Le village de Piana et ses calanques par la route

Publiée le 10/09/2025
Bref arrêt à Piana et ses calanques pour rejoindre Porto

Piana, le village au cœur des calanques

Petit passage par le village de Piana et ses calanques pour rejoindre Porto. Pas grand-chose à dire sur ce petit hameau, si ce n’est qu’il a été marqué par les luttes entre les seigneurs de Leca et la République de Gênes, si intensément qu’au XVe siècle, les Génois mirent fin à cette révolte en détruisant leur château, en vidant la région de sa population et en interdisant la reconstruction de Piana sous peine de mort pour quiconque tenterait l’entreprise. Cela laissa le territoire déserté pendant plus de deux siècles en proie aux bandits de grands chemins, témoignant du courroux de ces Génois qui savaient faire des exemples pour susciter la peur chez les Corses. Ce n’est qu’en 1690, avec le déclin de la puissance génoise, que le peuple se mit en tête de la reconstruire. Elle fut officiellement reconnue en 1713 et dotée d’un podestat et d’un curé.

Calanque de Piana
Calanque de Piana.2
Calanque de Piana.3
Village de Piana
Village de Piana
Calanque de Piana.4
Calanque de Piana
Calanque de Piana
Route vers Piana
Route vers Piana.2

Raisonnement personnel sur les bandits Corse

Le mythe du bandit corse : histoire et réalités :

Le banditisme corse s’inscrit dans une longue tradition insulaire d'insécurité, d'abandon de l'état et de vendetta ainsi que de résistance aux pouvoirs extérieurs. Dès l’occupation génoise, le bandit « hors-la-loi » conteste un ordre politique perçu comme étranger. Le terme bandito désignait alors « un homme placé en dehors de la loi », souvent issu d’un différend d’honneur. Lorsqu’un homme engagé dans une vendetta prenait le maquis, c'est à dire s'enfuyait pour mener une vie clandestine, il devenait « bandit d’honneur », soutenu par son clan. Cette réalité a perduré à travers les siècles : sous l’Empire napoléonien, la Restauration et le Second Empire, chaque période de crise a favorisé l’émergence de bandes armées. Après l’effondrement du Premier Empire, par exemple, des bandes corses s’organisent dans le Fiumorbo.

Il faut comprendre que les bandits corses résultent initialement d'un manque de souveraineté de la République de Gênes, cette dernière ne parvenant pas à appliquer ses lois étrangères sur le territoire conquis, ni à garantir la sécurité dans ses contrées nouvellement acquises. Ce contexte géopolitique instable favorise l'émergence de bandes qui se soulèvent contre l'autorité en place. Il existait, d'après moi, bien que je n’aie pas étudié véritablement la chose, trois grands types de bandits corses grossièrement résumé :

  • Le bandit politique : Il ne se rendait généralement coupable que d’infractions en lien avec le pouvoir établi. Son but n’était que de commettre des actes contre les institutions étatiques ainsi que leurs représentants, afin d’affaiblir le pouvoir et, peut-être, de tenter de le renverser. Il pouvait, par exemple, comploter contre Gênes, ordonner des assassinats contre des officiers, des podestats, harceler les ravitaillements, menacer les Corses qui collaboraient, etc. Ils étaient souvent enrôlés dans des armées seigneuriales, à la botte des seigneurs locaux qui se soulevaient régulièrement contre Gênes. Sous l’autorité de ces seigneurs, ils trouvaient un appui de taille pour mener la résistance. S’ils se revendiquaient comme des résistants, des Corses libres, dans le cadre légal, ils étaient considérés comme des bandits politiques.

  • Les bandits d'honneur : Ces bandits-là devenaient hors-la-loi uniquement parce qu’ils avaient osé recourir aux armes pour venger un affront ou une insulte faite en leur nom, ou à celui d’un proche appartenant à leur famille. C’est la fameuse vendetta : comme chez les Francs, « tous pour un et un pour tous » afin de venger l’honneur d’une lignée.

On distinguait deux types de bandits d’honneur :

  1. Les bandits d’honneur sans moralité, ceux qui, au détour d’une taverne, déclenchaient une rixe à deux contre un, ou même un contre un, sans retenue ni consentement de l’adversaire. Leur but était uniquement de tuer celui qu’ils jugeaient impudent, coûte que coûte.

  2. Les bandits d’honneur moraux, ceux qui conviaient leur opposant à un affrontement honorable, encadré par des us et coutumes traditionnelles corses, et si possible devant témoins. Cependant, Gênes avait tendance à interdire les duels judiciaires pour les Corses, réservés généralement à l’élite génoise. Et encore, même les Génois eux-mêmes se voyaient souvent interdire ce genre de pratique. Ainsi, aussitôt perpétrés, ces duels faisaient basculer leurs auteurs dans l’illégalité : ils devenaient des bandits d’honneur.

