Les cascades d'Aïtone

Publiée le 13/09/2025
Petite randonnée forestière jusqu’aux cascades d’Aïtone et aux vieux moulins en ruine. Ce fut également ma première rencontre avec les mastodontes de ces bois : les pins Laricio, si différents de nos pins landais.

Les cascades d'Aitone, bijoux d'un vert émeraude éclatant

Les cascades d’Aïtone, c’est un ensemble de petites cascades et piscines naturelles creusées dans la roche, entourées par les arbres de la forêt d’Aïtone, qui donnent à l’ensemble cette si jolie couleur vert émeraude. Il est possible d’observer le long des cascades les ruines d’anciens moulins. Il ne subsiste aujourd’hui rien, si ce n’est quelques pans de murs et des pierres de taille écroulées ici et là. Cependant, rappelons l’utilité de ces moulins : ces moulins à eau servaient à moudre la farine de châtaigne afin de faire du pain. La rivière d’Aïtone, par son courant, fournissait l’énergie mécanique par un canal appelé ''bief'' qui détournait l’eau de la rivière vers le moulin, afin de la faire se déverser dans la roue, roue qui en tournant va actionner le rouet en son centre, une sorte de grand cylindre denté horizontal, fixé sur l’axe de la roue à eau et qui reçoit directement l’énergie de l’eau. Celui-ci va s’imbriquer parfaitement avec le pignon, appelé aussi lanterne dans les moulins anciens, une petite roue à dents verticales qui soutient la meule. La meule, étant fixée sur l’axe du pignon, va se mettre à tourner et moudre le grain.

Les paysans corses n’étaient pas riches. Les moulins étaient fragiles, il fallait faire attention à l’écartement des meules et à leur vitesse de rotation. Sans arrêt, on vérifiait le débit de l’eau, les meules et la quantité de farine, car si la force mécanique était mal exploitée, elle cassait à coup sûr le moulin. Fait intéressant : les meuniers faisaient payer aux paysans sans moulinle droit d’utiliser le leur. Dans toute l’Europe, et même en Corse, la coutume était de rémunérer un meunier par un pourcentage du stock de farine qu’il produisait sur les matières premières qui lui étaient amenées, par exemple 5 %. Vers 1830, il y avait plus de 1200 moulins comme ceux-là en Corse.

Très intéressant de se rendre compte que la rivière de l’Aïtone communique avec les Gorges de la Spelunca pour confluer avec le cours d'eau de la Tavulella au pont de Zaglia, pour finalement se jeter dans le fleuve Porto, des lieux visités durant mon séjour. C’est fabuleux, observez comme tout s’imbrique parfaitement, comme la nature ne demande qu’à être explorée !

La roche des cascades d’Aïtone doit son aspect particulier à l’action de l’eau depuis des millénaires. Le courant, en frottant en continu, polie le granite et lui donne son aspect lisse et brillant. En même temps, l’eau charrie du sable, des cailloux, qui agissent comme des outils d’abrasion. Ils creusent peu à peu de petites stries et sillons visibles sur les surfaces. C’est donc la combinaison du polissage par l’eau et de l’usure mécanique par les sédiments qui explique ce relief à la fois doux et striée.

Vue sur les cascades d'Aitone
Vue sur les cascades d'Aitone.2
Vue sur les cascades d'Aitone.3
Vue sur les cascades d'Aitone.4
Vue sur les cascades d'Aitone.5
Vue sur les cascades d'Aitone.6
Mon père et moi

La forêt d'Aitone, maison du pin Laricio

La forêt d'Aitone s'étend sur 2400 Ha sur le versant versant ouest du col de Vergio, elle est recouverte de pins Laricio qui est une espèce prépondérante à ce paysage, cependant d'autres arbres minoritaires coexistent avec lui comme le houel'hêtre et le sapin maritime, de ce fait la forêt se compose à la fois de feuillus et de résineux, permettant une meilleure biodiversité de la flore.

