Corte

Publiée le 24/09/2025
Découverte de la belle ville de Corte

Corte, la ville fortifiée au centre de la Corse

Corte est une ville sublime, elle fut même considérée sous Pascal Paoli comme la capitale de la Corse. Il s'agit d'une petite ville fortifiée, protégée géographiquement car retranchée dans les montagnes et communiquant avec une gorge immense d'où part la Restonica.

Au IXe siècle, la ville était déjà considérée par beaucoup comme une place forte et attira la convoitise des Génois, qui s'en emparèrent vers le XIIIe siècle afin de construire une gigantesque citadelle sur l'éperon rocheux qui dominait le village.

Ce piton rocheux fut fortifié par un gouverneur espagnol, vice roi de corse au nom de la couronne d'Aragon vers 1419. Ainsi, ce « nid d'aigle » se dresse dans ce paysage montagneux, entrecoupé au loin de plaines, comme une figure de l'autorité génoise sur les terres corses. On y accède par un escalier en marbre provenant de la carrière de la Restonica. Cette place forte fut à l'origine occupée par les seigneurs féodaux avant la mise en place de la citadelle génoise, puis par l'occupant génois, puis par l'envahisseur français, qui construisit le modèle qui s'en rapproche le plus aujourd'hui.

L'enceinte de la citadelle renfermait des habitations et une chapelle, qui ont malheureusement été détruites par Louis XV, ordonnant à la place la construction d'une grande caserne militaire qui deviendra une prison, puis, ironiquement, de nos jours, de nouveau un lieu d'habitation pour les citoyens, à moins qu'il ne s'agisse de l'internat de l'institut de technologie.

Vue de la citadelle de Corte
Vue de la citadelle de Corte.2

L'Intérêt stratégique de la forteresse

La forteresse de Corte, aussi appelée le « Nid d'Aigle », possède une valeur stratégique indiscutable du fait de sa position géographique, voilà pourquoi : dès le Moyen Âge, cette forteresse permettait de contrôler le passage entre le Nord et le Sud de l'île par l'intérieur des terres, et également l'axe de communication Est-Ouest, de la plaine orientale au Niolu et à la Balagne. On comprend dès lors pourquoi le « Nid d'Aigle » n'a cessé, à travers l'histoire, d'être fortifié par ses différents propriétaires.

C'est pourquoi, de tout temps, les puissances qui convoitaient la Corse ont été soucieuses de s'emparer de cet emplacement. Cependant, Corte n'était pas l'unique ville stratégique, bien au contraire. Si vous avez lu mes précédents messages sur les villes d'Ajaccio ou de Bastia, vous aurez compris que les implantations des Génois dans ces villes ont amené Corte à être moins intéressante d'un point de vue stratégique, car ces villes sont avec le temps devenues autosuffisantes. D'autres villes comme Calvi et Bonifacio, qui devaient toujours, pour commercer entre elles, passer par le carrefour central de Corte, demeuraient aussi puissantes que cette dernière. Avec le temps, Corte est donc devenue, militairement parlant, une ville comme les autres.

Cependant, son intérêt reste notable : durant la conquête de l'île par la France en 1769, l'intention première de la royauté fut, en raison de la centralité du lieu et de sa capacité militaire, d'en faire la capitale militaire de l'île. Mais ce projet fut vite abandonné en raison des progrès de l'artillerie : la ville, en hauteur et découverte, devenait une cible de choix.

Corte est l’unique citadelle de l’île à l’intérieur des terres. Son édification a commencé au Moyen Âge. Le château fort a d’abord été construit en 1419. Situé au-dessus du confluent du Tavignano et de la Restonica, il est défendu par une muraille crénelée, renforcée par trois tours. Vincentello d’Istria, vice-roi de Corse, vassal du roi d’Aragon Alphonse V, en est à l’origine. Menant depuis plusieurs années la résistance contre la république de Gênes, il installe à Corte le siège du pouvoir et le maintient jusqu’en 1434, date à laquelle il est livré aux Génois et décapité.
Trois siècles et demi plus tard, en 1769, la défaite des Nationaux mené par Paoli à Ponte Novu marqua la fin de la Nation Corse indépendante. Les troupes du Roi de France entreprirent alors la construction de la citadelle proprement dite et de la caserne. Deux objectifs sont assignés à celles-ci : faire de Corte l’ultime retraite en cas d’attaque ennemie. Puis, faire de la ville une place forte pouvant recevoir une garnison capable d’empêcher toute insurrection.