  • Les bandits criminels opportunistes : Ici, ce sont les pires. Ce sont des Corses qui, par l’appât du gain ou poussés par la nécessité de subsister, tentaient de vivre de maigres rapines. Ils assommaient un passant au détour d’un bosquet, attaquaient un convoyeur, voire même un notable génois. Le problème avec ceux-là est qu’ils constituaient, avec les bandits politiques, une priorité pour l’Empire génois. Rapidement, ils pouvaient former de véritables « compagnies », des bandes qui sillonnaient les routes en quête de victimes. Cependant, en Corse, nous n’avons que très peu d’exemples : si des groupes de bandits ont existé, ils n’ont jamais pris l’ampleur de nos grandes compagnies et de nos écorcheurs français.

Il faut savoir que le changement d'autorité au pouvoir n'endiguera pas la criminalité corse. Au XIXᵉ siècle, les autorités françaises considèrent le crime d’honneur comme un reliquat « barbare ». Napoléon III interdit même le port d’armes. Face à la sévérité de la justice et à la conscription, de nombreux réfractaires prennent le maquis, transformant des règlements de compte privés en actes publics de brigandage.

Répression et politique judiciaire :

L’État français a tenté, de tout temps, de mettre fin au banditisme. Sous le Second Empire, Napoléon III lance des expéditions militaires contre les maquisards. En 1887, une campagne est organisée pour arrêter les Bellacoscia, sans succès grâce au soutien local dont ils bénéficiaient.

Le véritable tournant intervient en 1931 : le gouvernement envoie 600 gardes mobiles en Corse, épaulés par des blindés et des avions, afin de traquer les derniers bandits. Plusieurs sont tués ou trahis par leurs anciens complices, d’autres sont arrêtés. L’exécution d’André Spada en 1935 marque symboliquement la fin du banditisme organisé sur l’île. Cela donnera notamment lieu à l'écriture de la célèbre chanson « Mort aux vaches », qui est assez entraînante, il faut le reconnaître, même si je ne soutiens pas le message, car les bandits arrêtés en 1931 étaient une véritable mafia en bande organisée, pas des petits délinquants de quartier : c'est le peuple corse qui en subissait les conséquences !

Représentations culturelles :

Le bandit corse a été abondamment mythifié. Dans l’imaginaire populaire, il est représenté comme un gentilhomme farouche, drapé dans sa pelote de laine, armé d’un fusil, vivant caché dans les montagnes. Cette image a été popularisée par la presse, la littérature et même les cartes postales du début du XXᵉ siècle.

Les écrivains ont renforcé cette aura romantique comme Mérimée et Maupassant, décrivant le bandit comme un chevalier rebelle, défenseur de son honneur et de celui de sa famille. Toutefois, certains observateurs rappelaient que derrière cette façade héroïque, beaucoup de bandits n’hésitaient pas à commettre des meurtres froids, à pratiquer l’extorsion et à vivre de la peur qu’ils inspiraient.

Par exemple : dans la période correspondant au second quart du XIXᵉ siècle, il y avait environ 400 meurtres et assassinats par an relevés devant les cours d’assises en Corse, ce qui était très élevé par rapport à la population de l’île, aujourd'hui encore en 2023, le taux d’homicides en Corse est de 3,7 pour 100 000 habitants, ce qui la place comme la région métropolitaine la plus criminogène en France sur ce critère : Les chiffres sont à prendre avec précautions car nous pouvons leur faire dire ce que nous voulons, mais force et de constater que les violence dans la tradition Corse sont profondément encrées dans le mode de résolution d'un litige, et que les bandits bien qu'ils ciblaient leur victime qui n'étaient généralement pas anodines, crée une forme de criminalité qui n'était pas à prendre à la légère : C'est pourquoi les auteurs littéraires qui minimisaient les actes criminels des bandits corses de l'époque n'ont certainement pas aider à comprendre le phénomène et à correctement le réprimer, il aurait fallut faire appel à des vrais criminologues.

Le bandit dans l’imaginaire corse :

Dans l’imaginaire collectif, le bandit corse oscille entre héros d’honneur et criminel dangereux. Pour une partie de la population, il symbolisait la défense de l’honneur familial contre un État perçu comme étranger. Pour d’autres, il représentait un fléau qui ternissait l’image de l’île et freinait son développement.

Quoi qu’il en soit, le bandit est devenu une figure incontournable de la mémoire corse. Certains disaient même qu’il était « indispensable à la Corse », car sans lui le maquis perdrait son mystère et sa singularité. C’est ce mélange de réalité sanglante et de légende romantique qui a fait naître le mythe du bandit corse, encore présent dans l’imaginaire insulaire d’aujourd’hui.

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1 Voyage | 81 Étapes
Piana, Corse, France
3e jour (02/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

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