Pendant des milliers d'années, la pluie et le vent ont érosé, c'est-à-dire usé progressivement la roche, lui donnant des formes particulières. Le granite est naturellement fissuré. L'eau a circulé dans les fissures et les a élargies. Avec le temps, les angles se sont arrondis, ne laissant plus que des boules empilées, comme on peut le constater aujourd'hui encore. Les taffoni du granite sont une véritable aubaine pour les populations. Dans cet environnement riche en eau, en bois et en terre arable, ils offrent des abris faciles à aménager : habitats, greniers, sépultures.
Taffonu en Corse signifie « trou ». Ces cavités se développent en s'agrandissant vers le haut par décomposition de certains grains plus fragiles, comme le mica. L'eau chargée de sels et le vent semblent jouer un rôle important dans la « taffonisation ».
Les murs de pierres sèches font partie du patrimoine rural. Ils ont été construits au fil du temps, avec les matériaux existants sur place, sans liant. Ces constructions ancestrales bordent les sentiers, délimitent les propriétés, ferment des enclos. Parfois, le mur s'interrompt pour laisser la place à un portail réalisé avec deux montants en bois évidés, vide au milieu, et quelques traverses que l'on cale dans le vide des poteaux de bois pour permettre le passage des animaux et des hommes.
En Corse, le châtaigner est très important : la castanéiculture s'est développée au Moyen Âge par la puissance Pisane et Génoise, qui imposaient aux populations la plantation de ces arbres. La châtaigne est progressivement devenue un aliment incontournable pour les populations rurales en Corse : pain, farine, gâteaux, elle se mettait partout. Un droit coutumier corse permettait même de devenir propriétaire d'un arbre sur un sol appartenant à une tierce personne ; il s'agissait de la propriété arboraire.
La châtaigne est un fruit aux qualités nutritionnelles incontestables ; elle constituait toujours la base de l'alimentation au 20ᵉ siècle dans les zones rurales. À Livia, dans les années 70, un marchand ambulant originaire d'Orezza arrivait avec de grands sacs de farine. Granaglioli (bouillie composée de farine et de lait), buttaciola (châtaignes bouillies), pulenta, friteddi (beignets) et chjoppuli (châtaignes sèches) étaient consommés quotidiennement.
Pascal Paoli lui-même avait déclaré : « Tant que nous aurons des châtaignes, nous aurons du pain ! »
Concernant les pins laricio, je ne répéterai pas ce que j'ai évoqué précédemment ; petit rappel néanmoins : ils sont utilisés depuis l'Antiquité par les différentes puissances maritimes, comme les Romains puis les Génois, pour fabriquer leurs mâts de bateaux. Nouveauté non précisée auparavant : leur bois est imputrescible et ne se développe que sur des substrats siliceux de la Méditerranée occidentale. Maintenant, quel est l'intérêt de créer des mâts de navire ?
Depuis le Néolithique, les populations de Corse entretenaient des relations avec la Sardaigne pour se procurer l'obsidienne et le silex. Rappelons que les gisements d'obsidienne sont très rares ; en revanche, l'obsidienne en elle-même ne l'est pas tant puisqu'au sein de ces gisements, les quantités sont faramineuses. Bref, ces roches étaient indispensables à la fabrication d'outils et d'armes : lames, pointes de flèches. Bien que les deux îles ne soient distantes que de 16 km de Bonifacio à Santa Teresa, l'embarcation devait pouvoir affronter la pleine mer.
Il ne paye pas de mine comme ça, surtout avec mes photos qui ne le mettent pas en valeur. Il faut dire que cet édifice n'a pas survécu au passage du temps : il a été purement reconstitué par les archéologues. Il faut savoir qu'une centaine de casteddi sont inventoriés dans le sud de la Corse. Ces habitats fortifiés sont implantés sur des reliefs rocheux à caractère défensif naturel, mais renforcés par des murs en pierres sèches, voire de véritables enceintes. Ils dominent des fonds de vallée et des axes de circulation.
Ce type d'habitat se retrouve en Méditerranée, tels qu'en Sardaigne, Ligurie, Espagne, etc.
La fabrication artisanale d'outils taillés commence par l’approvisionnement en matière première. En Corse, faute d’obsidienne locale et de silex en grande quantité, on les troque depuis la Sardaigne, pour ce qui est des pierres de tailles plus commune comme la serpentine, le quartz etc, de nombreuses mines existent au sein de l'île. Pour travailler l’outil, il existe deux grandes méthodes :
La première consiste à détacher par percussion des éclats tranchants. Le tailleur calcule les angles de frappe pour provoquer une fracturation contrôlée. La percussion crée des contraintes et des plans de clivage, détache rapidement des pièces qu’il peut ensuite fixer sur un manche. Cette méthode est très productive mais comporte un fort risque de flexion et de casse, d’autant plus que la lame s’amincit vers son extrémité.
La seconde technique, plus lente et soignée, passe par le polissage et le ponçage des pièces. Elle demande du temps mais réduit la fragilité finale.
Le choix du matériau influence tout : l’obsidienne, verre volcanique issu de coulées basaltiques, est plus fragile que le jaspe ou le quartz mais offre un tranchant exceptionnel. D’autres matières comme certains sous-produits de l’opale, le silex, le jade, la diorite, le basalte, ou la serpentine peuvent être utilisées selon leur disponibilité et leur homogénéité. La pierre idéale est lisse et régulière, et se fissure de manière prévisible.
Deux stratégies de production coexistent :
La taille dans la masse, qui consiste à enlever de gros éclats pour obtenir un instrument fini.
La taille en série, qui permet d’extraire une multitude de petites lames à partir d’un seul bloc.
La première privilégie l’unité et la finition, la seconde l’économie de matériau et la rapidité. Ce compromis était nécessaire en Corse en raison de la rareté locale des matières premières.
Capula est un casteddu comme le précédent, avec une particularité : il a servi de refuge à une grande famille noble du Moyen Âge. Son histoire est intéressante : Bonifacio, dit il Bianco, comte de Corse.
La légende fait remonter les origines de cette famille à un ancêtre, le comte de Bonifacio, en l’an 816. Il débarque sur l’île avec son père, Ugo Colonna, et une armée de 1 200 hommes pour libérer l’île des Maures. Il s’illustre dans de prestigieux combats et fait de l’île un État sûr, favorisant toujours l’Église et le pape, dont il est le vassal. En récompense, le Saint-Père lui donne le titre de seigneur suprême de toute la Corse. Son comté, s’étendant jusqu’à l’extrémité sud de l’île, lui permet de fonder une place qu’il nomme Bonifacio. Il construit Capula, dont il fait sa résidence principale, ainsi que plusieurs autres châteaux.
Concernant la fin de cette lignée, elle survint à cause de la dispute de deux frères, héritiers de l’illustre comte de Bonifacio. C’est habituel : loi de la primogéniture. Le cadet n’est pas content, il fomente contre son frère : éclatement d’un héritage… Vous avez 90 % des conflits internes ayant ravagé des empires qui suivent sensiblement les mêmes schémas.