- Etrange panneau près de la maison -
Ici, la maison de Baccialu est comme un refuge : Depuis presque deux siècles on n'a fait que passer. Voyageurs, coursiers, chasseurs, bergers, paysans et pèlerins : Baccialu est une halte un peu inattendue mais espérée entre plusieurs mondes : Côté montagne, le Nebbiu, côté mer, l'Agriate. À l'est, l'Agriate cultivé des Capcorsins et du Tenda, à l'ouest l'Agriate pâturé des bergers des montagnes. Baccialu est surtout au cœur d'un territoire qui hésite entre légendes et réalité et où l'on peut croiser, au détour d'un sentier, un ogre, des amants maudits, un serpent à tête d'oiseau ou même le diable. Baccialu, c'est ici que tout se raconte.
''Da i nuli à u Mare'' : Des nuages à la mer, s'étire un territoire que l'on dit ''désert''. l'Agriate, traversé de simples pistes, ne connaissant nul village, ou presque, aux milites floues. Vers le sud et l'est, où les crêtes accrochent les nuages, n'est ce pas aussi le Nebbiu, terre de la brume, à Nebbia ? Et ce ''désert'' ! L'est-il réellement quand paillers et pierres dressées racontent les temps oubliés des paysans et des bergers ? Agriate ou Nebbiu ? Désert ou grenier à blé ? L'histoire et la géographie ont longtemps hésité et hésitent encore. Des nuages à la mer s'étire un territoire peuplé de traces singulières, infiniment habité de récits qui franchissent parfois les horizons familiers.
Sa silhouette imposante est la porte qui sépare deux mondes tangibles : Côté levant, les prés, terres portant champs, vignes et oliviers ; Côté couchant, les paysages plus arides et tourmentés des maquis à chèvres. L’été, à l’est du Ghjenuva, les paysans du Tenda et du Cap Corse venaient cultiver blé, olives, vignes, amandiers, figuiers, agrumes. L’hiver, à l’ouest, venait le temps des bergers descendus des montagnes d’Ascu, qui occupaient les paillers et laissaient paître leurs chèvres. Le temps d’une rencontre, à l’automne, on échangeait fruits contre fromages. Il y a encore une centaine d’années, 300 personnes occupaient les bergeries éparses, l’espace d’une saison, avant de regagner les villages.
Tel Janus aux deux visages, Monte Ghjenuva cache dans ses replis rocheux les traces de cultes anciens et d’histoires qui racontent d’autres passages, plus mystérieux... Certains jours de mai, ne voit-on pas une étrange lumière translucide entourer le mont ? On dit alors que les chèvres se préparent à l’assaut de la montagne et y passent la nuit. Le lendemain, les bergers viennent recueillir, dans les creux des pierres, sur les arbustes et les fleurs, le miel miraculeux, blanc et sucré. D’autres matins, à l’heure où la nuit cède au jour, ne croit-on pas apercevoir deux silhouettes sur les pentes du Ghjenuva ? Celle d’Attili, il était fils du seigneur de Casta, elle était fille du seigneur d’Ortella, enfants de deux familles ennemies. Leurs amours interdites ne pouvaient que finir dans le sang : Celui d’Orlando, tombé dans une embuscade, celui de Stella, tuée par son père au sommet du mont.
Tel Janus aux deux visages, Monte Ghjenuva veille sur tous les passages.
D’essence noble, il doit sa force, selon la mythologie, à sa créatrice Athéna qui, en compétition avec Poséidon pour la possession de l’Attique, aurait donné vie à cet arbre éternel afin d’offrir « à l’humanité le don le plus utile ». Ses fruits symbolisent la richesse et son huile, la lumière divine… révélant la polyvalence de son usage durant l’Antiquité : alimentaire bien sûr, mais aussi rituel, comme onguent magique ou sacré, bénéfique au soin du corps, ou encore utilitaire comme source d’éclairage à la mèche et comme imperméabilisant pour les cuirs.
Les premiers oliviers cultivés en Corse remontent au Néolithique (entre 5700 et 2000 av. J.-C.). Certains des plus anciens, toujours vivants, ont plus de 3 000 ans. Aujourd’hui, plus de 180 producteurs répartis sur l’ensemble du territoire insulaire bénéficient de l’AOP « Oliu di Corsica », garant d’une tradition et d’un savoir-faire local. Certains d’entre eux sont présents dans l’Extrême-Sud, notamment le domaine de Torraccia, le domaine Valicella, ou encore le Clos Canarelli et le domaine de Jean-Pierre Antonetti.
U mazzeru est une sorte de sorcier-devin qui, dans ses rêves, part chasser la nuit et découvre, à travers sa proie, le visage d’un habitant de son village. Cette vision est annonciatrice de la mort prochaine de la personne révélée, ou d’un membre de sa famille. Le sorcier devient alors acciaccatori, celui qui assomme et accompagne l’âme vers son destin funeste. La mort véritable surviendrait dans les trois jours, ou dans un nombre impair de jours au cours de l’année.
Mais le pouvoir du mazzeru est complexe : selon l’âme qu’il rencontre, il peut aussi tenter de la sauver et d’en limiter le malheur. Dans ce cas, il est appelé salvatori.
La mémoire collective rapporte que les mazzeri de la région se réunissaient dans la forêt di U Spidali, sur un site nommé I teghji di u Barrucacciu. On raconte aussi que des batailles de mazzeri, appelées i mandraghi, opposaient deux pievi dans la nuit du 31 juillet. De leur issue dépendait alors la mortalité du territoire, selon qui en sortait vaincu ou vainqueur.