Porto sur plusieurs nuitées

Publiée le 11/09/2025
Arrêt à Porto, qui deviendra notre « base » pour les prochaines nuitées, offrant un grand parking gratuit pour les vans, avec toilettes publiques et eau potable gratuite, ce qui mérite d’être signalé !

Porto, la petite ville portuaire à la croisée des chemins

Que dire de Porto ? C’est une petite ville sans grande histoire, pas grand-chose à raconter, si ce n’est qu’elle est charmante. J’y ai passé trois ou quatre nuits consécutives sans jamais être inquiété.

La ville est marquée par sa verticalité : une partie s’étend juste au-dessus du fleuve Porto, tandis que l’autre grimpe légèrement vers les hauteurs montagneuses. La montagne forme comme une enclave, si bien que Porto se retrouve blottie dans ce creux, au bord du fleuve. Ce dernier est d’ailleurs très important, puisque l’essentiel de l’économie locale en dépend. En saison estivale, de nombreuses excursions en mer partent chaque jour du port. À l’inverse, en basse saison, la ville semble figée, presque morte, comme me l’a confié une habitante.

Ce qui m’a surtout marqué à Porto, c’est d’une part sa tour génoise carrée et les expositions qu’elle abrite, et d’autre part sa proximité avec les gorges de la Spelunca, merveille naturelle dont les eaux se jettent dans le golfe de Porto avant de rejoindre la mer.

Vue sur Porto
Vue sur Porto
Plage de Porto
Plage et tour de Porto
Port de Porto
Port et tour de Porto
Vue sur Porto.2
Vue sur Porto.3
Vue sur Porto.4
Vue sur Porto.5
Vue sur Porto.6
Vue sur Porto.7
Vue sur Porto.8

Exposition sur le maquis et la fabrication de pipes en bois

Sur les hauteurs, près de la tour génoise de Porto, on pouvait découvrir, dissimulée sous son flanc gauche, une petite maison. Celle-ci abritait une exposition consacrée au maquis et à la fabrication de pipes par le peuple corse.

Le maquis est une forêt dense et impénétrable, composée de nombreuses plantes typiques : cistes, lentisques, arbousiers, myrtes, bruyères, romarins, genévriers, oliviers sauvages, mais aussi chênes verts, lauriers-thym, lavandes, fougères ou encore ronces. Sous le soleil, cet ensemble végétal dégage un parfum puissant et unique, souvent comparé au ''musc de l’île''. La bruyère, en particulier, est précieuse : son rhizome rouge, appelé ''souche'', fournit un bois à grain très fin, idéal pour la fabrication des pipes.

L’extraction de ces souches était assurée par ''l’arracheur de souches'', u tamghiolu, qui, muni de divers outils tels que serpes, pioche ou faucille, déterrait délicatement la racine. Chaque jour, il pouvait extraire de 60 à 100 kg de racines, dont environ 50 kg utilisables une fois nettoyées. Les souches étaient ensuite transportées vers les fabriques d’ébauchons, où elles étaient nettoyées, pesées, recouvertes de jute et stockées en milieu humide pendant six mois. Elles étaient ensuite sciées et bouillies afin de stabiliser le bois, avant d’être triées selon leur taille et leur forme.

Les ébauchons servaient à façonner deux grands types de pipes : la pipe droite, dite ''marseillaise'', et la pipe courbe, dite ''en relève''. Enfin, pour renforcer leur résistance à la chaleur, ils séchaient encore quatre mois supplémentaires à température progressivement élevée.

Ainsi, de la richesse végétale du maquis corse à la précision artisanale des pipeurs, la bruyère se transformait en une matière noble, dédiée à l’art de la pipe.

Exposition sur les Torregiano des tours génoises

Le Torregiano, gardien des tours génoises en Corse, menait une vie dure, isolée et marquée par une discipline stricte.

Ces tours servaient à la fois de poste de surveillance, d’habitation et parfois d’entrepôt pour les vivres. Le rôle du Torregiano était de contrôler le littoral et d’alerter la population en cas d’incursions barbaresques ou turques, fréquentes au XVIIᵉ siècle qui remontent à la première décennie : Razzias, pillages et massacres sont monnaies courantes chez ces hommes qui voit dans la Corse un territoire faible qui ne peut se défendre seul.

Des inspections régulières étaient menées : les envoyés de l’administration génoise vérifiaient l’état des bâtiments, dressaient l’inventaire des armes et contrôlaient les gardiens.

L’armement du Torregiano était varié :

  • arquebuses, mousquets, tromblon, pour le tir

  • hallebardes, pertuisanescorsèques pour le combat corps à corps éloigné.

  • Fauchards, poignards, stylet pour le combat corps à corps rapproché

  • Et rarement, une pièce d'artillerie comme à Porto et Girolata : Le Faucon, Le Sacre

S’il faut être honnête, en cas d’attaque par une forte troupe, sachant qu’une chiourme turque pouvait contenir plus de 200 hommes, dont généralement 50 soldats sur le pont, il était impossible pour le Torregiano de se défendre, sans oublier que de nombreuses tours étaient peu mal armées. Mais tel n’était pas le but.

