À la fin du XVe siècle, la République de Gênes cède la Corse à une société privée, riche et puissante, l’Office de Saint-Georges, qui va gérer l’île de 1453 à 1562. La Corse est un pays riche en ressources convoitées par de nombreux peuples de marins qui rôdent en mer Méditerranée. Pour profiter et jouir des richesses les Génois font construire par les populations des tours de guet le long des côtes et distribuent des terres fertiles à leurs agriculteurs. Les Corses à l’écart de ce développement économique vivent pauvrement loin de la mer, devant tant d'injustices ils s'exilent nombreux dans les armées de Milano, de Firenza, de Venizia ou du Pape, Sampiero Corso fait partie de ces mercenaires.
Sampiero est né à Bastelica le 23 mai 1498. Apparenté avec la riche famille d'Ornano, son enfance fut un va et vient entre Siché et Bastelica. Très jeune en exil, ambitieux et sincère, il voulait à tout prix libérer son pays du joug génois. Fort estimé. Il devint en peu de temps condottiere, c'est à dire chef de mercenaires, et qui plus est colonel au service de Giovanni de Médecis. En 1533, il servira le pape Clément VII, puis passe au service du roi de France François 1er qu'il sert dans sa guerre contre Charles Quint et sauve la vie du future roi Henri II dans un combat à Perpignan. Une telle audace devant le danger et un tel acharnement à vouloir toujours chercher des alliés pour libérer sa Patrie lui valent le surnom de San Piero Corso.
En 1545, à l’âge de 47 ans, Sampiero épouse sa cousine lointaine Giovannina, appelée plus tard Vannina d’Ornano. Elle a 15 ans. C’est la fille unique du Seigneur Francesco d’Ornano. De ce mariage naîtront deux garçons et deux filles : Alfonso, Francesco, Franchetta et Alfonsina. Sampiero est maintenant un soldat illustre. Les Génois le soupçonnant de préparer la révolte l’emprisonnèrent à Bastia et détruisirent sa maison en forme de tour dans le quartier Dominicacci à Bastelica. Libéré grâce à l’intervention du roi Henri II. Sampiero retourne en France avec sa jeune épouse.
En 1553, les Français, en guerre contre l’Espagne et l’Italie, décident la conquête de l'île pour dominer la navigation en mer Méditerranée. Des galères turques bourrées de soldats français arrivent sur la plage de l'Arinella près de Bastia. Sampiero Corso participe à cette expédition à la tête de 500 exilés corses. De 1553 à 1559, c'est la guerre victorieuse des français aidés par leur alliés turcs. Les corses se rallient à Sampiero considéré comme le chef incontestable, libérateur de la Patrie. Mais en désaccord avec les français, les turcs quittent la Corse. Les génois dont l'amiral Andrea Doria reprennent les ports avec l'aide des espagnols. À l'intérieur Sampiero libère Corte en septembre 1554, sans le secours des armées du lieutenant général De Termes qui avait son propre plan de bataille à faire valoir. Sur ses conseils, Sampiero est rappelé en France par le roi Henri II.
Entre temps, Français et Espagnols cessèrent de se battre. Charles Quint restitue le Piémont et les évêchés de Metz, Toul, Verdun à la France et accepte de laisser la Corse sous occupation française. Sampiero pris au dépourvu pense à une trahison. La paix sera de courte durée. L'Espagne mieux armée recommence la guerre et en sortira victorieuse. Du 2 au 3 avril 1559 a lieu la signature des traités du Cateau-Cambrésis. Le roi d'Espagne Filipe II peut imposer ses conditions : La France doit rendre la Corse à Gênes, en septembre 1559 ''La guerre des Français'' En Corse aura duré 6 ans, ébranlée l'armée quitte l'île, le roi Henri II meurt d'un coup de lance dans l'oeil au cours d'un tournoi. La république de Gênes retire l'administration de la Corse à l'Office de Saint-Georges en 1562. Sampiero s'apprête à continuer seul la lutte de libération de la patrie. Pour cela, il partira même au proche-Orient à la recherche d'alliés qui n'arriveront jamais, il tentera en effet de pactisé avec l'empire Ottoman.
Ne pouvant maîtriser le guerrier, les génois allèchent la jeune épouse qui accepte de partir à Gênes avec ses enfants. Les nouvelles circulant vite Sampiero revenant de Turquie, envoie une galère avec le capitaine Antoine de Saint-Florent qui rattrape la fugitive au cap d'Antibes et la ramène à Marseille. Vannina avait commis une faute grave en abandonnant le domicile conjugal, mais aussi en trahissant la Corse entière en tentant de passer aux mains de l'ennemi. En 1563 Vannina sera tuée dans une indifférence générale excepté pour sa famille, étranglée, non pas par ses esclaves comme prévu, mais, dit-on, par les mains de son propre époux. Cette histoire reste sujette à controverse : on se demande encore aujourd’hui s’il s’agissait réellement de sa volonté ou d’un simple féminicide commis par son mari sur sa femme dans un excès de colère après une telle trahison..
