De la forêt du Valdo-Niello au lac de Nino, il est possible d’observer les différents étages de végétation de la vallée. Parmi les chemins menant au lac de Nino, celui qui part de la maison forestière de Popaghja est le plus rapide. Sur le parcours, entre 1076 m et 1762 m, on traverse pratiquement tous les étages de la végétation montagnarde : il débute dans une belle et dense forêt de moyenne altitude, évolue dans des pierriers abruptes et secs sans végétation langeant les versants de montagne pour se terminer dans l’environnement, à la fois austère et verdoyant, d’un lac glaciaire de haute altitude !
Le lac de Nino est le 2ᵉ plus grand lac d’altitude de Corse après celui de Rotondo. Étape incontournable du GR20 en raison de ses pozzines de toute beauté lorsque celles-ci ne sont pas évaporées à cause de la chaleur. Rappelons ce qu’est une pozzine : formées il y a des milliers d’années à la fin de la dernière période glaciaire, les pozzines sont nées lorsque les glaciers ont fondu, creusant des cuvettes dans la roche. Ces dépressions, imperméables et mal drainées, ont retenu l’eau de pluie et de fonte des neiges, donnant naissance à des zones humides et marécageuses, chose absolument sublime : l’eau n’est pas stagnante, elle s’écoule par des cavités souterraines assurant un renouvellement constant, ainsi elle apparaît transparente. Il est même possible à de rares occasions de voir des poissons nager à l’intérieur de ces petits bassins, pourtant très haut en altitude, comme des truites fario !
Près des pozzines, la végétation a peu à peu colonisé ces sols saturés d’eau. Mousses, graminées et autres plantes adaptées à ces conditions ont formé un écosystème unique. L’eau, piégée en surface, forme de petites poches claires visibles entre les herbes, d’où le mot pozzi qui signifie « puits / trou d’eau » en Corse.
Cette randonnée était très éprouvante. La première moitié se déroule dans un décor forestier sur un sentier tracé, mais l’autre moitié n’est qu’un gigantesque pierrier, où le sentier a disparu et seuls quelques traits jaunes sur certaines pierres subsistent. Il faut grimper de pierre en pierre pendant au moins 45 minutes. Ce n’est pas dangereux ni difficile en soi, mais très fatigant : mes genoux ont vraiment crié à l’aide vers la descente de cette dernière qui en revanche nécessite une attention particulière en raison de certaines pierres pouvant bouger !
Mention spéciale à la femme espagnole que j’ai rencontrée : haletante et en sueur, elle nous a demandé combien de temps il restait. Mon père, fidèle à son style, lui a répondu le fameux : « Il reste 5 heures. » J’ai aussitôt renchéri : « Non, non, ne vous inquiétez pas, il vous reste à peu près 45 minutes, une heure… par contre, la montée se corse là-haut, et vous aurez un tout petit passage d’escalade à franchir avec les mains, et vous y serez enfin ! » Je viens de me rendre compte que, sans le vouloir, j’avais fait un jeu de mots : en Corse, il faut dire que la difficulté des randonnées se corse… Ahah ! J’adore l’humour !
Elle a souri, nous a remerciés, avant de se retourner vers ce qui semblait être son mari et ses enfants pour les sermonner, les insulter et leur crier dessus en espagnol. Même cinq minutes de descente plus tard, nous l’entendions encore ! Quelle histoire… C’était plutôt drôle.
À l’inverse, on croisait les fameux gamins de cinq ans qui bondissaient de pierre en pierre avec une agilité folle en criant ''cailloux !'', ''cailloux !''. J’avais presque envie de leur faire un croche-pied : on aurait dit qu’ils étaient nés dans un pierrier…
Mais le lac vaut le détour, ses pozzines ont prit un petit coup de chaud il est vrai, mais ce bleu épuré dans lequel se reflète les nuages et les montagnes avoisinantes est de toute beauté, et les petites meuh meuh sur le sentier constituent une attraction phare !
Extrait du journal d'un montagnard #