Depuis le XIVe siècle, la cité de Bastia est vouée par les Génois au commandement du littoral et au développement du commerce et du territoire insulaire. Le véritable pouvoir politique de la Corse du XVIIIe siècle, réside en fait à Corte.
En 1755, pour des raisons stratégiques, Pascal Paoli établit à Corte le siège du gouvernement et la capitale de la Corse. Il y installe les États de Corse, fonde l’imprimerie nationale et l’Université et devient le symbole de la Corse unifiée et indépendante. Charles Bonaparte, père de Napoléon Ier, y étudie le droit. Il s’engage alors aux côtés de Paoli dans la lutte pour la défense de la Nation Corse. Après son mariage, Charles s’installe à Corte avec son épouse Letizia. Napoléon, leur second fils, y sera conçu.
La chute de la Nation Corse en 1769 mettait définitivement fin au statut de capitale de Corte. Son Université est fermée. Bien que la question d’implanter le siège de l’assemblée de Corse à Corte revienne de temps à autre dans le débat public, le lieu du pouvoir régional est aujourd’hui concentré sur Ajaccio. L’Université, quant à elle, sous l’impulsion d’une vaste mobilisation populaire, a rouvert ses portes en 1981.

Vue d'une rue à Corte
Vue du paysage depuis Corte

La petite chapelle sainte croix de Corte

On peut découvrir un pavement de marbre gris provenant de la Restonica, une nef unique qui offre d’intéressants effets en trompe-l’œil. Un beau retable baroque surprend par son caractère très expressif. Au-dessus de l’autel, se trouve un grand médaillon en relief représentant la Vierge de l’Apocalypse avec à sa droite deux Papes et à sa gauche deux pénitents en cagoule. L’église est dotée d’un orgue à l’italienne, orgue en fer forgé avec un clavier et sans pédalier.

Vue de la chapelle
Vue de la chapelle.2
Vue de la chapelle.3
Vue du Ponte Vechjiu

Le Ponte Vechju

Je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit sur les ponts génois, mais rappelons simplement que le nom provient à la fois du fait qu’ils aient été bâtis par la puissance génoise, mais aussi de sa technique de construction : une arche unique en forme de dos d’âne, reposant systématiquement sur deux culées depuis les berges. Ces culées sont constituées de gros blocs de pierre qui précèdent l’arche généralement unique. Le pont possède un tablier resserré, pas droit mais incurvé, adoptant la forme des arches afin de permettre aux charrettes et aux passants de circuler tout en garantissant une bonne résistance aux crues et aux objets que ces dernières pourraient amener dans leur descente. Enfin, cela permet même à de petites barques avec des marchandises de passer sans encombre bien que ce détail soit généralement un prérequis en matière de construction de pont.

Au-dessus du pont, on peut encore voir plusieurs moulins hydrauliques, aujourd’hui restaurés en habitations. Ils étaient alimentés par le canal de Baliri. Sur les façades, on distingue encore les dérivations qui permettaient de détourner l’eau. Témoignages d’une époque où l’activité agricole était à son apogée, ces moulins à roue horizontale transformaient la production de céréales et de châtaignes locales. Dans les environs de Corte, en 1829, on comptait 323 moulins actionnés par le travail de 418 hommes. Cela montre qu’au début du XIXᵉ siècle, la culture des céréales devait être très importante dans la région.

On a d'ailleurs retrouvé près du Ponte Vechju des vestiges d’anciennes thermes romaines. Ce détail, en plus des découvertes de pièces de monnaie, de poteries, de tuiles et de tessons de céramique romaine dans la région, conforte l’idée que, par le passé, ces terres avaient été occupées par la nation romaine ! Cela remonterait probablement au IIᵉ siècle après J.-C.

