La cascade de Piscia di Ghjaddu est sans doute l’une des plus impressionnantes de toute l’île. Son nom peut se traduire par cascade du sapin, puisque en corse, ghjaddu signifie sapin. Ce mastodonte d’eau et de pierre jaillit au cœur du massif de l’Ospedale et se précipite dans le vide sur plus de 70 mètres de hauteur.
Pour y parvenir, je progresse dans un décor très forestier, dense et fermé, qui me rappelle les Landes. On a presque la sensation que la forêt vous engloutit et vous enferme en elle-même. Et si vous avez la chance d’y aller un jour de vent, vous verrez les arbres bouger de tout leur long, ce qui peut être assez inquiétant, vous ne trouvez pas ? Le vent s’engouffre dans leur branchage, les fait se balancer de part et d’autre, et avec leurs troncs encore assez fins, on devine qu’ils ne sont pas bien vieux — rien à voir avec les immenses pins de la forêt d’Aïtone.
Une fois cette partie forestière terminée, je débouche sur un plateau rocailleux qui offre une vue imprenable, à la fois sur la mer et sur les montagnes cisaillées qui me font face. Là, tout devient plus clair : les aiguilles de Bavella ne sont rien de plus que la version gigantesque de ces mêmes montagnes, façonnées par l’érosion et le temps. En poursuivant un peu plus loin, je surplombe une belle rivière blottie dans une gorge. Je m’y suis même accordé un petit détour, tant l’endroit est magnifique.
Plus loin encore, je tombe sur un taffoni géant. En passant sous cet abri rocheux, j’arrive enfin au sommet de la cascade : ça y est, je suis arrivé. Mais le reste appartient à l’interdit. Le chemin s’arrête net ici. Bien sûr, il est toujours possible de tenter de descendre plus bas, mais c’est périlleux, je dois l’avouer. D’ailleurs, je vous le dis franchement : à un moment, je n’ai simplement plus vu de sentier. C’était comme s'il fallait plongeait à pic vers le lac, sans détour !
Extrait du journal d'un montagnard #
À noter la présence d’un sapara, qui signifie abri sous roche. Cette appellation est typique du sud de la Corse. Durant l’époque de la transhumance, les bergers partaient dans la montagne, vivant au rythme de leur troupeau. Pour se protéger des intempéries, ils élisaient domicile dans des abris naturels. Ces abris pouvaient être aménagés, ils changeaient alors de nom et devenaient des orria.
Traditionnellement, les bergers portaient une cape à capuche en poil de chèvre, appelée pilonu, et gardaient en permanence leur fusil avec eux.
La cascade n'est pas artificielle en elle-même, mais son débit l'est, plus haut, le lit du ruisseau de Palavenasi est régulé au niveau du barrage de l'Ospédale que j'ai visité plus tardivement, au delà, l'eau vient se jeter dans l'Osu.
Extrait du journal d'un montagnard #