Bonifacio

Publiée le 28/09/2025
Partons à la découvert de Bonifacio en nous introduisant dans son enceinte fortifiée, ce gigantesque colosse de l'extrême sud ne paraît-elle pas immense ? Si elle l'est, et il y a tant à voir entre ces murs !

J’ai déjà recensé dans ce carnet de nombreux éléments extérieurs de Bonifacio au cours des derniers jours, que ce soient ses maisons au bord des falaises, les murs de son enceinte, son port ou sa presqu’île. Dans cette partie, je vais maintenant pénétrer à l’intérieur de Bonifacio pour en découvrir ses secrets et consigner uniquement les endroits et les images que je n'ai pas déjà montré !

Extrait du journal d'un montagnard #

Vue des bouches depuis la muraille Bonifacio
la chapelle Saint-roch face à mer sur muraille
l'Intérieur de la chapelle
l'Intérieur de la chapelle
l'Intérieur de la chapelle

La petite église rivée vers la mer

Sous la gouvernance génoise, la partie Ouest du promontoire est réservée aux militaires. Elle fait l’objet d’un contrôle strict de la part du commandement qui y a toutefois autorisé la construction de moulins et de chapelles de confréries, comme celle-ci.

Malgré sa simplicité, cette église n’en demeure pas moins splendide. Construite selon le modèle d’une voûte en berceau, chaque lucarne est ornée d’un trompe-l’œil représentant le ciel, les nuages et la colombe, symbole de la grâce divine pour les hommes. Le tout s’inscrit sur des murs plus blancs que neige, rendant hommage à saint Jean-Baptiste.

- Vous entendez les bribes de mémoire de quelqu'un ayant vécut ici, s'étant tenu debout à votre place en ces lieux :

À partir de 1195, nos ancêtres Génois ont bravé les dangers de la mer pour s'installer et vivre ici sous l'administration éclairée de la Serenissima Città di Genova. Elle a su les convaincre en leur accordant privilèges et immunités.

Ne partageant ni les règles, ni les usages ou la langue de nos proches voisins, nous étions considérés comme des étrangers.

Soucieuse de notre sort et de ses intérêts, Gênes nous a toujours accordé sa protection. Maisons, palais, églises, citernes, silos. Tous les édifices ont été bâtis par sess meilleurs ingénieurs, selon un plan ordonné répondant aux exigences de notre fonction militaire première.

Aussi, la nuit tombée, une fois lesgens de passage et autres étrangers raccompagnés au delà de nos murailles, une fois le pont-levis relevé, la port de Gênes dûment verrouillée, à l'abri de nos maisons aménagées en véritables places fortes, nous étions en sécurité.

La grande porte fortifiée de Bonifacio

Le bastion de l'étendard, symbole de la force Bonifacienne

Si la porte du bastion de l’Étendard est impressionnante, le reste l'est tout autant, lieu incontournable de la citadelle, dominant le port du haut de ses 25 mètres, ce monument historique a la particularité d’être le bastion le plus haut de France ! Le bastion en lui-même est inaccessible, ses hauteurs sont verrouillées, mais vous pouvez passer à l'intérieur pour rejoindre la citadelle car il constitue une splendide zone transitoire fortifiée.

« U tempu pio passà, Bunifazziu è eternu : les siècles peuvent s’écouler, Bonifacio est éternelle »

Vue sur la route menant à la haute ville

Le bombardement des Français et des Turcs !

