande partie de la centaine de tours qui ceignent l’île. Les dernières seront achevées autour de Bonifacio à la fin des années 1610.
La solution choisie pendant toute la période génoise est donc la fortification, la défensive, le repli, la plus mauvaise possible car Gênes, une fois de plus se contenté d’une gestion au coup par coup. À peine édifiées, les tours se révèlent difficiles à défendre. Certaines sont régulièrement attaquées. D’autres, mal entretenues ou mal construites, s’effondrent. Il faut sans arrêt en réparer une partie voire tout reconstruire. Les torregiani dépendant des communautés sont plus souvent choisis parmi les improductifs, trop jeunes ou trop vieux. Quant au personnel génois, il est chaque année plus réduit.
Description d'une galère Turque en 1543 : Chaque galère compte 24 bancs de chaque côté, à raison de 3 hommes par banc, ce qui fait 144 rameurs au total, auxquels il faut ajouter 60 marins, dont 18 officiers mariniers. L’effectif total de chaque galère est donc de 204 hommes. À cette époque, les galères de Méditerranée n’ont qu’un seul mât de mestre, gréé d’une seule voile latine.
Elles utilisent largement la voile et n’ont recours à la chiourme que pour le combat ou les manœuvres. L’armement est également une pièce de gros calibre, le coursier, tirant dans l’axe du navire et envoyant des boulets de 50 livres. Les soldats embarqués et logés dans l’espèce de château de proue, sont armés plus légèrement chez les Turcs. Ceux-ci utilisent encore le service d’archers, dont les traits étaient efficaces dans le combat rapproché, alors que les chrétiens utilisent déjà massivement les armes à feu individuelles, arquebuses et pistolets. De toute façon, toute bataille navale se termine par l’abordage et un combat d’infanterie, où triomphe la valeur individuelle des soldats embarqués.
La galère, plus maniable que le galion, plus rapide également, possède néanmoins plusieurs défauts. Ce n’est à vrai dire qu’une grosse barque, incapable de porter du ravitaillement pour une campagne prolongée. Elle doit être accompagnée de vaisseaux ronds, qui lui fournissent le soutien logistique nécessaire, ses cales contenant au plus les réserves indispensables de boulets, de balles et de poudre. Cette servitude est inhérente à la galère qui embarque un personnel important, les chiourmes, qui doivent être convenablement nourries pour être efficaces, consomment de grandes quantités de vivres (biscuit, riz et fèves). C’est pourquoi les Turcs, dans la mesure où ils veulent étendre leur domination à la Méditerranée occidentale, ont besoin d’un allié sûr, capable de les ravitailler. Le pillage des côtes est parfois efficace et les habitants des régions côtières ont déserté les rivages.
Autre faiblesse de la galère : la nécessité de recruter des chiourmes. À partir de 1500, aucun État ne trouve plus une quantité suffisante de volontaires pour effectuer ce travail extrêmement dur et souvent mortel et les chiourmes sont composées, en grande partie, d’esclaves et de forçats, de Chrétiens chez les Turcs, de Musulmans chez les Chrétiens.
La Corse et la navigation en Méditerranée : La Corse offre à la puissance qui la possède une série d’atouts majeurs : Elle permet de couper les relations maritimes entre les possessions espagnoles et italiennes de Charles Quint (1504-1555), puis de Philippe II (1555-1598), empêchant des troupes de passer par exemple de Barcelone à Naples ;
À une époque où les marines sont en bois, la Corse est un immense chantier naval potentiel, riche en mâts que l’on fabrique à partir des pins laricio, nombreux dans les forêts de l’intérieur. La galère dominant encore en Méditerranée, un galérien consommant dix litres d’eau par jour lorsqu’il rame, la Corse s’impose comme une formidable base navale car elle est riche en source d’eau fraîche et pure, c’est une base réputée pour ses “aiguades”. Les flottes ont d’énormes besoins de “chairs” (c’est à dire de viandes) pour se ravitailler en vivres frais, la Corse est un véritable réservoir de bétail : Moutons, chèvres, porcs, sangliers, et d’oiseaux de toutes espèces en une île où le cheptel abonde ; les criques abritées de l’île constituent enfin des abris appréciés pour l’hivernage des flottes qui, en ces temps, ne naviguaient qu’à la belle saison.