Découverte des gorges de la Spelunca, en remontant le cours de la Tavulella et en passant par le pont génois de Zaglia. Une gorge superbe, chargée d’histoire, où les résistants des armées seigneuriales remontaient pour livrer bataille aux Génois !
Les gorges de la Spelunca : Point de passage des soldats
Les gorges de la Spelunca offrent un paysage impressionnant : ce sont de profondes gorges creusées par deux torrents, la Porto et la Tavulella, qui se rejoignent à Ota entre de hautes parois de granit rouge encadrant une rivière claire descendant en cascades et en vasques. Le vieux chemin des muletiers, pavé de pierres et traversant plusieurs ponts génois, rappelle qu’il servait autrefois de lien entre Porto et les villages de montagne comme Ota et Evisa.
L’un des ponts emblématiques devant lequel nous nous sommes arrêtés est celui de Zaglia : c’est dans le cours d’eau qui passe sous ce dernier que l’eau d’Aïtone rencontre celle de la Tavulella. Le pont est génois, une petite arche simple qui monte en arc plein cintre. Construit en 1797 par le maître-maçon génois Antonio Bensa, il servait à faciliter les déplacements des bergers lors de la transhumance annuelle, il est d'ailleurs possible de retrouver vestige sur le chemin de l'une de ces maisons de bergers près du sentier, mais il servait également de point de passage aux habitants des côtes corses relégués dans le centrede l’île à cause d’une sorte d’exode provoqué par la hausse des prix de l’immobilier près des villes portuaires, priorisées aux bourgeois génois comme les maîtres de domaine, les armateurs navals, les commandants militaires, ainsi qu’à d’autres personnages qui faisaient fortune en exploitant la colonie corse de l’époque.
Ce sentier longeant les gorges, sous les châtaigniers et près des oliviers, est aussi connu comme étant un sentier de bandits et de résistants. Lors de la Guerre des Cinarchesi, une série de conflits féodaux qui ont secoué la Corse entre le XIVᵉ et le XVIᵉ siècle, opposant des seigneurs locaux corses contre la République de Gênes avec l’appui de l’Office de Saint-Georges, Ota fut complice des armées féodales de ses seigneurs et chefsrebelles, notamment de Ghjuvan Paulu di Leca au XVe siècle. Lorsqu’ils passaient par ces gorges, ils ne prévenaient pas les Génois. Résultat : Ota, anciennement piève de la Sia, fut régulièrement dévasté par les Génois connaissant les manigances. Des archives expliquent même que les barbares turcs, profitant du désordre ambiant, se livraient impunément à leurs razzias jusqu’à Ota en passant par Porto, sauf lorsqu’ils étaient repoussés, comme en 1540, où on les traqua de la Sia jusqu’à Girolata.
La gorge est agréable à parcourir. À l’orée des oliviers et des châtaigniers, on se sent protégé du soleil qui n’épargne généralement personne en ce beau mois d’août. Le sentier évolue dans des brèches taillées à même la montagne, montrant qu’il est purement artificiel. Il a toujours été utilisé comme passerelle de l’intérieur des terres vers les côtes. Aux abords d’un des pans de la gorge, on peut encore voir les fondations d’un bâtiment carré, peut-être les vestiges d’une ancienne tour servant d’avant-poste pour contrôler le sentier.
Si beaucoup se contentent de nager vers les cours d’eau de la Spelunca près de son pont principal à Ota, rares sont ceux qui la longent comme nous l’avons fait, jusqu’à la forêt profonde et son vieux pont moussu de Zaglia, et plus rares encore ceux qui poursuivent jusqu’au village d'Evissa, qui pourtant mérite le détour, même si je n’en ai pris aucune photo.
