Les niveres de Bastia, véritable congélateur naturel
Au col de Bocca Pruna, à 600 mètres d'altitude, il est possible d'apercevoir un grand édifice circulaire à la toiture arrondie, tout de pierre des murs jusqu'aux tuiles. Il s'agit d'une construction datant du XVIᵉ siècle dont la fonction était d'alimenter en blocs de glace la ville de Bastia, alors sous domination génoise. Ce bâtiment, nommé « Nivera Nova », est composé de deux immenses puits circulaires destinés à tasser la neige abondante en hiver.
Le gouverneur siégeant à la citadelle exigeait que soit organisée une livraison régulière de glace pour répondre aux besoins des hôpitaux de la ville afin de faire baisser la fièvre, engourdir les membres douloureux, puis aux besoins des commerces alimentaires afin de faire baisser la température et permettre un meilleur stockage de la nourriture, puis finalement aux besoins personnels et extravagants de ceux qui avaient les moyens de s'en procurer.
L'Administration génoise met alors en place un contrat d'affermage utilisant des travailleurs locaux ayant la responsabilité de cette opération. Ainsi, l'hiver, des ouvriers récupèrent de grandes quantités de neige et l'entassent par couches successives, alternées de lits de fougères, pour remplir deux fosses de six mètres de profondeur où la glace se formera grâce à un ingénieux système d'aération. En saison chaude, des villageois ont pour mission de débiter des blocs de glace, de les hisser à l'aide de palans et de mettre en route des convois de mulets chargés de cette marchandise en direction de la route de Bastia.
Cette activité était une sorte d'industrie qui permettait à la fois de satisfaire les besoins de la ville et représentait également une source de revenus pour la population locale, qui était engagée dans cette entreprise. Le gouverneur génois exigeait la régularité de la livraison, et des amendes étaient encourues en cas de rupture du contrat. L'activité de la Nivera perdurera jusqu'à la fin du XIXᵉ siècle, après que des méthodes modernes de fabrication de glace artificielle firent leur apparition.
Il y avait une battue aujourd'hui vers les hauteurs des Nivere. Je m'en suis rendu compte à ma grande surprise, à un moment inopportun : alors que j'allais, comme à mon habitude, marquer mon territoire et laisser ma trace dans la nature, semblable à un artiste qui après avoir peint son chef-d'œuvre, le signe toujours d'un petit signe distinctif, je fus mis en alerte par un « Aidez-moi ! », « Par ici ! », « Il est sur moi ! ». Ni une ni deux, je remontai mon pantalon, le travail terminé, et croyant que quelqu'un avait besoin d'aide. J'ai criai, mais je n'eus aucune réponse, mon cri n'était-il pas aussi amical que je le voulais ?. J'attendis, et c'est à la chaise de guetteur renversée dans le talus d'herbe que je compris que personne n'était en danger, mais qu'il s'agissait encore d'une zone ou des petits filous courraient les montagnes pour débusquer le gibier.
