Visite de la tombe d'un Corse comme il en existe tant d'autres qui parsèment les routes de ce pays, mais mettons cette situation en rétrospective :
La tombe sauvage des chevaliers sur les sommets des montagnes
La sépulture isolée de la famille Monti-Rossi, située près de la chapelle Saint-Sébastien sur les hauteurs de Palasca en Haute-Corse, reflète l’histoire et le statut de cette lignée noble corse.
Selon l’Armorial Corse de Colonna de Cesari Rocca, la famille Monti-Rossi est reconnue comme noble depuis 1788, avec une filiation remontant à Resturuccio Monti, fils du capitaine Pierre Paul de Palasca, actif dès 1561. Des membres de la famille, tels que Michel et Giovanni Monti, ont servi comme capitaines de milices corses, et Louis de Monti-Rossi a été fait chevalier, illustrant leur rôle militaire et social dans la région.
Ainsi, surplombant la vallée de l’Ostriconi, la sépulture des Monti-Rossi demeure l’ultime lieu de repos de cette lignée chevaleresque. Ayant élu domicile au sommet d’une petite montagne, près d’une chapelle dominant Palasca, ils reposent aujourd’hui sous la terre qu’ils ont, de leur vivant, œuvré à servir sans relâche. Tel est le souhait de tous les hommes attachés, ne serait-ce qu’un peu, à leur patrie ou à leur maison : demeurer, à leur mort, chez eux, sur leur terre, là où ils ont grandi, vécu et parfois même fini leurs jours, si le destin leur a fait la grâce de s’y trouver au bon moment. Je trouve cela louable. Ce n’est pas exactement la même symbolique que d’être enterré dans un cimetière communal, parfois éloigné de chez soi, même s’il reste dans le village, le département, la région ou, en dernier recours, simplement le pays. Pour ma part, mon vœu le plus intime serait de reposer, au dernier jour, quelque part dans les Pyrénées, parmi les crêtes, les vallées et les sommets majestueux. Hélas, une telle entreprise est proscrite par la loi ; Et c'est tout à fait compréhensible, il ne faudrait pas dénaturer ce si beau massif, mais l’adage qui prétend que l’on ne peut refuser les dernières volontés d’un défunt sonne dès lors comme une belle illusion.
Exposition du raisonnement sur la tradition de l'inhumation dans une sépulture sauvage chez le peuple Corse
La tradition corse veut que les familles nobles ou influentes disposent de sépultures sur leurs terres ancestrales, souvent en des lieux élevés ou symboliques. Le tombeau des Monti-Rossi, en est un exemple. Ce caveau n’a rien de spectaculaire ; il en existe des centaines qui jalonnent les routes oubliées de Corse, certains gigantesques, d’autres plus modestes, certains connus, d’autres tomber dans l'oubli. Pour certains Corses, enterrer ses morts dans une tombe familiale n’est pas seulement une tradition : c’est un véritable devoir de mémoire.
Dans de nombreuses cultures, offrir une sépulture décente à ses morts est essentiel, sinon les défunts ne pourraient trouver le repos éternel, et les familles négligentes seraient la risée de leurs pairs. Dans le christianisme, religion majoritaire en Corse, aucune obligation précise n’est prescrite quant aux rites funéraires, mais il est coutume d’enterrer le défunt correctement, souvent auprès de ses aïeux. Moïse fut enterré par Dieu lui-même « dans la vallée, au pays de Moab, et Jacob fut embaumé puis transporté en Canaan pour être mis dans le tombeau de ses pères. Ainsi, en Corse, les tombes familiales sont une véritable tradition, toujours pratiquée.
Aujourd’hui en France, le principe général est que les morts ne peuvent pas être enterrés dans un terrain privé appartenant à la famille ; ils doivent l’être dans un cimetière communal ou, à défaut, être incinérés, l’urne pouvant alors être conservée par la famille. Une exception existe, prévue par l’article L2223-9 du CGCT, qui permet l’inhumation dans un terrain privé, mais sous des conditions strictes : le terrain doit être hors des zones urbaines, une autorisation préfectorale est requise, et l’avis d’un spécialiste (comme un hydrogéologue) est nécessaire pour vérifier la sécurité du site.
Les conséquences sont importantes : la sépulture devient perpétuelle, inaliénable et incessible. Si le terrain est vendu, la tombe ne peut être déplacée par un particulier ; seule l’administration, peut intervenir. Cette règle a un impact sur la valeur foncière et l’attractivité de la zone. Sur le continent, cette exception est rarement accordée, mais en Corse, elle bénéficie d’une certaine souplesse, en raison des traditions locales.
Les Corses ont toujours donner du crédit à ces tombes familiales pour plusieurs raisons :
Symbole de pouvoir : plus la tombe est luxueuse, plus la famille est notable.
Symbole de respect : s’occuper correctement des morts est essentiel pour préserver le respect au sein de la famille. Laisser un défunt sans sépulture décente était très mal vu, considéré comme une impuissance de la famille à pourvoir à préserver la dignité des membres de son groupe.
Utilité foncière : ces caveaux peuvent réduire la valeur patrimoniale du terrain, et ils permettent de limiter le rachat des terres par des étrangers, les Corses étant traditionnellement soucieux de conserver leurs terres au sein de la famille ou de la communauté.
Ainsi, il semble fondamental, lors d’un voyage en Corse, de visiter au moins une sépulture. Comprendre l’histoire des Corses passe aussi par l’observation de ces monuments particuliers qui sont omniprésents sur l'île et témoignent de leur culture et de leurs traditions.