En contrebas de cette grande porte et de ces imposantes murailles serpente la route vers la ville haute. Aujourd'hui, il n'y a qu'elle, mais par le passé, elle s’adaptait au gré des maisons qui s’étendaient jusqu’au pied des remparts. Si ce quartier, attenant à l'enceinte génoise, a disparu, c’est parce qu’il a été détruit il y a très longtemps par les bombardements de l’armée franco-turque en 1553.

l'église Sainte Marie Majeur

L'église Sainte Marie Majeur, la plus vieille de Bonifacio

Au centre de la citadelle, l’église Sainte-Marie-Majeure apparaît en se glissant à travers de minuscules ruelles chargées d’histoire. Je n’ai aucune photo extérieure de cette dernière, mais fiez-vous à ma description : en parcourant ces sentiers étroits, inchangés depuis l'époque génoise, le spectateur doit obligatoirement s'arrêter lorsqu'il porte son regard au centre d'une place, sur un bâtiment orné d'une sublime rosace aux lignes fines d’inspiration gothique, qui se détache sur la pierre ancienne. Devant elle se trouve un parvis assez grand ; il s'agit du parvis de la plus vieille église de Bonifacio et, accessoirement, de la plus grande.

Dans cette église, la nef est rythmée par une succession de travées séparées par des arcs doubleaux et couvertes de voûtes d’arêtes qui se croisent. Cette rencontre des arcs et des voûtes forme ce qu’on appelle communément des voûtes en croisée d’ogives : des voûtes issues de la rencontre de deux berceaux, qui donnent ces pans inclinés et nervurés visibles sur la photo. De part et d’autre, de grandes arcades en plein cintre ouvrent sur les nefs collatérales, tandis qu’une chaire, ou prêchoir en bois sculpté est fixée à l’un des piliers et que des lustres en laiton doré pendent de la voûte. Au fond, derrière l’autel, ce n’est pas l’abside qui retient mon attention, mais une grande conque voûtée en cul-de-four, décorée d’une fresque baroque représentant une scène céleste, qui surplombe et magnifie le chœur. Partie circulaire terminant la grande nef d’une église, le cul-de-four de l’abside est tout de même sublime. Vous remarquerez que, quels que soient les édifices de Bonifacio, ils sont souvent d’un blanc immaculé parfois légèrement bleuté, mais toujours ornés de couleurs vives et célestes qui se prêtent parfaitement à la blancheur des falaises environnantes. Était-ce volontaire ? Au fond, j’imagine que oui.

Au-delà de son rôle religieux, l’église Sainte-Marie-Majeure joua un rôle essentiel dans l’histoire de la cité. Au Moyen-Âge sous sa loggia juste à côté de l'église dans une ruelle, il n’était pas rare d’entendre déclamer des actes notariés, ou bien d’y voir le podestat, gouverneur de la cité, faisant justice.

Sous la loggia se trouve une ancienne citerne d'eau. D'une capacité d'environ 650 000 litres, elle est reliée aux maisons avoisinantes par des arcs-boutants permettant, en plus de leur rôle de soutien, d'acheminer l'eau de pluie. Cette citerne était particulièrement utile en temps de siège.

Tour de Torrionne

La grande Tour de Torrionne

Historiquement, bien que d’allure médiévale, Le Torrione , U Turriun en Bonifacien ne date pas d’hier ! Il est l’ancienne réplique d’une tour du Moyen-âge, érigée en 1484 sur le point le plus élevé de la citadelle, probablement construite à l’emplacement de l’ancien Castelleto Génois. Une tour de guet, maintes fois remaniées au cours des siècles, qui surveillait étroitement la cité de toutes invasions ennemies.

l'église Saint Dominique de Bonifacio
l'église Saint Dominique de Bonifacio (intérieur)

L'église gothique de l'extrême sud de Bonifacio

On chuchote que l’église a été bâtie à l’endroit présumé d’une ancienne église des Templiers dédiée à Saint-Laurent. Les origines sont donc mystérieuses mais la présence de moines dominicains est attestée en ce lieu dès le XIIIe siècle. Ce sont eux qui terminèrent la construction de l’édifice au XIVe siècle grâce notamment aux subsides versés par les Bonifaciens. À en croire certains détails soignés et parfois si énigmatiques de la façade occidentale, nul doute que l’aura de l’édifice et la prédication des moines dominicains à cette époque rayonnaient bien au-delà des terres bonifaciennes