Vue d'un tag
Vue d'un tag.2

La consommation de la drogue chez le peuple Corse

Beaucoup entretiennent le cliché du Corse vivant au-dessus des lois, un véritable bandit du maquis qui ne reconnaîtrait « ni dieu ni maître », pour qui la prostitution, la drogue ou la vengeance n’auraient aucune importance. En réalité, tout cela n’est qu’une caricature. Après avoir discuté avec plusieurs Corses, j’ai compris que le peuple est assez simple à saisir : ils peuvent être amenés à refuser l’ingérence de l’État dans les affaires de vengeances privées, voire personnelles entre deux individus, notamment lorsqu’il s’agit de défendre leur intégrité ou leurs biens. Mais concernant la majorité des infractions, comme la vente de drogue, la population les réprouve fermement.

Un homme de lettres rencontré lors de la visite de l’église de Murato m’a confié que la drogue est devenue un véritable fléau au cours des vingt dernières années, alors qu’autrefois elle était presque absente ou limitée à des proportions bien plus modestes sur l’île. Pourquoi ? Parce que les Corses forment encore un peuple traditionnel, moral et intègre.

Sur le plan du traditionnalisme, contrairement aux Français du continent, les Corses n’ont pas connu la même évolution des mœurs débridées. Ainsi, la drogue reste pour eux un sujet controversé et mal connu. Ils se réfèrent à leurs aïeux qui, comme en France autrefois, réprouvaient la consommation régulière de ce type de produits, car celle-ci entraînait une perte partielle, voire totale, du discernement, considérée par beaucoup comme une faiblesse. De la même manière, l’alcool était dénigré, et les buveurs réguliers écopaient de surnoms péjoratifs tels que soulard, pochtron ou ivrogne.

Sur le plan moral, même si la majorité ne réprouve pas le fait d’essayer, et qu’une partie du peuple tolère une consommation personnelle lors d’événements, la société corse rejette fermement le trafic organisé lié à la drogue, perçu comme une menace qui sème la mort, alimente l’achat d’armes, les règlements de comptes, le désœuvrement des plus vulnérables et, inévitablement, l’augmentation de la criminalité.

Ainsi, dans chaque ville, il est possible de trouver une population corse active qui lutte tant bien que mal contre la drogue, toujours de manière pacifique, en se limitant à des actions de sensibilisation lors de manifestations ou par le biais de tags. Bien que ces derniers puissent s’apparenter à du vandalisme, ils n’ont pas vocation à alimenter la xénophobie ni à attiser un sentiment de peur ou d’insécurité, comme le prétendent certains ignorants qui ne saisissent pas l’ampleur du problème. La vérité est qu’en tant que Français, nous connaissons mieux que quiconque les ravages liés à la drogue et l’insécurité croissante dans certains quartiers de métropoles où, il y a vingt ans, il faisait bon vivre et où les faits divers restaient rares. Aujourd’hui, lorsqu’un « fait divers » se produit chaque jour au point qu’il devient prévisible de s’exposer à des risques pour son intégrité ou ses biens dans certains lieux, ce n’est plus un fait divers : c’est une réalité installée. Et pourtant, nous, Français, détournons le regard, comme si nous étions complices de cette criminalité croissante, comme si nous avions appris à vivre avec elle et qu'il devenait presque alarmiste de la condamner.

Bien sûr, certains me qualifieront d’alarmiste, mais actuellement en quatrième années d’études en droit pénal et l’obtention d’un certificat en sciences criminelles, j’estime avoir suffisamment réfléchi sur la criminalité dans nos sociétés. Libre à vous de faire l’autruche et de ne pas voir que nos pouvoirs publics finiront par être moins puissants que ces bandes criminelles transfrontalières, tandis que le peuple paiera, encore et toujours, les pots cassés, certains m'ont déjà bien fait comprendre que le problème venait de moi et que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Après tout, un problème n’existe que lorsque vous daignez poser les yeux dessus. Tant qu’il ne vous atteint pas, il n’existe pas, diront les bourgeois moralisateurs depuis leur jolie tour de cristal.

Je comprends donc que les Corses refusent cette criminalité sur leur île, dans leurs villes, et qu’ils ne veulent pas que leurs enfants ou leurs proches subissent demain les conséquences de leur passivité d’hier face à un mal qu’ils auraient pu tenter d’endiguer.

Pour finir, je tiens à préciser que je ne me suis jamais senti en insécurité en Corse : j’y ai séjourné trente jours, souvent sur des parkings publics afin d’éviter les frais de camping, et je n’ai jamais eu la moindre altercation avec un local.

