Le village en ruine d'Occi

Publiée le 14/09/2025
Randonnée jusqu’au village abandonné d’Occi, où les ruines murmurent encore le passé d’innombrables hommes ayant vécu en ces lieux. Désormais, il n’en reste rien, si ce n’est le bruit sourd d’une pierre qui se détache d’une ruine de temps à autre.

La triste histoire d'un village en ruine parmi tant d'autres en Corse

En longeant la côte par la route de Calvi, nous atteignons le village en ruines d’Occi. Plus rien ne subsiste ici, si ce n’est le passage du temps qui continue de faire son œuvre sur les vieilles pierres qui peu à peu s’écroulent face à lui.

La première mention d’Occi remonte à 1467. Le village prit forme au XIVᵉ siècle, peuplé par des familles fuyant les incursions barbaresques. Malgré sa position dominante, il fut attaqué : au XVIIᵉ siècle, des pirates l’atteignirent par les hauteurs, surprenant les habitants par l’arrière, épisode resté dans la tradition orale.

En 1589, Occi comptait 150 habitants ; un siècle plus tard, ils n’étaient plus que 80, et seulement 40 en 1812. Le danger ne venait plus des barbaresques, mais de l’administration : en 1852, malgré l’opposition du Conseil municipal, le village fut rattaché à Lumio, action entreprise par les notables de Lumio y voyant un moyen d’étendre leur influence et leur propriété foncière en incorporant un nouveau territoire à Lumio, ce qui précipita le déclin du village.

Le dernier habitant, Félix Giudicelli, dit « Fra Felice », mourut en 1918 à Lumio. Issu de la plus importante famille d’Occi, propriétaire d’un tiers des terres et de nombreuses bâtisses, il se disait 19ᵉ Comte d’Occi. Personnage fantasque, né en 1830, il étudia en Italie, se prétendit affilié aux Carbonari, compagnon de Garibaldi et du futur Napoléon III. Toujours vêtu de redingotes d’un autre siècle, il a laissé une légende encore vivante dans la mémoire collective.

Vue du village d'Occi
Vue du village d'Occi.2
Vue du village d'Occi.3
Vue du village d'Occi.4
Vue du village d'Occi
Vue du village d'Occi.5
Vue du village d'Occi.6
Vue du Capu d'Occi
Vue du Capu d'Occi
Vue du Golfe de Calvi
Vue du Golfe de Calvi.2
Mon père et moi
Vue du Golfe de Calvi.3

Les échos du passé pastoral d'Occi

Nous avons grimpé jusqu’à la croix d’Occi, point le plus haut de la montagne sur laquelle est bâti le village, une vue superbe sur Calvi et son golfe, la presqu’île de la Revellata, et les terres anciennement pastorales à l’arrière de la montagne où il subsiste quelques cabanes de bergers recouvertes par la végétation.

Le paysage ne reflète plus l’économie qui a façonné ces lieux pendant des siècles. Subsistent quelques repères : les murs de pierre sèche des terrasses et les petits abris à toit plat, le « pagliaghju » où l’on stockait la paille. Là où s’étend aujourd’hui le maquis, on cultivait surtout des céréales, blé, orge, avoine. Rendements faibles, climat sec et absence d’irrigation imposaient une mise en culture extensive et beaucoup de main-d’œuvre, des semailles aux moissons. L’été, la communauté se réunissait pour le dépiquage : mulets ou bœufs tiraient, par une chaîne, une lourde pierre — le « tribbiu » — sur l’aire pavée, « l’aghja », pour séparer le grain de la paille. Placées au vent, les aires permettaient le vannage : à la fourche, on lançait le mélange ; le vent emportait la paille et le grain s’amassait aux pieds des hommes. Occi conserve deux belles aires de battage : l’une à la sortie sud du village, l’autre sur l’éperon qui le domine.

Au début du XXᵉ siècle, Lumio comptait plus de 25 familles de bergers et près de 2000 bêtes. En 1893, on y créa la première fromagerie semi-industrielle de Balagne. L’olivier, encouragé dès le XVIIIᵉ siècle, prit une place majeure, donnant à son huile le surnom « d’eau de Balagne ».

Le chemin du retour vers Lumio mène à la chapelle de la Stella, au pied du mont Bracaghju. Sur ce promontoire s’élevait jadis un château fortifié du seigneur Malafede Savelli Pinasco, qui contrôlait la Balagne occidentale. Occi dépendait sans doute de ce puissant fief.

Vue des versants d'Occi
Vue des versants d'Occi.2
Vue des versants d'Occi.3
Vue des versants d'Occi.4
Vue des versants d'Occi.5
Vue des versants d'Occi et de la plaine agricole de Calvi

Lamartine disait : « Les ruines ont un langage : elles nous disent ce que fut la grandeur des hommes, et ce que sera leur destin. » Existe-t-il des paroles plus censées que celles-ci ? Ne dit-on pas que l’orgueil précède la chute, et que même les géants que l’on croyait indéfectibles finissent, eux aussi, par tomber ? Personne n’est immortel en ce bas monde. Lorsque l’on explore les ruines d’anciens villages, il faut toujours rester humble et se rappeler que le monde tel que nous le connaissons ne dure qu’un temps. Autrefois, ce village représentait toute la vie de quelqu’un, qui croyait sans doute dur comme fer qu’il perdurerait à travers le temps et les générations. Et pourtant, il est tombé, victime du hasard, du destin, de Dieu ou simplement de la malchance.

Mais, au fond, peu importe la cause : ce qui compte vraiment, c’est de comprendre à quel point notre vie, notre présent, est fragile, fugace, presque dérisoire tant il n’est qu’un grain de poussière dans l’univers. Alors, ne pleurons pas ce qui est voué à devenir ruine, ne nous attachons pas à de vains vestiges que nous ne pouvons sauver, dont nous ne pouvons empêcher la destruction : tâchons plutôt de rebâtir, à partir de ces ruines et des leçons que nous en avons tirées, un édifice meilleur encore.

Extrait du journal d'un montagnard #

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1 Voyage | 81 Étapes
Accès pédestre au village d'Occi, Strada di Lavatoghju, Lumio, France
10e jour (09/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

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