L'édifice est de style gothique, en calcaire blanc et enduit d'un beige crème est sobre, la façade avant est marquée par un oculus, et un superbe portail en calcaire dont les linteaux sont triplés pour créer un effet de profondeur et forme un arc en plein cintre créant ainsi de multiples voutes et un tympan sobre de calcaire blanc orné d'un fronton triangulaire pour couronner le tout. La nef principale est surélevée par rapport aux autres, et terminés par un toit à deux pans classique, les baies sont en arc plein cintre et étroite, et quelques extensions carrés sans doute ajoutés postérieurement à l'église peuvent être vus ici et là, le clocher est de forme polygonale, percé de baies géminées, évoquant le style pisan.

À l'intérieur le décor paraît minimaliste, des bancs et une chaire en bois, l'édifice est bien éclairé, le calcaire blanc est reflété par les multiples baies et la nef voutée en croisée d'ogive couplée avec le chœur orné d'un autel baroque aux plaques de marbres et aux retables dorées vient rajouter un peu de richesse matérielle au lieu.

Les moulins de Bonifacio
Les moulins de Bonifacio
Les moulins de Bonifacio
Les moulins de Bonifacio
Les moulins de Bonifacio

Les moulins et la gestion de l'eau à Bonifacio

Des ancien moulin à grains génois datant du XIIIe siècle, véritables joyaux du patrimoine bonifacien, aujourd'hui, ils ne subsistent plus qu'à travers des ruines à la suite d'un incendie vers la fin du 19e siècle.

- Vous entendez les bribes de mémoire de quelqu'un ayant vécut ici, s'étant tenu debout à votre place en ces lieux :

Sur cette presqu'île dominant l'horizon bleu de la mer, pas plus de cours d'eau que de rivière. Il existe bien une source, celle du Longone mais elle coule au-delà des remparts, pour la rejoindre, il fallait emprunter l'escalier d'Aragon, et pénétrer dans une grotte, la tâche était acrobatique et fatigante. La menace d'un siège planant constamment, la cité se doit d'être autonome. L'ingéniosité des maîtres maçons a été mise à contribution. Un système de récupération d'eau de pluie a été conçu dès la construction des édifices, qu'ils soient privés ou publics, civils ou religieux. Des chenaux en terre cuite ont intégré les toitures, l'eau de pluie court au travers le maillage aérien des arcs-boutants et finit sa route dans les citernes creusées en sous-sol, à même la roche. À partir d'un conduit interne installé dans nos cuisines, il suffisait alors de puiser l'eau nécessaire à notre vie quotidienne ou aller se ravitailler à la Cisterna de l'église paroissiale santa Maria Maggiore, ouvrage qui fait la fierté de notre communauté. 

Le cimetière marin de Bonifacio
Le cimetière marin de Bonifacio
Le cimetière marin de Bonifacio
Le cimetière marin de Bonifacio

Le plus vieux cimetière de Corse

Le cimetière de Bonifacio est le plus ancien de Corse, il n'a été crée qu'en 1823, après avoir été ''imposé'' par les autorités Françaises qui en avaient exigé l'aménagement en 1778 ! Comme dit au tout début de ce carnet, auparavant, les défunts, selon les coutumes anciennes, étaient inhumés sous les dalles des églises ou aux alentours immédiats de ces dernières. 

Très vite, le cimetière devait se développer, notamment après certaines épidémies, comme celle du choléra asiatique qui cause la mort de près de deux cents Bonifaciens en août et septembre 1854. Dès la création du cimetière, tous les défunts étaient mis en terre et ce n'est que vers la moitié du XIXe que l'on commença à construire les nombreux tombeaux que l'on peut voir aujourd'hui. Les plus anciens édifices sont, en principe, ceux qui ont été édifiés près du couvent et de son église.

Le cimetière de Bonifacio peut être considéré comme l'un des plus beau de Corse, il figure en tout cas parmi les plus remarquables de France même s'il demeure simple dans son architecture à travers ces chapelles surmontées chacune d'une petite croix au sommet de laquelle se pose souvent un goéland qui, selon la légende, est ''l'âme du pêcheur disparu.''