Les tags chez le peuple Corse

Je dois dire qu’il y a énormément de tags xénophobes en Corse. Loin des slogans comme « Mafia fora », il est possible de lire, sur les murs d’une ville, sur un panneau, un pont, un tunnel ou une rambarde de route : « I Francesi fora », « Francia fora » absolument partout, « I turisti fora » vers la forêt d'Aïtone, et même un « Arabi fora » à Patrimonio, je passerai sur les RN et LFI fora dans la vallée de la Restonica. Cela signifie globalement : « Tout ce qui n’est pas comme moi, dehors ! » sauf pour les deux derniers, qui témoignent que ces tags sont avant tout fait par une population politisée aux extrêmes, sans doute jeune ?

Sincèrement, ne trouvez-vous pas ce genre de mentalité dangereuse ? Moi, si. C’est une incitation à la haine, brutale, dirigée contre des groupes de personnes innocentes qui n’ont aucun ennemi, contrairement à ces quelques extrémistes qui leur vouent une haine viscérale.

Aujourd’hui, je ne dis pas que tous les pays doivent devenir des terres d’accueil ouvertes au monde, ni que chacun doit courber l’échine face à l’étranger au risque de perdre son identité. Mais pourquoi, diable, rejeter l’autre sans compromis ? Pourquoi haïr sa différence simplement parce qu’il n’est pas exactement comme eux  ?

Sachant que la Corse est fondamentalement un pays tourné vers l’extérieur, car le tourisme représente plus de 40 % du PIB de l’île, il est clair que l’île vit en partie de l’attrait qu’elle procure à des peuples étrangers : des visiteurs désireux de découvrir sa beauté, ses traditions, ses histoires et ses coutumes. Alors pourquoi se fermer à des gens qui ne demandent qu’à les connaître  ?

Je pense qu’il existe un lien de corrélation entre la pauvreté linguistique de ces slogans, composés à 99 % du mot « fora » et le profil des auteurs qui les écrivent. Il s’agit, selon moi, en majorité d’une jeunesse déconnectée de la réalité, loin des problèmes réels de ce monde.

La plupart des tags, présents sur des rambardes de route, des ponts et des lieux touristiques éloignés des villes et des villages, témoignent que ce n’est pas la population ouvrière de Corse qui les écrit, mais bien des jeunes qui ne travaillent pas, peut-être des adolescents, des étudiants. Poussés par une volonté de retrouver des racines patriotiques, ils basculent dans un syllogisme simpliste et hostile envers tous les étrangers.

Je pense également qu’ils sont jeunes parce que « fora » est un mot simple. Je doute qu’ils maîtrisent réellement leur langue corse ancestrale, n’en connaissant que quelques bribes. Les slogans ne sont que très rarement des phrases complètes en corse, mais plutôt des mots isolés, dans la majorité des cas les phrases sont écrites en français. Bien sûr, le mot « fora » a aussi une portée symbolique forte, utilisée dans toutes sortes de contextes, mais au fond, ces jeunes, sans doute pas très malins, écrivent « fora » parce qu’ils ne connaissent même pas réellement leur propre langue.

Raisonnement personnel sur le mouvement indépendantiste Corse, le FLNC

Historique du mouvement ; 

Le nationalisme corse moderne s’est structuré après la Seconde Guerre mondiale, d’abord à travers des cercles intellectuels et culturels, puis via des organisations étudiantes et politiques dans les années 1960. L’événement fondateur survient en 1975 avec l’affaire d’Aléria : Cette affaire s’inscrit dans le contexte des accords d’Évian. Ces accords ont permis de reloger des pieds-noirs ainsi que certains Maghrébins travaillant pour eux à Aléria, dans la plaine orientale, à la suite de la déclaration d’indépendance de l’Algérie. L’État français a relocalisé ces individus dans des fermes appartenant à des agriculteurs corses et leur a octroyé de larges subventions afin de subsister. Cependant, les agriculteurs corses, eux, n’ont rien eu : ils ont vu leurs terrains réquisitionnés par la puissance publique, en recevant une compensation dérisoire. Pire encore, alors que toute leur activité se trouvait compromise à cause des champs perdus, ils voyaient des « étrangers » bénéficier de subventions importantes de la part de l’État. Naturellement, la jalousie et l’incompréhension, aidées par un ras-le-bol général, ont conduit les Corses à mener des incursions contre ces pieds-noirs. Jusqu’à ce qu’un événement fatidique survienne : l’occupation d’une cave viticole par des militants, qui tourne au drame avec la mort de deux gendarmes et plusieurs blessés parmi les forces de l’ordre qui encerclaient le bâtiment. Cet épisode marque l’entrée en scène de la lutte armée, qui se concrétise l’année suivante avec la création du Front de Libération Nationale Corse (FLNC).