Théoriquement, la forêt est très ancienne, même si dans les faits, elle a par le passé pratiquement été déboisée pour les besoins industriels de l'île, si bien que la futaie actuelle n'a que 182 ans, elle est bientôt bicentenaire.

Forêt de pins Laricio
Forêt de pins Laricio.2
Forêt de pins Laricio.3

Le Pin Laricio comme ressource immémoriale

Le pin Laricio est l’un des emblèmes de la Corse, c’est une espèce endémique de cette île, comme en témoignent plusieurs écrits du XVIe siècle. Les pins Laricio étaient, à l’époque génoise, d’une grande valeur commerciale, par la qualité du bois mais surtout par leur dimension exceptionnelle et la hauteur de leur tronc parfaitement droit et élancé, dépourvu de branches intermédiaires jusqu’à la partie sommitale. Cet arbre présentait donc des conditions parfaites pour la construction navale contrairement aux sapins. Les Romains furent cependant les premiers à en faire cet usage. Les hêtres étaient utilisés pour la fabrication des rames. La production de bois était telle qu’elle suffisait à l’époque génoise pour satisfaire ses besoins et aussi ceux d’autres puissances. Le bois coupé et correctement préparé par des bûcherons spécialisés, selon qu’il était destiné aux mâtures ou pas, était maintenu en fûts ou préparé en planches. Ensuite, il était transporté, non sans difficultés, jusqu’à la plage de Sagone, pour être acheminé par navires jusqu’à Gênes.

Au début du XIXe siècle, la voie traversant la forêt d’Aïtone figurait parmi les trois seules routes royales de Corse, signe de son importance stratégique. Un itinéraire long mais accessible reliait Cristinacce au golfe de Sagone via le col de Sevi et Vico, permettant le transport du bois jusqu’aux ports d’embarquement. Les archives démontrent que malgré la richesse de la forêt et son potentiel, les Génois ne considéraient pas l’exploitation rentable à cause de la rudesse du climat, du difficile accès du site et des multiples réticences de la population locale à l’égard de la présence génoise et de ses méthodes dans l’exploitation du bois. Une fois la Corse cédée à la France en 1768, la forêt est de nouveau exploitée. Les forêts sont ensuite partagées dès 1852 avec les accords Blondel, entre l’État et les communes.

Le pin Laricio est une espèce emblématique et endémique de la Corse, il est une sous-espèce de pin noir. Son aire naturelle est comprise entre 800 et 1800 m d’altitude, de préférence en exposition sud ; sur les versants nord, il se mélange avec les futaies de hêtres, les sapins et le houx. Il peut atteindre 50 m de hauteur et jusqu’à 2 m de diamètre pour les plus vieux spécimens et se caractérise par une longévité exceptionnelle, pouvant aller jusqu’à 500 ans, ainsi qu’une couleur argentée-grise, caractéristique de son espèce lorsqu’il arrive à maturité. Durant sa période de croissance juvénile, son écorce est brun-rougeâtre, et il devient plus difficile de le distinguer d’un pin maritime. Rappelez-vous que le pin maritime ne pousse pas droit, qu’il possède des branches biscornues de manière irrégulière, et qu’en général, il demeure plus foncé que le pin Laricio.

Vue forêt d'Aïtone au cœur des montagnes
Vue forêt d'Aïtone au cœur des montagnes.2
Vue forêt d'Aïtone au cœur des montagnes.3
Autel de la vierge dans la forêt d'Aitone
Croix commémorative dans la forêt d'Aitone
Cochon forestier d'Aitone
Vue forêt d'Aitone /massif du Niolu et lac calacuccia
Vue forêt d'Aitone /massif du Niolu et lac calacuccia
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1 Voyage | 81 Étapes
Cascade d’Aitone - Cascata d’Aitone, Évisa, France
7e jour (06/08/2025)
Étape du voyage
Début du voyage : 31/07/2025
Liste des étapes

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