Église Saint-Michel de Murato

Publiée le 18/09/2025
Découverte de l'une des plus belles églises de Corse !

L’église Saint Michel, piévanie supposée de Bevincu, se situe à l’extérieur du village. Elle est mentionnée pour la première fois en 1137. Selon des travaux historiques, elle aurait été construite en deux campagnes successives dès le début du XIIe siècle. L’édification de la nef aurait été suivie de l’adjonction d’un clocher-porche accolé à la façade occidentale, reposant sur deux colonnes cylindriques. Elle est ornée de peintures monumentales au cours du XIVe siècle. La comparaison avec des édifices tels que la Trinité d’Aregno, dont elle semble être contemporaine, permet de penser que l’église a pu remplir un rôle de siège piévan. Prosper Mérimée note en 1840 son bon état de conservation et considère qu’il s’agit de l’une des plus belles églises de l’île.

Cet édifice, de plan allongé, est formé d’une nef unique couverte d’une charpente en bois apparente, prolongée par une abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four. L’ensemble est couvert d’une toiture de lauzes. Ses dalles de schiste et de granit polychrome sont juxtaposées selon une alternance d’assises régulières, il y a également des pierres légèrement vertes comme de la serpentine et blanche comme du calcaire donnant cette couleur si particulière à l'église. Les arcatures aveugles ornant la façade occidentale reposent sur des consoles sculptées en haut-relief figurant des quadrupèdes. L’un des motifs, situé à l’extrémité sud de la façade, représente un personnage muni d’un bâton. L’extrémité de la façade ouest étant ornée d’une statuette figurant un personnage vêtu d’une robe longue.

L’intérieur de l’église était orné de peintures monumentales figurant l'Annonciation dans un décor géométrique. Classées sur la liste des Monuments Historiques en 1908, elles sont aujourd’hui à l’état de vestiges.

Le patrimoine roman de la Corse est illustré par plus de deux cent églises, construites entre le XIe et le XIIIe siècle, concomitamment à la réorganisation administrative de l’Église et à la réforme ecclésiastique.

Caractérisés par l’homogénéité micro-territoriale de matériaux de gros-œuvre et de couverture, ces édifices orientés relèvent, à l’exception des cathédrales, du plan basilical, d’une nef unique et d’un chevet de plan allongé prolongé par une abside en hémicycle. Cette homogénéité se retrouve aussi dans leur couverture : charpente en bois apparent pour la nef, cul-de-four pour l’abside, et dans leur couverture : lauzes de schiste ou tuiles creuses pour les toitures à longs pans couvrant la nef et pour l’extrados du cul-de-four. Ils se caractérisent aussi par la sobriété des décors extérieurs : arcatures aveugles retombant sur des modillons, bols de céramique polychrome dits bacini, représentations géométriques, phytomorphes, zoomorphes et anthropomorphes, la plupart du temps sculptées en méplat, bas-relief ou haut-relief.

Les églises romanes de Corse témoignent, par la diversité des matériaux de gros-œuvre mis en œuvre : granit, calcaire, schiste, cipolin, de la diversité géologique de l’île. Ces derniers proviennent en effet, dans la plupart des cas, de carrières avoisinantes. La polychromie de certains édifices provient de l’association de certains matériaux (schiste et serpentine, lauzes de schiste ou de tuiles creuses sont les plus répandues).

Par leurs caractéristiques architecturales, ces églises s’apparentent à celles rencontrées en Toscane, notamment à Pise, ou encore en Sardaigne. Elles témoignent de la circulation des hommes et des modèles au cœur de la Méditerranée Occidentale.

Vue de l'église de Murato
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Vue de l'église de Murato.4

Une église et un tribunal en même temps

Symbole de l’art roman pisan, l’église polychrome de San Michele di Muratu a été construite au XIIe siècle. Le choix des pierres, le calcaire de Saint-Florent et la serpentine du Bevincu ont permis aux maîtres maçons et sculpteurs de laisser libre cours à leur créativité.

San Michele de Murato serait une église pievane, église mère de la Pieve du Bevincu. Après avoir chassé les Sarrasins au XIIe siècle, la République de Pise entreprend de structurer l’île en entités géographiques et religieuses appelées Pieves.

Ces divisions permettent à Pise d’imposer un pouvoir administratif fort, avec de réelles fonctions économiques, religieuses et judiciaires. Cette organisation marque le début d’une période prospère de 200 ans, connue sous le nom de “Pax Pisana”, durant laquelle le commerce se développe, les ports s’ouvrent, la sécurité s’améliore et les terres agricoles s'étendent dans les plaines.

San Michele est l’un des plus anciens et des plus remarquables exemples de l’architecture religieuse romane pisane en Corse. Elle symbolise l’équilibre des pouvoirs au XIIe et XIIIe siècles : spiritualité, développement et justice.