Durant les décennies 1980 et 1990, le FLNC mène de nombreuses actions violentes : attentats à l’explosif, attaques contre les symboles de l’État français, assassinats de représentants des forces de l’ordre. Le mouvement connaît des scissions internes, mais reste un acteur central du nationalisme corse armé. L’assassinat du préfet Claude Érignac en 1998, par le militant indépendantiste Yvan Colonna, constitue un point de bascule et un choc national. On peut retrouver régulièrement, en Corse, dans presque chaque ville, des tags ou même des fresques parfois très travaillées surtout à Bastia, affirmant qu’Yvan Colonna est un héros ou qu’il est innocent. Or, il s’agit bien d’un homme condamné pour avoir assassiné un préfet, ce qui demeure un fait d’une gravité exceptionnelle. La motivation principale derrière ce meurtre était politique : Érignac incarnait l’autorité de l’État français sur l’île, et sa présence et ses décisions dérangeaient certains nationalistes radicaux. Ici, je ne suis pas là pour dire si ce qu'il a fait été justifié ou non, parfois il faut se salir les mains, d'autrefois non, je rappelle simplement que ce qu'il a fait est mal, objectivement, c'est mal de tuer un homme innocent uniquement pour sa fonction afin d'envoyer un message, et pourtant une infime partie de la population continue de voir en cet individu un héros.

À partir des années 2000, une partie du mouvement se tourne vers la voie politique. Les partis nationalistes commencent à remporter des élections locales et, en 2015, une coalition autonomiste et indépendantiste gagne pour la première fois la majorité à l’Assemblée de Corse. En 2014, le FLNC annonce officiellement sa sortie de la clandestinité, mais des résurgences violentes se produisent encore, comme les attentats de 2023 contre des résidences secondaires. Aujourd’hui, le nationalisme corse est essentiellement représenté dans les urnes, même si des groupuscules radicaux continuent d’exister.

Soutien populaire : 

Les sondages montrent que l’indépendance recueille un soutien minoritaire, oscillant autour de 10 à 15 % parmi la population corse. En revanche, l’idée d’une autonomie élargie séduit une majorité d’habitants, ce qui s’est traduit dans les urnes.

Aux élections territoriales, les listes nationalistes représentaient environ 37 % des voix en 2010. En 2015, elles atteignent 35 %, ce qui leur permet d’accéder au pouvoir régional. En 2017, elles culminent à plus de 56 % au second tour et en 2021 à près de 68 %. Depuis 2017, trois des quatre députés corses à l’Assemblée nationale sont issus de ce courant. Ces succès électoraux illustrent une forte légitimité politique, même si elle s’exprime davantage en faveur de l’autonomie que de l’indépendance pure et simple.

Les mobilisations populaires viennent renforcer ce constat : des manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes ont régulièrement eu lieu, que ce soit pour réclamer plus de reconnaissance politique, la libération de prisonniers ou encore après l’agression d’Yvan Colonna en 2022.

Violence et criminalité :

Pendant plusieurs décennies, le FLNC a revendiqué des centaines d’attentats. Ces actions visaient des bâtiments administratifs, des résidences secondaires appartenant à des continentaux, ou encore des représentants de l’État. Plusieurs gendarmes et policiers ont trouvé la mort dans ces attaques. L’assassinat du préfet Érignac en 1998 reste l’événement le plus marquant de cette période.

Le mouvement indépendantiste a également été traversé par des luttes internes et parfois des liens avec le grand banditisme, donnant lieu à des règlements de comptes sanglants. Si les partis politiques nationalistes condamnent aujourd’hui la violence et affirment leur attachement au cadre démocratique, la mémoire de ces actions continue de peser sur leur image.

