Le val d’Ese fait partie de ces vallées d’exception où paissent paisiblement des troupeaux d’ovins, mais aussi des chevaux et des cochons en liberté. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, de tels lieux ne se rencontrent pas à chaque détour de la Corse : ce sont des écrins préservés, rares et précieux.
À mon arrivée sur le val d’Ese, j’ai été immédiatement saisi par la splendeur du décor. J’avançais alors sur une ancienne piste de ski aux chemins encombrés de pierres, jusqu’à atteindre le sommet d’une colline. De là, le reste de la randonnée s’abandonnait à la sauvagerie majestueuse de la montagne. Nous longions de petites crêtes, accompagnés par les ovins, d’où s’ouvraient des panoramas sur les vallées du Prunelli et du Taravo, et, au loin, se devinait le village de Bastelica, blotti au cœur des monts.
Passée la crête, le sentier nous mena jusqu’au plateau d’I Pozzi, qui déployait devant nous son spectacle inoubliable. Les pozzines, tapis verts et humides ourlés de ruisseaux, y dessinaient un paysage d’une grâce singulière. Dans leurs bassins clairs, il n’était pas rare d’apercevoir des truites vives, glissant de point d’eau en point d’eau, comme pour nous rappeler qu’en chaque lieu, la vie poursuit son œuvre.
Je grimpai ensuite par-delà le cirque glaciaire qui se dresse derrière les pozzines et me frayai un passage à travers un labyrinthe d’arbustes, franchissant des éboulis grâce aux cairns disséminés dans la montagne, balisant ce chemin hors des sentiers. Après un long effort, j’atteignis un belvédère d’où l’on pouvait apercevoir le lac de Vitalaca, petit miroir d’altitude lové dans l’écrin minéral. Mais de là, il était impossible de descendre : le sentier manquait, les pentes étaient bien trop abruptes et mes jambes déjà alourdies par plus de quinze kilomètres et près de sept cents mètres de dénivelé. Il fallut donc rebrousser chemin, et regagner le plateau d’Ese en traversant les sous-bois forestiers des montagnes, au cœur d’une nature qui ne cessait de rappeler sa grandeur.