Monti Gozzi

Publiée le 10/09/2025
Le Monti Gozzi, vieille sentinelle fièrement dressée vers le golfe d'Ajaccio et qui veille sur les pasteurs des vallées avoisinantes, il convient d'aller le découvrir pour en admirer la vue depuis sa pointe rocheuse !

Monti Gozzi la sentinelle majestueuse d'Ajaccio

Personne rencontrée : Il habitait l’île, mais était Normand d’origine. Cela faisait des années qu’il n’était pas revenu, retenu par son travail. J’ai trouvé cette déclaration assez triste : le travail aliène l’homme. Je sais bien que l’homme doit gagner son pain à la sueur de son front pour vivre, sinon il serait un parasite, et l’homme moral n’est pas un parasite. Mais si le dur labeur est si rude qu’il m’en fait oublier la saveur du pain, à quoi bon travailler ? Si le travail me prive de mes seules aspirations — courir les montagnes — devrais-je sacrifier celui que j’ai envie d’être pour un morceau de pain ? Pour survivre ? Ou même pour vivre confortablement, mais loin de mes envies ? Ce n’est pas un choix facile. Aujourd’hui, dans ces montagnes oisives, il est difficile de se rappeler que la vie d’en bas n’est qu’une lutte constante. Certains n’auront jamais la chance de fouler ces terres de leurs pieds, malgré leur désir, simplement parce qu’ils ne le peuvent pas : contraintes et devoirs professionnels, économiques, physiques… Parfois, les choses sont ainsi, et l’on ne peut rien y changer, il faut y faire face.

Mise à part ça, il était très gentil et m’a proposé de me montrer un chemin pour aller encore plus loin vers les vallées, ce qui n’était pas pour moi. Il avait une fougue impressionnante pour son âge, et je me suis surpris à penser que j’aimerais vieillir comme lui ! Je lui ai souhaité bonne route, puis je me suis reposé quelques instants près de la cabane du pasteur. Je n’avais pas vraiment besoin de ce repos, mais c’était ainsi : je voulais simplement me sentir l’âme d’un pasteur assis sur sa vieille pierre dans ce décors aux herbes d'or, si hautes et jaunis par le soleil éclatant qui s'attachaient à mes pas.

Extrait du journal d'un montagnard #


Sur le bord de la falaise de roches rouges du Monti Gozzi, dominant la basse vallée de la Gravona et le golfe d’Ajaccio, s’était implanté un habitat médiéval fortifié composé d’une entrée, d’une tour carrée, d’une chapelle castrale, de citernes et d’un système de défense, occupant environ 2 000 m². Datées des XIIᵉ et XIIIᵉ siècles, ces structures sont liées à l’émergence des seigneurs de Cinarca, comme la famille Gozzi, originaire de Bergame et de Venise, et possesseurs d’un riche domaine agricole. Une légende raconte qu’un veau d’or enfoui aurait contribué à la destruction du site. La commune d’Appiettu, qui s’étend du golfe de Lava à la Punta San Sistu (876 m), compte plusieurs hameaux comme Teppa et Marchisciacciu. Son territoire, riche en vestiges, témoigne d’une occupation humaine depuis le Mésolithique (9 000 av. J.-C.), avec les premiers habitants connus de Corse, jusqu’à l’époque contemporaine. On y retrouve des dolmens, menhirs, structures de l’âge du Bronze (torri, habitats fortifiés), vestiges romains, chapelles médiévales et une tour génoise du XVIᵉ siècle. Le village comptait 156 feux en 1537 et son église paroissiale Saint-Chilperic, édifiée au XVIIIᵉ siècle, illustre l’importance de la richesse agricole et pastorale de la région.

Aujourd’hui, il ne subsiste presque rien de cette forteresse, si ce n’est quelques ruines observables ici et là, comme celle de l’ancienne tour perchée sur le promontoire rocheux. Cela est dû à la révolte de la famille contre l’autorité de Gênes : en réponse à cet affront, les Gozzi virent l’Office de Saint-Georges raser leur château, laissant le mont à l’abandon. Peu de temps après, les bergers remplacèrent les seigneurs. Il est d’ailleurs possible d’observer les ruines d’une petite maison construite bien après, qui semble être une maison de pasteur, preuve que les véritables seigneurs de ces lieux sont désormais les bergers.