En juin 1564, Sampiero Corso débarque dans le golfe du Valinco. Au son du cor la révolte prend de l'ampleur. Les génois subissent de lourds revers malgré l'arrivée du général sanguinaire Stefano Doria, à la tête d'une puissante armée, qui offrira 4000 écus pour avoir Sampiero mort ou vif. Les génois désespérés de ne pouvoir le vaincre chercheront à le piéger. C'est en allant guerroyer près de son lieu de naissance que Sampiero trouvera la mort. En 1567, le piège organisé par des cousins de Vannina, aidés de mercenaires étrangers, lui sera fatal. Ce dernier, d’après les dires de certains, au cours d’une escarmouche, aurait baissé sa garde, croyant son neveu, l’un de ses plus proches alliés en danger et aurait poursuivi avec quelques hommes les assaillants qui l'auraient apparemment capturé. Ceux-ci l’auraient conduit jusqu’à une sorte de clairière, où le piège se referma sur lui. Tous les complices de la supercherie, son cousin en premier lieu, se jetèrent alors sur lui, éliminant rapidement les hommes restés fidèles à Sampiero, avant de tuer Sampiero lui-même. Encerclé, perdu, Sampiero, ne pensant qu'à protéger la vie de son fils et celle de ses compagnons, résiste en arrière garde pour donner aux siens le temps de se mettre à l'abri et seul, il fait face à ses ennemis en livrant ainsi son ultime combat. Atteint au visage par deux coups de lance portés par Michel'Angelo d'Ornano et poignardé à plusieurs reprises par Giovan Francesco d'Ornano, il est encore vivant quand les Ornano le jettent à terre tandis que tous ses assaillants le transpercent de coups de lances. Battista Bastelica se contente de lui couper une jambe et l'emporte avec sa botte à Ajaccio, Santo de Santa Maria d'Ornano lui tranche la tête et l'offre à son beau frère Michel'Angelo d'Ornano qui se flattera d'avoir tué Sampiero de sa propre main et revendiquera la récompense de 2000 écus qui sera finalement partagée entre les trois frères Ornano.
Le commissaire Francesco Fornari exposa la tête de Sampiero sur une pique à la porte de la ville et une jambe sur le bastion. Il ne pu réunir les restes du corps car les soldats en voulurent garder chacun un morceau pour mettre à leur lance en guise de trophée. Des réjouissances solennelles furent organisées et le 1er avril, le crâne de Sampiero était encore exposé à la porte de la ville d'Ajaccio. Alfonso d'Ornano fit de l'enlèvement de ce macabre trophée, la première condition de la paix.
''Plutôt mourir que céder'' Sampiero Corso meurt donc en héros, le 17 janvier 1567 entre Eccica et Suarella II avait 69 ans. Pour la République de Gênes, cette mort est une immense victoire. Le commissaire Francesco Fornari peut dès lors exposer à la vue de tous, à Ajaccio, la tête de son valeureux ennemi. Les corses orphelins, affligés et frustrés se sentent plus que jamais comme la ''braise sous la cendre'', triste pour l'un de leur héros, et pour les braves tombés pour la Patrie.
Sampiero Corso est considéré par les Corses comme un héros, un symbole de la résistance, de la fidélité à la patrie, de la bravoure légendaire. En ce jour du 17 janvier 1567, ce n’est pas une immense douleur qui s’empare du peuple corse, mais la certitude que la flamme de la liberté ne s’éteindra jamais.
Combattant d'un autre temps, Sampiero est mort en soldat, sur son cheval, les armes à la main. Il était âgé de soixante-dix ans et depuis l'âge de vingt ans, il avait risqué sa vie sur les champs de bataille. Condottiere, mercenaire valeureux et ambitieux, il servit successivement plusieurs maîtres avec fidélité, mais il n'embrassa qu'une cause à laquelle il consacra ses dernières années : secouer le joug de l'oppresseur génois et devenir le roi des Cinarcais
Il n'oublia pas cependant de défendre ses propres intérêts en se faisant concéder en 1558 les terres et la Tour de Capitello ainsi que la reconnaissance de 80 vassaux soumis au paiement de la taille, démontrant ainsi qu'il était le procureur des pauvres avec des prétentions féodales.
Personnage controversé, despote et barbare sanguinaire n'hésitant pas à tuer de ses propres mains amis, parents, femmes, enfants et corses travaillant sous le joug génois, souvent haï, Sampiero a entretenu en Corse une guerre avec les génois qui a ravagé le pays : récoltes détruites, populations affamées, villages incendiés ou entièrement rasés et fait le malheur des populations. Il a suscité l'admiration, le respect et la crainte auprès des siens mais finalement abandonné de tous, il n'a pu échapper ni à la jalousie ni à la trahison.
Quel homme que Sampiero ! Toute son existence fut vouée à arracher sa patrie au joug génois. Et pourtant, paradoxe cruel, son combat ne sema souvent que ruines, désolation et espérances vaines au sein du peuple corse. Mais qu’importe : son destin demeure une épopée flamboyante, une flamme qui embrasa le cœur des plus ardents des insulaires, prêts à le suivre les armes à la main dans sa quête irréalisable : se dresser, lui, simple mercenaire, contre des empires entiers.
Jusqu’à sa déchéance finale, il combattit avec une vigueur insoupçonnée, atteignant l’âge impressionnant de soixante-dix ans. Et l’adage résonne alors avec éclat : « Méfiez-vous d’un vieil homme dans une profession où les hommes meurent généralement jeunes. » Jusqu’au bout, son seul nom suffisait à soulever des armées entières de fiers Corses répondant à l’appel de la liberté, malgré son destin fatidique, il préféra mourir les armes à la main plutôt que de se rendre et avec lui, de nombreux Corses préférèrent la vie écourtée de guerriers glorieux luttant pour une cause noble et juste, à la vie longue et misérable des vaincus ayant courbé l'échine face à l'adversité ! C’est pour recueillir l’écho de ces vies héroïques, pour marcher sur les traces de ces guerriers indomptables, que je parcours aujourd’hui ces terres qu’il a lui-même foulées.
Extrait du journal d'un montagnard #