Muraille en direction de la Sardaigne

La sardaigne, alliée ou ennemie ?

Le 15 mai 1768, par le jeu des alliances, l’île de Corse passe sous la souveraineté du royaume de France. À l’extrémité sud de Bonifacio, à seulement quelques kilomètres, seize pour être précis, se trouve le premier village de Sardaigne : Santa Teresa Gallura. Seize malheureux kilomètres séparent ainsi deux pays qui, aujourd’hui encore, appartiennent à deux puissances étrangères l’un pour l’autre. Bien que familière, parfois complice, la Sardaigne pouvait, au gré des coalitions européennes, devenir l’ennemie de la Corse. Bonifacio, devenue la ligne frontière la plus méridionale de France, devait s’y préparer.

Soucieuse de se défendre, l’ingénierie militaire modernise dès 1848 les ouvrages fortifiés : un nouveau front de canons est établi, des soutes à munitions souterraines sont creusées, et des projecteurs sont installés sur le fameux « gouvernail de la Corse ». Ainsi, toute tentative d’invasion terrestre ou maritime pouvait être contenue et combattue.

À partir de 1928, la ligne Maginot, la seule du secteur vient poursuivre et compléter cet ensemble défensif. Barbelés, mitrailleuses, artillerie lourde, couches de béton et blindages assurent la protection contre les tirs ennemis et visent à ralentir l’avancée des armées adverses.

Observatoire d'une confrérie
Plaque funéraire d'un illustre bonifacien
Vue des bouches de Bonifaccio
Vue du phare de la Madonetta
Vue du phare de la Madonetta
Vue des remparts de Bonifacio

Les remparts sont fondamentaux, ils permettent de défendre le goulet de Bonifacio en cas d'attaque, l'unique sortie et entrée du port, il paraît que par le passé, il y avait un canon à chaque sillon rocheux de cette muraille, depuis ici, l'on peut voir le phare de la Madonetta mais aussi le phare Capu di Fenu au loin que nous connaissons tout les deux très bien ! D'ailleurs, une source indique qu'une niche aurait été déposée près du phare, les marins et pêcheurs de Bonifacio en imploraient la protection, ce qui peut confirmer ma théorie des niches religieuses dans des milieux sauvages.

Ces remparts furent surtout érigés à la suite de la campagne militaire de 1420, conduite par le roi d’Aragon Alphonse V, qui nourrissait des prétentions sur la Corse et sur Bonifacio. Les Génois, après l’avoir chassé de l’île, bâtirent par crainte d’une récidive de ses alliés un vaste système défensif entourant toute la citadelle.

Comme mentionné précédemment, ces remparts dissimulent, au-delà des batteries de canons, de nombreux magasins à munitions enfouis sous terre. Le but était clair : les enterrer afin d’éviter qu’en cas de siège, un boulet de canon ou un tir ne vienne y mettre le feu.

Maison du podestat de Bonifacio
Devise ironique du podestat

Le podestat, officier indéfectible de Gênes

À l’époque où la République de Gênes dominait la Corse, Bonifacio était administrée par un podestat, représentant officiel de l’autorité génoise. Nommé pour un mandat généralement court, souvent six mois à un an, il était chargé de gouverner la cité au nom de Gênes, de faire respecter les lois et d’assurer la défense de la place forte. Le podestat résidait dans un palais qui lui servait à la fois de demeure et de siège administratif, et il incarnait la présence directe de la métropole génoise sur l’île. Sa fonction était stratégique à Bonifacio, ville frontière face à la Sardaigne, car elle devait garantir la fidélité des habitants à Gênes, organiser les garnisons, superviser les fortifications et maintenir l’ordre dans une cité où les enjeux militaires, commerciaux et diplomatiques étaient particulièrement sensibles.

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1 Voyage | 81 Étapes
Bonifacio, France
29e jour (28/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

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