Xénophobie et tensions identitaires

Le nationalisme corse se fonde principalement sur la défense de la langue, de la culture et de l’identité insulaire. Cependant, certains discours et actions ont parfois pris une tournure xénophobe, visant notamment les populations Françaises, maghrébines, et les touristes perçus comme des colonisateurs démographiques.

Des attentats dans les années 1980 ont explicitement visé des travailleurs immigrés. Plus récemment, des slogans et graffitis hostiles aux « étrangers » ou aux « Français » apparaissent sporadiquement. Néanmoins, les partis nationalistes majoritaires rejettent officiellement ces dérives et mettent l’accent sur des revendications politiques et culturelles, comme la co-officialité de la langue corse.

Enjeux politiques, économiques et culturels :

L’indépendance corse représenterait une rupture majeure. Politiquement, elle se heurterait au principe constitutionnel d’indivisibilité de la République française. Économiquement, la Corse dépend largement des transferts financiers de l’État et de l’Union européenne : sans ce soutien, l’équilibre budgétaire et social serait difficile à maintenir, avec un risque d’appauvrissement marqué.

De plus, comme on l’a vu en Nouvelle-Calédonie, les territoires stratégiques appartenant à la France ne peuvent pas décider seuls de se soustraire à son autorité, car la perte serait trop importante pour l’État. La Corse, en particulier, est le territoire extracontinental français le plus important en Méditerranée. Elle possède de nombreux ports militaires et sémaphores, permettant un contrôle efficace de la navigation, et constitue un point de passage et de repos entre l’Italie et la France. Sa position géographique sépare la mer Ligurienne de la mer Tyrrhénienne, renforçant son rôle stratégique. De plus, sa population représente une main-d’œuvre locale significative et contribue à une levée militaire potentielle en plus d'abriter le siège du 2 REP. En somme, la Corse n’est pas seulement un symbole culturel : elle constitue un point clé pour la défense, le contrôle maritime et la logistique française en Méditerranée. Si révolution il devait se faire, la France la réprimerai dans le sang comme en Nouvelle Calédonie, elle ne peut prendre le risque que ce territoire tombe entre les mains d'une autre puissance qu'elle.

C’est pourquoi l’hypothèse la plus réaliste aujourd’hui est celle d’une autonomie renforcée, accordant à la Corse davantage de compétences en matière de fiscalité, de gestion des terres, de langue et d’éducation. Ce modèle permettrait à la collectivité de protéger son identité et de mieux contrôler son développement, tout en conservant les avantages de l’appartenance à la France et à l’Union européenne.

Les législateurs et le gouvernement ne s’y opposent pas, puisque, après avoir consacré en 1991 un statut particulier pour la Collectivité territoriale de Corse afin de renforcer son autonomie, ils ont projeté en 2025 un projet de loi constitutionnelle visant à reconnaître un statut d’autonomie pour la Corse au sein de la République, prenant en compte ses spécificités liées à son insularité et à sa communauté historique, linguistique et culturelle. Ce projet prévoit la création d’un nouvel article 72‑5 dans la Constitution de 1958, qui confère à la Collectivité de Corse des pouvoirs d’adaptation et de fixation de certaines normes locales dans des domaines comme l’aménagement du territoire, le tourisme ou le développement économique, tout en excluant les matières régaliennes (justice, sécurité, droit électoral, nationalité) et celles relevant des communes. Les normes ainsi adoptées seront soumises au contrôle juridictionnel du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel, et une consultation des électeurs corses pourra être organisée sur le projet de loi organique précisant le régime d’autonomie. Ce projet découle de l’accord politique conclu en mars 2024 entre le gouvernement et les élus corses, après plusieurs années de tensions liées à la violence sur l’île, et a été adopté à large majorité par l’Assemblée de Corse. Pour entrer en vigueur, la révision constitutionnelle devra être votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, puis approuvée par référendum ou à la majorité des trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès. Le Conseil d’État a reconnu le caractère inédit du statut et sa compatibilité avec les grands principes de la République, tout en recommandant certaines modifications qui n’ont pas été reprises par le gouvernement.

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1 Voyage | 81 Étapes
Corte, Corse, France
19e jour (18/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

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