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Vue de l'église de Murato
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Vue de l'église de Murato
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Lors de ma visite en ce lieu, j’ai rencontré un charmant monsieur, conservateur du patrimoine affecté à l’entrée de l’édifice payant. Mon père a voulu échanger avec lui, mais très vite, la conversation s’est éteinte d’elle-même : ils n’étaient pas du tout sur la même longueur d’onde. Mon père, profondément chrétien, parlait avec ferveur, tandis que l’homme, agnostique, abordait les choses avec pragmatisme. Non pas athée, mais agnostique : il ne tranchait pas sur l’existence de Dieu, laissant la question ouverte.

Mon père, lui, voulait le pousser à croire, lui répétant que s’il n’entendait pas l’appel de Dieu, c’est parce qu’il ne le cherchait pas et qu’il fallait avoir la foi aveuglément. En retour, l’homme ne cessait de ramener la discussion à la raison et à des faits étayés. Je suis moi-même chrétien, mais je dois dire que le débat lancé par mon père était d’un niveau médiocre, un niveau qu'il est possible de retrouver chez les fervents athées et croyants, les deux sont assez similaires tant ils s'enferment dans des raccourcis et des raisonnements primaires, la seule différence est que chacun d'eux décide de placer sa foi dans ce qu'il croit être le bon choix. Ce n’est pas en forçant la main à un agnostique, qu’on le rapproche de la parole de Dieu, bien au contraire, à la différence de l'athée, lui n'est pas hermétiquement fermé à la religion, là est tout l'intérêt !

Parfois, je pense que ceux qui manquent d’aisance à l’oral devraient éviter de confronter les autres sur ce terrain. Mon père a eu de la chance de tomber sur un interlocuteur savant et compréhensif ; Mais un cantonnier placé là par défaut de personnel aurait sans doute eu moins de patience devant ce genre de débats stériles. Pardonnez mon jugement, sans doute un peu réducteur, mais je le crois juste, ayant travailler fût un temps avec des cantonniers. 

Concrètement, mon père lui disait de croire aveuglément et de ne pas remettre en question la parole divine. Mais pensez-vous vraiment qu’une telle doctrine puisse convaincre un agnostique ? Lui, au contraire, vit dans le questionnement permanent sur le monde, sa place, et les lois qui le régissent. Il n’est pas fermé à l’idée de Dieu, mais il n’est pas encore convaincu de son existence. Le propre des agnostiques est de réfléchir, d’introspecter, de douter. Les inviter à cesser de penser pour se conformer aveuglément à des écrits est la pire approche possible. Je suis désolé de le dire ainsi, mais il faudrait, à mon sens, jouer plus finement…

Quand mon père est parti, je l’ai regardé et lui ai lancé : « Vous êtes un universitaire, vous ! » Surpris, il m’a demandé : « Comment le savez-vous ? » J’ai souri : « Je le vois à votre manière de parler. » Il a balayé d’un « N’importe quoi, ça ne veut rien dire », mais j’ai insisté : « Détrompez-vous, cela se sent quand quelqu’un a reçu un enseignement universitaire et sait le mettre à profit. »

À partir de là, la conversation s’est ouverte, longue et passionnante. Nous avons d’abord parlé religion, puis de la Corse, de la criminalité, des coutumes, de l’île d’autrefois. Nous avons échangé sur sa vie et sur la mienne. J’ai appris qu’il avait voulu faire du droit pénal, mais la pluridisciplinarité des premières années l’avait découragé. Il s’était alors tourné vers l’art, l’histoire, les langues. Un homme char-mant, vraiment. Divorcé trois fois, aujourd’hui remarié, ''La faute au destin'' disait-il, je peinais à croire ce filou face à ce chiffre, il devait y avoir anguille sous roche, désormais il était remarié, son rêve serait d’avoir des petits-enfants. Son fils travaille dans le patrimoine corse, sa fille dans le commerce, mais pour l’instant, il n’en a aucun.

Nous avons beaucoup ri, même si l’humour n’était pas le cœur de l’échange. Il parlait avec finesse, puisant dans une culture immense. Normal, me direz-vous : il avait soixante-quatre ans. La discussion a duré une bonne heure, et ce qui est merveilleux dans ces moments-là, c’est de sentir que l’on ne parle pas à un mur. Chacun avait soif d’apprendre de l’autre, et c’est cette curiosité réciproque qui fait durer une conversation. L’homme était charismatique, il faut le dire : il parlait couramment trois langues, plaisantait avec chaque nouveau touriste, charmant avec les enfants, drôle avec les parents.

Au moment de partir, après lui avoir souhaité une bonne journée, il a tendu la main pour me serrer la mienne. Ce geste, en apparence anodin, avait en réalité une forte signification : il était guichetier, j’étais un simple client, mais cette poignée de main voulait dire « Je vous estime, nous avons eu un bon échange. » Avant que nous ne nous quittions, il m’a encouragé à aller découvrir les montagnes corses, comme il l’avait fait dans sa jeunesse. Je lui ai souhaité d’avoir de beaux petits-enfants, et nous nous sommes séparés.

Extrait du journal d'un montagnard #

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1 Voyage | 81 Étapes
Chiesa di San Michele di Murato, Qua U, Péru, Murato, France
16e jour (15/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

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