Mais alors, qu’était l’Office de Saint-Georges ? Comment cette office parvint elle à soumettre les seigneurs corses à sa volonté ? Voici l’histoire : devant ses difficultés à maintenir son pouvoir en Corse, la République de Gênes confia en 1453 la gestion de l’île à une puissante banque génoise, constituant une sorte d’État dans l’État : l’Office de Saint-Georges. Sous couvert de défendre et d’administrer l’île, cet organisme mena en réalité une politique de répression, de pacification et d’exploitation des habitants pendant près d’un siècle, avec le soutien des notables commerçants Génois. La Corse était alors réduite au statut de colonie, ce qui accentua le ressentiment des insulaires à l’égard de la République de Gênes.

Monti Gozzi et vue sur le Golfe d'Ajaccio
Monti Gozzi et vue sur le Golfe d'Ajaccio
Monti Gozzi et vue sur le Golfe d'Ajaccio
Monti Gozzi et vue sur le Golfe d'Ajaccio
Vue sur la basse vallée de la Gravona
Maison de pasteur en ruine du Monti Gozzi
Maison de pasteur en ruine du Monti Gozzi
Maison de pasteur en ruine du Monti Gozzi
Maison de pasteur en ruine du Monti Gozzi
Vue de l'horizon depuis Monti Gozzi

Le Monti Gozzi fut ma première randonnée en moyenne montagne depuis le début de mon voyage, et j’ai dû m’y adapter. Le sentier était simple, mais exposé au vide, et je vais être honnête : ça m’a fait quelque chose. Cela faisait longtemps que je n’avais pas grimpé, mais ce pic de granit était si majestueux, et je voulais tant atteindre la petite maison en ruine du pasteur, que je me suis dit qu’un simple sentier ne suffirait pas à m’effrayer. J’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé de l’avant.

Au final, ce fut une superbe randonnée, gravée dans ma mémoire comme les prémices de mes expéditions montagnardes. Le Monti Gozzi, peut-être vu un peu comme la sentinelle fièrement dressée surplombant Ajaccio, le patron des bergers des vallées avoisinantes, qui m’a remis sur le droit chemin et réappris les bonnes habitudes en montagne, me préparant à affronter des sommets moins cléments à l’avenir. 

Extrait du journal d'un montagnard #

L'état des routes en Corse

Les routes corses se distinguent par leur beauté autant que par leur difficulté. L’île étant très montagneuse, le réseau routier est constitué de routes sinueuses et étroites, serpentant entre falaises maritimes et précipices montagneux. Il arrive souvent que, lors d’un croisement, l’un des deux véhicules doive reculer, faute de quoi les deux restent bloqués. Beaucoup de conducteurs, par crainte de frôler le vide, se serrent trop à gauche, ce qui peut créer des situations encore plus dangereuses. Certains, plus téméraires, roulent même au milieu de la chaussée, et le passage avec un véhicule lourd devient alors une véritable épreuve.

Les axes principaux sont généralement bien entretenus, mais les routes secondaires, tantôt habitées, tantôt désertées, présentent parfois un revêtement irrégulier, fragilisé par les intempéries et les éboulements fréquents. Nids-de-poule, fissures, voire portions de routes manquantes ne sont pas rares et peuvent s’avérer très dangereux. Comme il n’existe pas d’autoroutes en Corse et que les rares voies rapides se limitent aux abords de Bastia et d’Ajaccio, il faut emprunter des routes lentes et exigeantes, souvent parsemées d’animaux en semi-liberté : un trajet de 40 kilomètres peut facilement durer plus d’une heure.

Dans les villages, les routes se rétrécissent parfois en véritables ruelles, et il n’est pas rare de croiser sur la chaussée des cochons, des vaches, des chiens ou même des ânes. La conduite demande donc une vigilance permanente, d’autant que les habitants, habitués à ces conditions, roulent souvent plus vite que les visiteurs, voire n’hésitent pas à coller ceux qui traînent pour les pousser à accélérer. Les touristes, de leur côté, s’arrêtent fréquemment de façon improvisée — comme je l’ai fait à de nombreuses reprises — pour prendre des photos. Cette pratique, compréhensible, reste néanmoins risquée pour soi comme pour les autres si elle se fait sans précaution ni respect.

Malgré toutes ces contraintes, voyager en voiture en Corse demeure une expérience inoubliable : chaque virage dévoile des paysages grandioses et vertigineux. Les routes corses figurent sans doute parmi les plus belles au monde, tant l’île, malgré sa petite taille, regorge d’une diversité naturelle exceptionnelle.

0 commentaire

1 Voyage | 81 Étapes
Mont Gozzi, 20167 Appietto, France
3e jour (02/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

Partagez sur les réseaux sociaux