Son rôle était d’alerter les autres tours et les villageois, en allumant un feu, en sonnant la corne ou le ''culombu'', et d’évaluer si, avec l’appui d’une troupe régulière venue en renfort, ils pouvaient éventuellement repousser l’envahisseur. Dans le cas contraire, il n’avait d’autre choix que de lutter ou d’abandonner la tour.

Le Torregiano était aussi agent du fisc : il contrôlait le mouillage des bateaux, percevait les impôts et, de ce fait, n’était pas toujours apprécié. À l’image d’un huissier, de malheureux accidents pouvaient parfois survenir, soit par la mort de l’individu récalcitrant, soit par celle du Torregiano.

Ces tours pouvaient être rondes, carrées, fortifiées. Certaines étaient le fruit d’initiatives privées, comme celles de riches notables ou même de communautés entières de villageois soucieux de défendre leurs terres. La majorité relevaient cependant de l’autorité publique, l’Office et la République.

À ce sujet, les sources se contredisent : certains affirment qu’ils concédaient ces tours aux notables, aux seigneurs locaux et aux ''Benemeniti'', c’est-à-dire : ''ceux qui avaient mérité de l’État'', une sorte de statut prestigieux en échange d’un service rendu. D’autres sources, lues le 30 août, affirment qu’en général on confiait la garde de ces tours à des personnes peu importantes, comme des jeunes ou des vieillards.

Ainsi, on peut se demander s’il existait un profil type de Torregiano. Personnellement, je pense qu’ils ne se valaient pas tous dans leurs conditions de vie.

La vie quotidienne dans la tour était austère : un mobilier sommaire (un banc, une table, une lampe à huile, quelques ustensiles) et une rémunération faible, qui variait selon que la tour soit gérée par l’autorité publique ou privée.

Dans le cas public, le gardien recevait une solde en plus d’une prime, liée à sa fonction militaire officielle. En revanche, lorsque la tour était privée avec l’accord de la République, il ne percevait que la solde de base, parfois complétée par des ressources locales apportées par les villageois eux-mêmes, qui tentaient de l’aider autant que possible.

Le règlement était très sévère :

  • l’abandon de poste était puni de la peine de mort,

  • une absence non justifiée valait 5 ans de galère,

  • il était interdit de pêcher, cultiver un jardin, couper du bois sans autorisation ou même de « courir les filles ».

Entre 1510 et 1620, environ 100 tours furent construites, formant une véritable ceinture défensive tout autour de l’île par l'Office de Saint-Georges et la République de Gênes, ces tours accompagnèrent des fortifications plus importantes généralement antérieures comme des citadelles, l'exemple avec celles d'Ajaccio, Bonifacio, Calvi, Saint-Florent où bien Porto-Vecchio etc..

En uniforme, armé de sa hallebarde ou de son arquebuse, le Torregiano représentait la première ligne de défense des villages corses face aux menaces venues de la mer.

Petit Bonus sur les Envahisseurs Turcs

Au XVIᵉ siècle, la maîtrise de la mer représentait un enjeu économique vital, mais les côtes corses étaient constamment menacées par les attaques des « Turcs », terme englobant pirates barbaresques et Ottomans. Ces incursions visaient autant les navires marchands que les villages côtiers. Le bétail et surtout les êtres humains constituaient le butin le plus recherché. Prisonniers et marchandises étaient conduits vers les marchés d’Alger ou de Bizerte, où la « peau humaine » devint une marchandise particulièrement lucrative.

les Barbaresques dominent une large partie de la Méditerranée et imposent leur loi sur les côtes corses. Ils affectionnent particulièrement les zones de commerce, attaquant sans relâche navires et villages. Dans le Cap Corse, la situation est dramatique : cent navires sont capturés par les« Turcs ».

Leur puissance maritime est telle que, des galères aux simples barques, aucune embarcation n’échappe à leurs coups, et ce sont surtout les Hommes qui constituent le butin.

Seules quelques opérations hasardeuses réussissent à ralentir leurs attaques. En 1540, une expédition menée par Gianettino Doria parvient à infliger un coup à Dragut, célèbre chef corsaire. Mais ce succès reste éphémère : dès la période dite de la « Guerre perpétuelle », la piraterie turque continue de semer la terreur sur mer comme sur terre.

Les chiffres témoignent de l’ampleur du fléau : en 1531, une centaine de captifs furent pris à Levanto et 145 à Palasca ; en 1544, 187 habitants furent enlevés dans la pieve de Moriani ; en 1545, 130 à Sartène ; en 1549, pas moins de 300 à Monticello.

Les Hommes capturés étaient souvent envoyés aux chiourmes pour ramer sur les galères ou exploités dans les champs. Les femmes subissaient la servitude domestique ou étaient intégrées aux harems des conquérants. Quant aux enfants, beaucoup étaient convertis de force et devenaient des renégats, parfois eux-mêmes redoutables.

Certains Corses, passés du côté des Barbaresques, firent même carrière, tel Filippo de Pino, connu sous le nom de Mammi Pacha. À côté de cette tragédie, un commerce parallèle se développa : le rachat des otages. Certains négociateurs corses, en servant d’intermédiaires dans ce marché, parvinrent à faire de véritables fortunes.

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1 Voyage | 81 Étapes
Porto, Ota, Corse, France
3e jour (02/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

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