Ne trouvez-vous pas ces aiguilles sublimes ? Si vous me répondez oui, alors je dirai que vous êtes un homme de goût. Si, au contraire, vous osez me répondre non, je vous demanderai de foutre le camp immédiatement, car les aveugles n’ont rien à faire dans les montagnes ! eh oui, c’est dangereux là haut !
Pour ma part, je trouve ces géants de pierre magnifiques, cisaillant le ciel et l’horizon de leurs tours imposantes, au nombre de sept. Ces aiguilles portent bien leur nom : elles culminent à plus de 1 857 m, au cœur de la Corse. Elles dominent le col de Bavella, à 1 218 m, reliant l’Alta Rocca à la côte est de la Corse. Il est impossible de confondre ce site avec un autre : ces pics déchiquetés, ces murailles rocheuses et ces pins tordus par le vent ne ressemblent à aucun autre paysage.
Les aiguilles de Bavella présentent plusieurs types de granite. De loin, elles paraissent toutes blanches, et elles le sont en grande partie. Cependant, lorsqu’on s’en approche, on distingue aussi des roches granitiques à la teinte rosée, deux types de granite coexistent donc sur ces monts : le premier, à gros grains, provient d’une montée de magma très lente, la roche blanchâtre qu’il compose est très sensible à l’érosion, c’est pourquoi on observe des taffoni tout au long du chemin, formés par l’érosion progressive des aiguilles, ces cavités commencent à la base des blocs et remontent petit à petit, au cours de ma randonnée, je me suis même réfugié dans l’une d’elles, trouvant un petit recoin qui m’a permis de jouer au bandit de grand chemin, comme je l’avais toujours rêvé, le second type de granite, quant à lui, est composé de tout petits cristaux riches en silicates de potassium, cela lui donne une teinte rosée qui ressort particulièrement en fin de journée, lorsque le soleil décline et que les lueurs orangées du crépuscule mettent en valeur l’éclat de cette roche, son refroidissement rapide lui confère une grande dureté.
Les aiguilles et pitons élancés de Bavella sont ainsi le résultat conjoint de la tectonique et de l’érosion.
Cette partie de la randonnée peut impressionner, elle demande de progresser directement sur un bloc granitique fendu, en prenant appui avec ces jambes sur les fissures du granite, et de l’autre en tenant fermement la chaîne qui permet de descendre en rappel sans danger. Personnellement, je n’ai pas été à l’aise du tout… mais je suis arrivé en un seul morceau, et c’est bien là l’essentiel !
Observez comme il est possible de cheminer sur les aiguilles les plus petites, c’est là tout l’intérêt de cette randonnée : pouvoir se hisser sans escalade, si près de ces géants endormis ! Cette randonnée est particulièrement dépaysante, c’est comme si nous marchions sur la colonne vertébrale, les épines dorsales de la Corse elle-même. Extrait du journal d'un montagnard #
Il est possible de voir, depuis les aiguilles de Bavella, l’île de Montecristo ainsi que celle de Pianosa en Italie, l’île de Montecristo, comme vous le savez, étant celle qui a directement inspiré Alexandre Dumas pour son célèbre roman le comte de Monte-Cristo !
Vous pouvez ici voir des taffoni, des trous dans les parois granitiques causés par l’érosion, formant de véritables petites cavités offrant un refuge de fortune, à en juger par les pierres qui ont été empilées devant, de sorte à faire un coupe-vent, il est possible de croire que des personnes y ont dormi !
Et nous voilà sur le plus haut versant des aiguilles, il est impossible ici d’aller plus loin sans pratiquer de l’escalade, et je ne suis pas là pour ça, nous allons désormais redescendre en les longeant, ce qui nous permet de continuer à apprécier la beauté d’un tel décor granitique grandiose.
